A la lettre

48. La marche à suivre

Les filles pénétrèrent dans la chambre, posèrent leur affaire et s'installèrent sur le lit. Séverilla remarqua aussitôt mon stress et posa une main sur mon épaule, soucieuse.

—Tout va bien ?

— Laisse ! Elle est juste en flippe parce que mes parents savent pas que vous êtes là ! 

— Encore ? Tu comptes nous inviter quand en dehors des vendredi en mettant tes parents au courant ? demanda Allissia.

— Illyana, ce n'est pas raisonnable. Tu aurais au moins pu nous prévenir avant, qu'on vienne en connaissance de cause, s'enquit Séverilla.

J'étais plutôt rassurée de voir que je n'étais pas la seule à penser que c'était super risqué et que je m'en serais bien passé.. J'espérais vraiment qu'Illyana ne s'était pas trompé quand elle disait qu'ils partiraient avant nous, parce que j'aurais trop peur de sortir de cette pièce sinon. 

— Roh, ça va ! Si on parle doucement comme maintenant, on sera tranquille. Je l'ai déjà dit à Allissia et Gwen, mais ça s'est toujours bien passé, alors il n'y a pas de raison. Je vous ai pas fait venir pour que vous me faites la morale !

— Parlons-en justement, enchaîna Séverilla. De quoi tu voulais nous parler ?

Illyana soupira et s'allongea sur le dos. Elle posa sa tête sur les genoux d'Allissia qui lui mit ses cheveux sur le visage pour l'embêter. Illyana les dégagea, puis débuta.

— Vous voyez le trio dans la classe qui sont toujours au courant de tout et qui mettent tout le temps tout le monde au courant de tout ?

— Oui ! C'est grâce à eux qu'on a su que certains profs étaient absents alors que c'était pas sur pronote, c'est super pratique ! lança Allissia.

— C'est eux que tu disais vouloir tuer ? demandai-je.

— Hmhm.. Je me suis rendu compte que dans ce qu'ils racontent, y'a pas que de la vérité. Ils s'amusent parfois à lancer des rumeurs, assez peu, sûrement pour pas qu'on se rende compte que ce sont des connards.

Je crois que je commençais à comprendre là où elle voulait en venir... 

— Quels genres de rumeurs ? l'interrogea Allissia.

— Je ne sais pas vraiment. En fait, si je l'ai découvert, c'est parce que j'ai appris qu'ils ont lancé des rumeurs sur moi. Ils racontent que si mes notes ont augmenté c'est parce que je suis passé sous le bureau. Et le pire, c'est qu'ils disent pas juste ça comme ça, en mode blague, ils affirment qu'ils m'ont vu et entendu mais qu'on leur a menacé de rien dire s'ils ne voulaient pas avoir de problème et qu'ils voulaient pas qu'on disent que la rumeurs vient d'eux. Puis y'a d'autres gens qui se sont amusés à faire des montages photos, ou a carrément utiliser la technologie du deep fake avec des films porno où ils ont mis ma tête avec des profs.

— Tu devrais les dénoncer, s'enquit Séverilla, l'air plus que sérieuse. C'est très grave, ça va beaucoup trop loin. Non seulement ça pourrait te causer des problèmes s'ils commencent à trop y croire, mais, les professeurs aussi, et leur travail pourrait être en péril. Est-ce que tu te fais harceler à cause de ça ? On t'as menacé ?

J'étais impressionné par la rapidité de réflexion de Séverilla. Elle pensait vraiment à tout, alors que moi, j'étais encore sur le choc. Quand Illyana parlait de rumeurs, je m'attendais à des petits trucs, des mauvaises blagues qui l'ennuient plus qu'autre chose, ce qui expliquait son envie de les tuer, mais là, cela allait effectivement trop loin. 

Je pensais surtout à ce qui se passerait si cela s'ébruitait trop au point que ses parents l'apprennent. Ils seraient capables de ne pas la croire, tant la technologie rend les vidéos et photos convaincantes. Illyana se retrouverait à avoir aussi des problèmes chez elle alors qu'elle n'avait rien fait.

Je comprenais mieux pourquoi elle disait vouloir les tuer. Et plus je réfléchissais, plus tout se connectait dans ma tête. Je me souvins alors des fois ou je pensais que les gens de la classe riait d'Illyana parce qu'elle faisait l'idiote alors que ce n'était pas pour cela. Ou bien de la fois où elle voulait se jeter sur eux pour se battre et que j'avais été surprise par la haine sincère dans son regard.

Et je me sentis surtout très stupide. Je pensais que tout était comme d'habitude, et avais décidé d'omettre les détails importants. Alors que Séverilla l'aurait sûrement remarqué si elle l'avait vu dans ces moments-là.

— Le problème si j'en parle, c'est qu'il y a un risque que la police s'en mêle, et comment je leur prouve que les vidéos sont fausses ? La personne qui les a faites se dénoncera pas et dira juste l'avoir trouvé sur internet. 

— Mais il y a forcément quelque chose qu'on peut faire !

Illyana lâcha un soupir, énervé et se redressa subitement.

— Je veux pas parler de ça ! J'avais juste envie de cracher sur la gueule de tous ceux qui prétendaient être mes amis et qui s'allient aux rumeurs ! J'ai juste envie de me défouler là ! 

— Tu peux te défouler maintenant. Autant que tu le veux. Mais tu dois en parler à tes parents et porter plainte ! Qui sait s'ils pourraient pas aller encore plus loin ! m'exclamais-je.

Alors qu'Illyana allait répliquer, la porte s'ouvrit en grand, dévoilant la mère d'Illyana.

— Je suis parfaitement d'accord avec tes amies, déclara sa mère.

— M-maman ? Tu nous as écoutés ?

Sa mère s'appuya contre l'encadrement de la porte, les bras croisés. Mon cœur s'accéléra subitement. Je savais que c'était une mauvaise idée d'être ici sans leur accord ! Mais ce n'était pas le moment de parler de détails comme celui-là, il y avait un problème plus important ! Cela dit, ne venait-elle pas de dire qu'elle était d'accord avec nous ?

— Vous n'êtes pas aussi discrète que son petit ami. Et comme vous ne travailliez pas comme c'est le cas quand il est là, je pensais vous surprendre, mais votre discussion était plus importante que ce que je croyais.

Illyana se leva dans un bond, furibonde.

— Et alors ! Tu vas encore me punir pour quelque chose que je n'ai pas fait ?

L'expression de sa mère changea pour s'adoucir un peu. Elle s'approcha d'Illyana et posa ses mains sur ses épaules.

— J'ai peur de la façon dont tu me vois. Je ne suis pas un monstre. Sévère quand il s'agit de ton avenir, certes, mais je m'inquiète pour toi, et ce que je viens d'apprendre est plus que grave.

Illyana ouvrit de grands yeux. Elle qui était sur la défensive sembla se détendre.

— Alors... tu me crois ?

— Bien sûr. Tu as peut-être tendance à me mentir, mais je sais que tu dis la vérité à tes amis. Et je t'aurais cru si tu étais venue m'en parler, évidemment. Je sais qu'en venant de toi même, tu ne mentirais pas pour des choses aussi graves.

Elle se tourna ensuite vers nous et je me raidis aussitôt. 

— J'aimerais que ce soit la dernière fois que vous venez ici sans que je ne sois au courant, mais je laisserais passer aujourd'hui, au vu du sujet de discussion.

Mes muscles relâchèrent à ses mots. Je ne supporterais pas de risquer que maman me force à couper contact même par message avec les filles, sans pouvoir demander des nouvelles de cette histoire et d'Illyana. Je voulais être présente pour elle, comme elle l'avait été pour moi.

— Passons au plus important. Vous les filles, vous irez normalement en cours, nous on ira au commissariat pour porter plainte. Avant ça, envoi un message à tes professeurs concernés, parle leur de la vidéo s'ils ne sont pas déjà au courant, et dis leur d'aller eux aussi porter plainte. Les coupables ne resteront pas impunis, crois-moi.