— C'est bon, tu n'as pas à me le dire. Par contre, qui est ton professeur principal ? C'est bien Madame Dandiret ? Si tu as besoin, elle est toujours à l'écoute de ses élèves et elle ne porte jamais de jugement. Pour ton devoir... je sais que tu es une élève sérieuse, donc je me doute que tu avais des raisons. C'est pour ça que je vais laisser passer pour cette fois. Si dans le futur, il se passe quelque chose d'important qui t'empêche de travailler correctement, parles en au moins à Madame Dandiret, qu'on est un justificatif. D'accord ?
Je hochai la tête, toujours sans le regarder. Mon cœur tremblait moins, tout comme mes mains. Cependant, je savais qu'il me faudrait plusieurs minutes pour me calmer.
— Tu peux rester quelques minutes dehors à te relâcher un peu. Si tu veux te rafraîchir ou boire un peu...
Mon professeur rentra en classe et je décidai de profiter de l'opportunité qu'il me laissait. Je sortis un mouchoir de ma sacoche pour me moucher, et rien qu'après cela, je me sentais déjà un peu mieux. J'allai aux toilettes, car c'était là que se trouvait la poubelle la plus proche, et me passai un peu d'eau sur le visage.
Je confrontai ensuite mon reflet. Mes yeux étaient légèrement rouges et nul besoin d'être un génie pour comprendre que j'avais pleuré. Heureusement, cela devrait devenir invisible d'ici une minute. Les traces de sang disparaissaient vite.
Je passai une dizaine de secondes à inspirer et expirer profondément, puis je retournai en classe. Je demeurai tête baissée, car de nombreuses têtes interrogatives s'étaient levées vers moi. Et entre autres, mon voisin qui ne tarda pas à me questionner une fois à ma place.
— Ça va ? J'ai jamais vu quelqu'un se mettre dans cet état pour un devoir non fait...
Il souffla du nez. Sûrement une tentative de blague pour détendre l'atmosphère.
Je me contentai de hausser les épaules et il n'insista pas plus pour mon plus grand bonheur. Je n'étais pas encore en état. Si je parlais, même un mot, cela suffirait à me faire éclater en sanglots.
Tout de même... Lui et moi, nous ne nous connaissions pas. Je savais juste qu'il s'appelait Bastien, car c'était mon voisin, rien de plus. Je ne savais même pas si de son côté, il avait mémorisé mon prénom. Et malgré tout, il avait éprouvé de l'intérêt pour moi. Il m'avait demandé si j'allais bien, pas comme une question de politesse à laquelle on répond oui plus par réflexe qu'autre chose. Une question qui espérait une réponse réelle.
Et si j'avais répondu que non, ça n'allait pas ? Aurait-il ignoré et fait comme s'il n'avait rien entendu pour ne pas se prendre la tête avec mes "problèmes" ? Ou bien, il m'aurait proposé de me confier ? Pour m'aider ?
Non, il aurait sûrement trouvé une façon d'échapper à cela sans paraître impoli.
***
Dès que le professeur nous autorisa à ranger nos affaires et sortir, Allissia me sauta dessus, m'étouffant dans ses bras. A tel point que j'eu du mal à respirer.
Mon amie allait parler, mais Séverilla lui prit le poignet pour la forcer à retourner à sa place et à ranger ses affaires. Je n'y fis pas trop attention. Parfois, Allissia agissait de façon tellement incompréhensible qu'elle-même ne savait pas pourquoi elle le faisait.
Illyana partit avec le reste de la classe et, avec les deux autres, nous nous rendîmes dans la cour. L'oxygène avait un goût amer. Je jetai un regard en coin vers les filles. Il y avait quelque chose... Cela avait-il un rapport avec le fait que j'avais quitté la salle de classe pour discuter avec notre professeur ?
Je posai mon sac et m'asseyai sur un bloc de pierre. Les filles prirent place à chacun de mes côtés. Allissia enroula ses bras autour du mien, et Séverilla posa sa main sur mon épaule.
— Est-ce que tu as...
Séverilla ne finit pas sa phrase, jetant plusieurs regards aux alentours pour s'assurer que personne ne nous écoutait. Je devinai alors qu'elle parlait des lettres. Elles repoussaient réellement tout ce qui avait l'air de ne pas aller chez moi sur les lettres.
Je tentai de demeurer impassible. Si elles commençaient à croire que j'en recevais quotidiennement et cherchaient à les lire... Comment pouvais-je les détourner de leur enquête ? Je me doutais que même si elles ne trouvaient personne, elles persévéreraient jusqu'à ce que se présentent des suspects.
Une idée germa dans ma tête. Et si, après quelque temps, je leur disais simplement que je n'avais plus de lettre ? D'ici là, j'aurais mon coffre-fort, donc même s'il leur prenait l'envie de fouiller ma chambre, elles ne trouveraient rien et en concluraient que je disais la vérité. Je devais juste sourire constamment et...
— Gwen ? Tu peux tout nous dire, tu le sais... Tu préfères l'écrire peut-être ? proposa Séverilla.
Je secouai la tête et, réfléchissant à mes mots, pris une grande inspiration.
— Ce n'est rien... C'est juste qu'hier, j'étais épuisée et je me suis endormie en arrivant, du coup, je n'ai pas fait mes devoirs. Enfin, juste à moitié ce matin.
— C'est pour ça que le prof voulait te parler ? demanda Allissia.
— Oui... comme c'est la première fois et qu'il sait que je m'implique, il laisse passer.
— Donc tout va bien ? insista Séverilla.
Je hochai la tête, bien que cela ne la convainquit pas, comparé à Allissia qui afficha une mine soulagée. Le regard appuyé de Séverilla me fit regretter d'avoir parlé de cela.
— Hé, ne t'en fais pas d'accord ? Tu l'as dit toi-même, c'est la première fois que ça arrive. Ce n'était même pas un devoir noté. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire, mais... ne te détruis pas pour tes notes. Ta santé est bien plus importante. Si tu as l'impression de rechuter, parles-en à l'une d'entre nous, on t'aidera comme on l'a fait.
Je hochai la tête sans trop de conviction.
— Je sais, mais ça va. J'ai un peu paniqué, mais ça va maintenant que c'est passé. Je ne rechuterai pas. Tout va bien.
Et étrangement, j'en étais plutôt convaincue. Je savais que je continuerais à stresser, mais je ne retournerais plus dans ce cercle vicieux.
***
Je devais toujours sourire...
Mais...
Allongée en étoile sur mon lit, je tournai la tête pour m'assurer que j'avais bien verrouillé ma porte. Cette fois-ci, je n'avais pas fait la même erreur que la veille et avait vérifié plusieurs fois que j'avais bien fait tous mes devoirs pour le lendemain et fait au moins la moitié du surlendemain.
Toujours sourire...
Mais...
Il y avait quelque chose de plaisant d'entendre des personnes me dire que je pouvais parler de ce qui n'allait pas. Même si c'était faux. Les filles me le disaient aussi, mais c'était différent. Enfin... je ne savais plus trop...
Cependant, en y repensant, oui, j'appréciais cette attention. Si maman avait été là, elle m'aurait tiré par l'oreille et m'aurait étiré les lèvres dans un sourire pour me scotcher les joues. Plus un repas en moins pour l'insolence.
Néanmoins, au lycée, c'était différent... Des personnes pour qui j'étais invisible me montraient de l'intérêt. C'était comme si parce que je pleurais, j'existais aux yeux des autres.
Je n'avais pas besoin d'aller réellement mal ou de me justifier. Je pouvais simplement jouir de leur attention.
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A la lettre
Teen FictionGwen s'écrit des lettres. Des lettres de haine. Des lettres pour la faire culpabiliser. Des lettres que personne ne doit découvrir. Sauf que c'est arrivé.