62. Apprendre sur les autres

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Nous nous installâmes en cercle sur le tapis d'Allissia. La joie de cette dernière se remplaça par une grande gêne que nous partagions toute. Nous récupérâmes un bout de papier pour noter les choses dont nous voulions parler. Moi, je voulais parler d'à quel point je me sentais mal pour Illyana mais aussi des parents. A voir le sujet que je choisirai cette semaine.

Ensuite, nous relevâmes la tête, et nous dévisageâmes, avant d'éclater de rire tant la situation était particulière. Une fois le rire passé, il ne restait que la gêne.

Le silence régna en maître, alors que nous attendions que l'une se désigne pour commencer.

— Bon... qui veut commencer ? lança Allissia pour briser le silence.

Je me pinçai les lèvres. Et si personne ne commençait et que l'idée, bien que géniale, tombait à l'eau à cause de cela ?

Allissia se racla la gorge et prit une grande inspiration.

— Bon... vu que c'était mon idée, je suppose que c'est à moi de commencer...

Elle prit de nouveau une grande inspiration, repoussant le moment d'encore quelques secondes.

— Euh... je... je suis... j'ai peur pour l'année prochaine... Je veux prendre les spé scientifiques parce que je pense savoir ce que je veux faire plus tard. J'ai fait croire à mes parents que j'allais voir Damien, mais j'ai rejoint mon frère qui m'a emmené dans sa ville à deux heures de voiture, et il m'a parlé de son travail. J'ai même pu aller dans son laboratoire parce que son copain est assez haut placé. Au début, j'étais juste intriguée, et comme mon frère m'avait proposé de m'y emmener, j'ai accepté. Et à l'entendre parler, voir ce qu'il faisait... ça m'a donné une illumination. J'ai découvert ce jour-là que je veux être botaniste. Et je me rends compte que si je fais pas d'effort comme ça a été le cas depuis le début de l'année, je n'aurais pas le niveau. J'arrive à dépasser un peu la moyenne cette année, mais en spé, comme le prof de maths nous l'a dit, les notes vont chuter. J'hésite à redoubler la seconde pour augmenter mon niveau et aller en spé math plus tranquille. Qu'est-ce que vous en penser ?

Je restais un moment bloqué par le fait qu'elle avait parlé de son frère. Depuis quand était-elle en contact avec lui ? De ce qu'elle nous avait dit, il avait fugué il y a trois ans parce qu'il était en couple avec un homme et qu'il préférait fuir qu'affronter l'avis de ses parents qui, même aujourd'hui, ne le savaient pas. Seule Allissia connaissait ce détail, dont elle nous avait parlé. En revanche, elle ne nous avait jamais dit qu'elle était restée en contact avec lui. Allissia avait réussi à cacher cela ?

— Euh... oui, mon frère... j'avais oublié ce détail...

Elle détourna le regard et déglutit bruyamment. Ainsi, ce n'était pas non plus prévu qu'elle nous en parle aujourd'hui et c'était juste sorti comme ça. Sur ce point, je reconnaissais plus Allissia la gaffeuse. Mais comment n'en avait-elle jamais parlé avant ? La réponse me vint aussitôt, tout simplement parce qu'on ne lui avait jamais posé la question... C'était plus facile de mentir par omission.

— Je suis désolée de ne pas vous en avoir parlé, mais... je lui avais promis de ne parler à personne du fait que je gardais contact avec lui. J'avais peur de prendre trop ça pour acquis et finir par en parler à mes parents... Le fait de vous avoir révélé la raison de son départ, c'était une façon de me tester pour être sûr que je pouvais le cacher à mes parents en vous en ayant parlé. Mais je n'arrivais pas à trouver la limite et me dire, c'est bon, je peux arrêter de cacher ça. Désolée...

Elle baissa la tête, l'air honteuse, et tritura ses doigts.

— Tu n'as pas à être désolée... fis-je. Aux dernières nouvelles, c'est ta famille et tu ne nous dois rien. C'était surtout perturbant de t'entendre parler de lui soudainement, mais on a aucune raison de t'en vouloir.

— C'est vrai. D'autant plus que c'est un sujet délicat.

Allissia nous lança un petit regard timide, avant de se redresser et de nous sourire.

— Merci... Et... pour les spé ? Vous avez des conseils ? 

Nous réfléchîmes un instant. A ces premiers mots, j'avais été étonné qu'elle ne nous parle pas du divorce de ses parents, mais je supposais que c'était pour commencer parce que c'était la première fois. Et puis, cela restait un sujet important.

— Et bien, commença Séverilla. Si tu sens réellement que tu ne t'en sortira pas avec ce niveau l'année prochaine et que ça te semble mieux te redoubler, c'est effectivement une solution qui a du mérite. Donc déjà, félicitation de l'envisager sérieusement et de penser de la sorte à ton avenir. Mais ne mets pas trop de pression quand même. Cela dit, si tu as besoin d'aide pour tes révisions en science, je peux peut-être t'aider un peu, même si ce ne sont pas les matières où j'ai les meilleures notes.

— Et si je peux aider un peu, même si je suis moins bonne que Séverilla, n'hésite pas non plus à me demander. Plus en svt après... Je n'ai pas des notes incroyables, mais je comprends les cours.

— Et moi, je suis plus douée en physique chimie et en maths.

Allissia demeura dans une expression figée, les yeux grand ouverts, avant de nous lancer un grand sourire.

— Merci les girls ! Vous êtes les meilleures !

Elle se mit sur les genoux et sauta en avant afin de nous enlacer un instant. Puis, elle retourna en tailleur, toujours son sourire aux lèvres.

— Bon ? A qui le tour ?

Séverilla et moi nous jetâmes un regard, et je me redressai pour annoncer que je prenais la suite.

— Je...

Les mots m'échappèrent avant que je n'eus le temps de les attraper, et je me m'affaissai à nouveau. Toute la motivation qui m'avait envahie jusqu'alors par rapport à l'idée s'envola. Pourquoi avais-je autant de mal à faire fonctionner mes cordes vocales ? Je l'avais déjà fait pourtant ! Et cela m'avait semblé simple. Je pensais m'être amélioré... 

Je baissai la tête, honteuse. Même Allissia, qui avait commencé, chose qui n'était vraiment pas facile, n'avait pas eu autant de mal. 

Des larmes me montèrent aux yeux, et j'essayai de les retenir. Je n'avais pas le droit de pleurer alors que j'avais adoré l'idée d'Allissia !

Arrête de pleurer ! Arrête de pleurer ! Arrête de pleurer !

A la lettreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant