Malgré ma discussion avec Séverilla, je me trouvai tout de même devant la porte de chez Allissia. Ce qui voulait dire que soit cette dernière n'était pas au courant, soit elle ne voulait pas risquer que je comprenne ses intentions, soit cela lui faisait plaisir de m'accueillir chez elle dans tous les cas.
Enfin, encore faudrait-il qu'elle trouve ses clés. Car cela devait faire cinq minutes qu'elle fouillait dans son sac et semblait prête à en vider son contenu sur le sol.
— Tu es sûre que tu ne les as pas simplement oublié chez toi ?
Ce serait loin d'être la première fois. Elle était si souvent venue chez moi à cause de cela, parce que ses parents rentraient à 20 heures minimum. Surtout au collège. Donc je la félicitais pour son incroyable record qui était de presque quatre mois depuis la dernière fois qu'elle était venue sonner chez moi.
— Oui, je les ai même ramassées parce que je les ai fait tomber pendant la queue quand vous étiez aux toilettes.
— Tu les as peut-être refait tomber ?
Cela aussi, bien que plutôt rare, ne serait pas surprenant. Comme le lendemain de la rentrée en septembre, quand elle avait dû aller en vie scolaire en priant pour qu'ils les aient.
— Ah ! Trouvées !
— ll était temps ! !
— Eh oh, j'ai invité Gwen, pas Illyana !
Je pouffai de rire à sa moue boudeuse. Il allait réellement falloir qu'elle arrête de dire cela dès que j'étais ne serait-ce qu'un peu moqueuse ou sarcastique. Sinon, Illyana finirait par considérer que cela lui appartenait et serait même prête à nous demander de l'argent si on l'imitait.
— Ça tombe bien, je m'appelle Gwen.
Allissia déverrouilla sa porte et nous entrâmes. Le calme de la maison m'offrit un sentiment étrange. A cet heure là, les parents étaient déjà devant la télé et je m'étais habituée à ce bruit de fond.
Quand j'y pensais, je ne passais pas tant de temps chez Allissia. La plupart du temps, c'était elle qui venait chez moi. Non pas que cela importait, tant que l'on passait du temps ensemble.
Bien que de son côté, je pouvais affirmer que la cuisine de maman la convainquait. Que ce soit simplement un cookie au goûter, ou quand elle oubliait ses clés un jour où ses parents rentraient trop tard et qu'elle mangeait avec nous.
Avec le temps, on était plus ou moins colocataires — gratuitement mais tout de même. A cette pensée, la nostalgie s'empara de moi et je me mis à regretter cette période. Quel dommage que depuis le début du lycée, elle avait de moins en moins le temps de passer.
— Gwen ?
Je sursautai et me tournai vers Allissia qui me dévisageait, la tête penchée sur le côté.
— Je sais que tu ne viens pas si souvent chez moi, mais le mur mérite autant d'attention ?
En effet, cela devait faire au moins une bonne minute que je l'observais, plongée dans mes pensées.
— Je me disais juste que ça commence à faire longtemps que tu n'as pas oublié tes clés...
Elle comprit ce que je voulais dire car un sourire nostalgique peint ses lèvres à son tour.
— T'as raison. Faudrait que je sois plus tête en l'air à l'avenir.
Nous nous sourîmes puis allâmes dans sa chambre. La décoration n'avait pas tant changé. Les posters de ses chanteurs préféraient ornaient ses murs, accompagnés de toutes les affiches des films qu'elle était allée voir avec une note. Il y en avait quelques unes en plus depuis ma dernière venue. Je noterai peut-être ses favoris plus tard.
Je m'attardai un moment sur la bibliothèque à côté de son bureau absolument inutilisable tant il était rempli. Et la bibliothèque, on ne voyait plus les livres, cachés derrière une barrière de faux lierre. C'était nouveau ça.
Allissia s'assit sur son lit et tapota la place à côté pour que j'en fasse de même. Je m'exécutai.
Son visage devint sérieux et je devinai qu'elle ne comptait pas passer par quatre chemins.
— Gwen, est-ce que c'est vrai que tu ne reçois plus de lettres ? Tu n'en as pas eu de nouvelles depuis notre discussion ? De quand date la plus récente ?
J'éclatai de rire intérieurement, tant elle était directe. Certes, je m'y attendais, mais pas à ce point. Je supposais qu'elle prendrait un peu plus de pincette, vu l'importance que les filles y apportaient, mais elle parvenait toujours à me surprendre.
— Je considère les lettres comme de l'histoire ancienne, dis-je simplement. La dernière est la plus récente que vous avez lu.
Mensonge par omission, mais j'avais fait l'effort de ne pas dire que j'en recevais. Même si c'était déjà trop tard, j'espérais pouvoir mettre cela sur la panique de l'inattendu.
Car je voulais tout avouer aux filles un jour. Quand je me sentirais prête.
Quand je me sentirais prête à assurer. Et aussi, je voulais que ce soit lorsque les filles seraient passées à autre chose. Peut-être qu'ainsi, elles m'en voudraient moins de l'avoir caché.
— Alors, t'as pas menti pour pas qu'on s'inquiète comme le pense Illyana ou à cause d'une menace comme l'a dit Séverilla ?
— Illyana pense ça ?
Allissia se figea un instant, puis ses épaules s'affaissèrent dans un soupir, signe qu'elle abandonnait.
— Avec cette histoire de lettre, les filles et moi on s'est souvent concertées pour voir ce qu'on pouvait faire, en dehors de l'enquête. On voulait te montrer que ce que dit cette personne est complètement faux, que t'es une personne géniale, qu'on t'aime et qu'on ne veut pas se séparer. Sans trop en dire, sinon Illyana ne va pas être contente, mais la surprise dont on parlait dans le groupe, c'est liée à ça.
J'ouvris la bouche pour parler, mais aucun son n'en sortit. Alors il y avait réellement quelque chose... Elle dépensait depuis quelques mois tant d'énergie pour moi alors que je continuais de douter de notre amitié.
Je ne savais vraiment pas quoi dire. Penser au temps qu'elle mettait pour me remonter le moral... C'était... c'était trop. Je n'en demandais pas tant...
J'écrasai ma main pour cacher mes tremblements et baissai la tête, à la recherche de mots pour exprimer ce que je ressentais. Mais rien ne suffisait. Dans mon cœur, c'était trop fort, trop intense, et rien ne le décrivait, sans l'atténuer. Alors à la place, je me jetai en avant pour enlacer Allissia, enfouissant ma tête dans son cou. Je la serrai comme si ma vie en dépendait, mais c'était tout ce que je pouvais faire à l'instant.
Elle émit un léger mouvement de recul sous la surprise, avant d'enrouler ses bras autour de moi.
— Vous êtes les meilleures, je vous aime tellement...
Un petit rire la secoua.
— Attends au moins de voir notre surprise pour dire ça. Si ça se trouve, tu vas détester...
— Aucun risque. Même si c'était un caillou, je le chérirai.
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A la lettre
Teen FictionGwen s'écrit des lettres. Des lettres de haine. Des lettres pour la faire culpabiliser. Des lettres que personne ne doit découvrir. Sauf que c'est arrivé.