XXIX : Heartless

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Moi : J'ai vraiment pris conscience de la détérioration continue de ma relation avec Lorenzo, lorsque les actes violents sont devenus plus fréquents. Il ne se contrôlait presque plus. Je me prenais des coups de plus en plus souvent, et pour des raisons aussi futiles les unes que les autres. Parfois il s'excusait, d'autres fois non, mais ça recommençait toujours, même quand il me jurait que c'était la dernière fois.

... : Et dans quel état d'esprit étiez-vous à ce moment là ?

Moi : Je me sentais très triste. Mentalement affaiblie, perturbée et isolée. Il avait réussi à me convaincre que quoi qu'il arrive, c'était toujours moi la coupable. Je n'avais plus de personnalité, sinon celle qu'il voulait que j'ai. Celle d'une femme soumise, impuissante, dominée, maltraitée, mais éperdument amoureuse de son bourreau. On aurait dit que pour lui, l'amour devait forcément rimer avec la violence et la crainte. C'était sa façon de m'aimer, ajoutais-je en riant nerveusement. C'est ce qu'il disait...

... : Pensiez-vous à partir, à ce moment là ? À le quitter définitivement ?

Je secouais la tête négativement.

Moi : Je l'aimais beaucoup trop pour ça, et je savais que je ne pourrais aller nul part. C'était impossible. Je n'avais même plus le droit de sortir de la maison, rare était les fois où il m'autorisait à aller chercher ma fille à l'école. Je ne sortais que quand il était de bonne humeur, ou quand je devais l'accompagner à ces multiples événements où je ne me sentais jamais à ma place. La seule chose qui m'aidait à supporter tout cela, c'était mes enfants. Pour eux et pour leur bien-être, je subissais cette relation plus que destructrice. Je me disais que ça passerait. Qu'un jour, Lorenzo arrêterait de me prendre pour son punching-ball et redeviendrait celui que j'avais connu. Cet homme qui m'avait appris ce qu'était l'amour, avait fait de moi une femme, puis une mère.

Elle m'a regardé tristement.

Moi : J'étais si stupide, crachais-je en regardant le mur face à moi. L'amour rend aveugle, certes. Mais moi, ça m'a rendu bête.



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6 ans plus tôt
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Je viens tout juste de raccrocher au téléphone avec Livia. Ça m'a fait du bien de lui parler, je ne l'avais pas revu depuis son mariage il y'a trois mois. Conrad et elle se sont installés à Milan, la ville où ils s'étaient rencontrés et étaient tombés amoureux. Ils se concentrent sur leur nouvelle vie de jeunes mariés et je ne peux pas lui en vouloir.

Vu qu'elle m'appelle sur le fixe de la maison, on ne peut jamais vraiment parler car elle craint que les conversations soient écoutées par Lorenzo. Je pense qu'elle se doute que son frère a recommencé à me violenter même si elle ne le dit pas directement.

En passant devant le bureau de Lorenzo, j'étais surprise de voir la porte ouverte. Mon fils était à l'intérieur, assis au sol près de la chaise pivotante.

Moi : Non mon coeur, soufflais-je en le rejoignant. Pas dans le bureau de papa. On n'a pas le droit de venir ici.

Je me suis baissée pour le prendre, remarquant qu'il tenait une enveloppe dans ses mains qu'il s'amusait à mettre dans sa bouche. Le tiroir du bas était ouvert, donc il a du prendre ça dedans.

Je la lui ai gentiment prise afin de pouvoir la remettre à sa place, lorsque quelque chose a glissé. Il s'agissait d'une photo. En la retournant, j'ai froncé les sourcils. C'était une photo de moi prise lorsque j'étais adolescente. Je devais avoir quatorze ou quinze ans, je ne sais plus trop.

Troublée, j'ai ouvert l'enveloppe pour constater qu'il y'en avait d'autres. Toutes de moi, prises à mon insu par je ne sais qui. On pouvait me voir au lycée, en train de marcher dans la rue, avec mes amis, ma famille... c'était presque flippant. On aurait dit que quelqu'un me suivait tout ce temps alors que je n'avais jamais rien remarqué. Je ne les avais jamais vu avant.

Jusqu'à ce que la mort nous sépare.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant