XXXVIII : Silence is the loudest sound

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Moi : Après la mort d'Enzo, la dynamique familiale était mise à rude épreuve. J'essayais de chercher des moyens de continuer à vivre malgré le deuil, mais c'était tout sauf facile. La douleur était toujours aussi immense. Je me sentais vide. Brisée. Hantée par le chagrin.

... : Même s'ils n'auraient rien pu faire pour éviter le drame, beaucoup de parents se sentent coupables de la mort de leur enfant et ont l'impression d'avoir failli dans leur rôle, de ne pas avoir su le protéger... c'est normal de ressentir cela. On passe par le choc, le refus, la colère, la dépression et enfin, un jour, l'acceptation. Sachez que ce qui est arrivé à Enzo n'était aucunement de votre faute.

Moi : Si, affirmais-je. L'amour malsain que je portais à Lorenzo a mené à tout ça. J'ai mis mes enfants en danger, même si à l'époque je ne m'en rendais pas forcément compte. Je n'arrête pas de me dire que si j'avais écouté Livia avant et après la paralysie du petit, il serait encore en vie. Si j'avais pris les bonnes décisions, Enzo serait toujours parmi nous. J'ai été négligente et aveugle sur tellement de choses que parfois, même aujourd'hui, j'ai du mal à me regarder en face.

... : Vous n'aurez rien pu faire, Kenaya. Ça ne sert à rien de vous morfondre. Si c'est arrivé ainsi, c'est que c'était écrit.

Je secouais négativement la tête.

Moi : J'aurais dû protéger mon fils de son père. J'aurais dû capter tous les signaux qui se montraient à moi. J'aurais dû être une meilleure mère. Mais au lieu de ça, je faisais tout le contraire. Chiara restait silencieuse et renfermée. Elle n'a pas dit un mot pendant deux mois. Elle faisait souvent des cauchemars la nuit, et c'était mise à faire pipi au lit fréquemment alors qu'elle ne faisait jamais ça auparavant. J'étais vraiment inquiète. Et je n'étais pas la seule. C'est là que Rafaele a commencé à devenir un allié inattendu.

... : Comment cela ?

Moi : Il prenait son rôle de parrain à grand coeur. Il se posait des questions, voyant que le silence et le traumatisme de Chiara persistaient. Il se souciait beaucoup plus d'elle, mais aussi de mon état mental...  contrairement à Lorenzo.

... : Que voulez-vous dire ?

Moi : Lorenzo semblait vouloir oublier la mort d'Enzo en se concentrant uniquement sur le  travail et le nouveau-né. Il ne négligeait pas Chiara, mais comme elle réagissait mal à sa présence, il s'évitaient en quelque sorte. J'étais tellement secouée que je ne remarquais pas que tout ça cachait autre chose. Je luttais contre la dépression post-natale tout en essayant de m'occuper convenablement de Matteo. Mais c'était difficile. Encore plus avec Chiara à gérer. J'avais beaucoup de mal à assumer un troisième enfant, même si désormais je n'en avais plus que deux.

J'ai passé ma main sur ma nuque.

Moi : Ça a commencé à créer des tensions. On avait de plus en plus de mal à communiquer sur le deuil et nos préoccupations respectives. Le fait que Lorenzo évite de parler d'Enzo me contrariait beaucoup.  Il esquivait toute allusion à lui, créant un fossé supplémentaire entre nous.

... : Extérioriser ses émotions est fondamental durant cette période. Il faut exprimer sa colère, sa culpabilité, sa détresse... Certains consultent, d'autres écrivent dans un journal ou choisissent de participer à un groupe de soutien. Le but n'est pas de remuer le couteau dans la plaie, mais d'évacuer progressivement l'immense charge émotionnelle liée à ce décès. Le fait que Lorenzo n'ait pas contribué à cela n'a pu avoir que des conséquences néfastes.

J'ai ris, nerveusement.

Moi : Comment aurait-il pu contribuer à mettre des mots sur ce qu'il avait lui même causé ?


Jusqu'à ce que la mort nous sépare.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant