Acte IV - scène 2

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Xiang, Wuyuan, le Héraut

Le Héraut, fort éloquent derrière le théâtre : Sa Majesté la Reine !

La reine entre d'un pas rapide et déterminé, sans hésitation. Elle porte sa robe-phénix, un somptueux costume d'or décoré d'un phénix aux couleurs éclatantes. Le roi s'assit sur son siège et fixe la reine avec une froideur dans les yeux et un air fâché, tout en caressant sa longue barbe noire.

Wuyuan, s'agenouillant baissant la tête et la voix forte : Votre Majesté ! Votre humble et très obéissante épouse vous salue et vous adresse ses plus sincères...

Xiang, l'interrompant sèchement : Qu'on joue de la musique.

On joue dans les coulisses une tendre musique avec un guqin. Pendant un long moment, ni trop court ni trop long, on écoute la musique. Le roi apprécie et ferme parfois les yeux pour se détendre en respirant un linge parfumé. La reine observe le côté de la scène d'où provient la mélodie avec un regard furieux. La mélodie décrit la scène jusqu'à la fin, elle s'accommode avec les paroles des personnages.

Xiang, grave et lent : Vous n'aimez guère la musique, n'est-ce pas ?

Wuyuan, souriant maladroitement au roi : Sa Majesté détient de grands savoirs, elle connaît les goûts de son épouse.

Xiang : Je pourrai respecter votre dégoût pour la musique, mais je n'ai pas d'autre choix que de manifester ma différence avec vous. La musique que je viens d'ordonner de jouer m'adoucit le cœur et m'aide à me détendre. Elle me permet d'être en harmonie avec l'univers, ce à quoi est voué le palais de l'Harmonie Suprême à l'intérieur duquel nous sommes. (Après une pause) J'ai rapporté, de retour de la guerre, de nouveaux instruments de musique pour remplacer ceux que vous aviez détruit en mon absence.

Wuyuan : Je m'attends à ce que Votre Majesté me fasse des remontrances de ma conduite de l'État que j'assume pleinement.

Xiang, calmement : Vous n'aurez pas le dernier mot, je vous l'en empêcherai. (Irrité) Et malheureusement, le bilan de votre régence m'oblige à faire jouer de la musique pour calmer la rancœur que j'ai contre vous.

Wuyuan : Je suis prête à subir vos reproches.

Xiang : Et croyez-vous qu'en disant cela, vous vous épargnerez les peines que vous méritez ?

Wuyuan : Battez-moi, avilissez-moi, faites de moi l'objet infâme de ce que vous désirez. Je ne regrette pas la conduite de ma politique.

Xiang : Évidemment que vous n'allez jamais le regretter. Vous avez assouvi votre vengeance sur mon peuple. Vous vous êtes enivré du sang de mes serviteurs. Vous avez même aspiré les dernières gouttes de sang du plus maigre de mes sujets tant votre faim est effroyablement sans limites ! (La voix de plus en plus forte) Quelle fut mon horreur extrême de voir à quel point le peuple le plus puissant et le plus glorieux qui ait jamais foulé cette Terre fut devenu subitement pauvre, la peau sur les os et la peur d'une femme dans leur regard !! (Après une courte pause) Agenouillez-vous et réclamez le pardon bienveillant de votre roi. (Sévèrement après une pause où la reine ne bouge pas) Le roi du Dragon d'or réclame le pardon de sa reine.

Wuyuan : Le pouvoir a fait de moi, maintenant, que je vaux mieux qu'une soumission humiliante.

Xiang : Ha ha ha ! Vous vous croyez forte et pourvue de hautes puissances. J'ai vu des pays plus forts que vous, et même plus puissants que votre odieux père. Quelle fut ma joie de constater un chaos et une profonde turpitude sur ces terres audacieuses avant que je ne les extermine comme des chiens. Vous venez de refuser mon droit de souverain, cela mérite une correction. Voici donc un rappel pour vous aider à descendre : les hommes et les femmes ne peuvent jamais être égaux malgré les grands efforts pour y parvenir. Nos différences physiques et émotionnelles se sont en tout point trop écartées. Le pouvoir que je vous ai confié en mon absence ne peut faire de vous mon égal, parce que c'était ma décision de vous le prêter. Je vous préviens donc de ne point me fâcher par votre audace si vous ne voulez pas subir ma force d'homme. Ainsi, je ne l'exigerai pas une troisième fois. Prosternez-vous devant le roi et réclamez que je vous pardonne !

La malédiction de la Cité Pourpre - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant