Acte I - scène 10

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Les princes, le Garde, des serviteurs de la Cour

On retire la table du gouvernement et les coussins.

Les trois princes se font habiller par des serviteurs de la Cour dans leurs plus beaux costumes.

Prince Huan : Que pensez-vous qu'il se passera à l'audience royale ?

Prince Wen : Je n'en sais rien. Mais je voudrais ne plus jamais y aller.

Prince Chen : Vous avez toujours été mal à l'aise aux représentations publiques.

Prince Huan : Rappelez-vous ce que notre maître nous a enseigné. C'est notre devoir de nous soumettre à notre mère, car nous sommes ses fils. Mon frère, je sais qu'il vous est difficile de paraître en public. Mais soyez là pour l'amour de notre mère.

Prince Wen : Troisième Frère sait très bien parler.

Le prince Chen et le prince Wen sourient.

Prince Huan, ordonnant d'un geste à ses serviteurs de continuer à le préparer : Hâtons-nous de nous préparer. L'audience royale commencera dans une demi-heure, je veux être le plus beau de toute l'assemblée !

Prince Wen : Prenez garde que notre grand frère ne vous ravisse les conquêtes.

Prince Huan : Premier Frère est plein de jeunesse, mais je suis plus jeune et mieux embelli.

Prince Wen : Oh ! Cela sonne comme un ton offensif ! Vas-tu laisser cet affront sans représailles, Premier Frère ?

Prince Chen : Je vous cède tous les plus beaux objets du pays, il n'y en a aucun qui soit digne de mes transports !

Le prince Huan continue de se préparer avec le souci du moindre détail. Quant au prince Wen, il médite sur la dernière parole du prince Chen.

Prince Wen : Ce matin, je me suis fait surprendre par le ministre Zhi au palais de la Profondeur Littéraire. Il m'a fait comprendre dans ses propos que le retour de Sa Majesté, notre père, serait imminent. Vous vous souvenez qu'il y a cinq ans, père nous avait fait la promesse de nous accorder des faveurs à son retour ?

Prince Huan : Moi je lui demanderai de me construire mon propre palais personnel où je serai le roi de ses habitants. J'y serai plus glorieux et plus conquérant que notre père !

Prince Chen : Pourvu que Sa Majesté, notre père, vous l'accorde ! Vous nous aviez tellement gâché nos nuits avec vos jeux et vos pénibles ronflements !

Les deux grands frères rient poliment.

Prince Huan : Je suis très sérieux, Premier Frère. Un grand palais reflète la puissance du guerrier qui l'habite. Pour moi plus c'est grand plus cela plaît aux femmes !

Les trois frères éclatent de rire tandis que leurs serviteurs respectifs les habillent en silence.

Prince Wen : Quant à moi je demanderai à père le privilège d'accéder à tous les livres censurés par le royaume depuis des siècles. Il me plaît quelquefois de braver les interdits !

Prince Huan : Je ne suis pas certain que père dérogera à la loi.

Prince Wen : Mais il ne peut lui-même déroger à sa propre parole. Et puis les idées sont comme les nuages : elles sont libres et voyagent sur de grandes distances. L'on ne peut vraiment les écraser dans notre main.

Prince Chen : Je suis tout à fait d'accord avec vous, Deuxième Frère. Les idées n'ont pas de corps, elles ne peuvent pas être assassinées.

Prince Huan : Et vous, Premier Frère, qu'allez-vous demander à notre père ?

Prince Chen : Je trouve que la Cité Pourpre est devenue trop stricte et j'ai besoin de me ressourcer hors des murailles en retrait... (pensif) du moins un instant. Je ressens l'envie de profiter des larges espaces libres et infinis de notre vaste pays. Et puis je trouve qu'il est désormais absurde que je m'exerce au parc des Princes. Pourquoi capturer des animaux sauvages et les relâcher dans ce parc pour que je puisse les chasser alors qu'il est évident qu'un chasseur doit poursuivre sur les terres de sa proie ?

Prince Wen : Cela est juste pour un adroit tel que vous.

Prince Huan : Mais vous savez que la famille royale n'a pas le droit de quitter la Cité Pourpre sauf le roi ou la reine en temps de guerre.

Prince Wen : Je vous soutiens, mon frère. Vous aussi vous trouvez la Cour étouffante. J'ai remarqué que vous vous épanouissez davantage lors de vos parties de chasse qu'entre les murs des palais de la Cité. Rien ne vaut de pratiquer dans les conditions les plus réelles possibles. La satisfaction de cette expérience augmentera la précision de vos traits.

Prince Huan : Vous n'allez tout de même pas abandonner notre mère bien-aimée ?

Prince Chen : Jamais je n'abandonnerai personne. Et je vous ferai remarquer, Troisième Frère, que la meilleure épée de tout le Dragon d'or qui soit capable de protéger la reine est certainement bien la vôtre.

Prince Huan, hautain : Oui... c'est bien vrai !

Prince Wen : Pourtant votre arc est tout aussi précis et fatal que la brutalité de l'épée.

Le prince Huan frappe violemment de la main un de ses serviteurs qui lui avait gêné, apparemment. Le serviteur violenté s'écarte aussitôt, debout tête baissée jusqu'à la fin de la scène tandis que les autres serviteurs continuent d'habiller le prince Huan.

Le Garde, derrière le théâtre : Son Altesse la princesse Mei demande audience au Premier Fils du Dragon !

Prince Chen, en saluant les deux princes avec respect : Mes frères, retirez-vous, je vous prie.

Ses deux frères le saluent avant de se retirer par l'autre côté du théâtre avec les serviteurs.

Prince Huan, en se retirant : Premier Frère, présentez mes hommages à cette belle princesse. Dites-lui que je l'aime et que je désire l'épouser.

Il se retire et le prince Chen perd son sourire, ce qu'a vu le prince Wen.

Prince Huan : Deuxième Frère, est-il possible d'épouser la princesse Mei bien qu'elle soit plus âgée que moi ?

Prince Wen, en emmenant le prince hors de la scène : Oui, par les liens sacrés de l'amour.

Prince Huan : Mais je veux dire, s'il est possible par des moyens autres que l'amour.

Prince Wen : Eh bien, la diplomatie de notre pays et celui de la princesse peut rendre ce mariage possible. Je vais en parler à notre mère.

Prince Huan : Non, gardez cela secret, car notre mère déteste la princesse Mei. Je ne veux pas décevoir notre mère.

La malédiction de la Cité Pourpre - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant