CHAPITRE 37

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Pour ne rien arranger j'ai cette effroyable envie d'aller au petit coin toutes les deux secondes. C'est ce qu'on appelle les joies de l'alcool. Plus tu bois et plus tu vas au petit coin. Chose particulièrement vrai avec la bière. C'est ce à quoi je pense pour me distraire pendant que je fais ma petite affaire et me lave les mains.

Quittant ma bulle de répit momentané, j'emprunte de nouveau le couloir pour regagner la cuisine. Je longe le mur blanc orné de cadres photos et tableaux. Il y a cette photo de Benjamin, Derek et moi petits. On sourit comme des bienheureux et les garçons posent avec les doigts en « V » de la victoire. C'est la mère de Derek qui l'a prise si mes souvenirs sont exacts.

Catherine a toujours été une femme douce et aimante. Je l'aimais beaucoup lorsque j'étais enfant. Elle faisait les meilleurs gâteaux. Désormais je ne la vois plus beaucoup, elle s'est mise au vert après sa retraite. Perdue sur une colline à l'Entre-deux, mais avec une vue imprenable sur les chaînes de montagnes.

— Tu as craché le morceau ? entends-je chuchoter à quelques centimètres de mon oreille.

Instinctivement, je tourne la tête en direction de du bruit.

— J'imagine que non. Ils n'ont pas l'air de savoir ce qu'il s'est réellement passé dans cet ascenseur.

— Non, soufflé-je en baissant les yeux.

— Tu me dois toujours un rencard Chloé et c'est toujours demain.

Incrédule, je relève la tête vers Derek en fronçant les sourcils de mécontentement.

— Tu m'as fait perdre mon travail !

— Et je t'en ai trouvé un autre.

— Tu m'as attiré des ennuis toute la sainte journée !

— Et tu t'es atrocement amusée.

— Faux !

Il sourit d'un air moqueur qui m'énerve d'autant plus. Ce genre de petit sourire qu'ont les hommes et qui les rendent diablement séduisants.

— Vraiment ?

— Oui vraiment ! Je ne te dois absolument rien après tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Je te rappelle que je t'en veux toujours.

Résolue, je détourne le regard en croisant les bras sur ma poitrine dans une position imagée de ce que je ressens. Mon travail était très important pour moi, j'y étais très investie et plus que tout j'aimais ce que je faisais. Il n'avait pas le droit de prendre cela à la légère.

— J'ai dit que j'étais désolé, me dit-il en attrapant mon menton avant d'exercer une pression pour ramener mon visage face au sien. Et je le pensais.

Je ne dis rien. Ce n'est pas que je ne tiens pas compte de ses excuses. Je le crois sincère mais je ne peux rien contre mon sentiment d'injustice et mon sentiment de rage qui bouillonnent en moi. Je n'ai même pas eu droit à un préavis de départ ou même à un entretien de licenciement.

Je sais que je pourrais me plaindre aux prud'hommes, mais qui serait assez insensé pour commettre un suicide professionnel tel que celui-là. Je crois que la dernière qui s'y est essayée travail depuis cinq ans aujourd'hui à Nocibé. Elle n'a plus jamais trouvé de travail dans le milieu.

— Je sais.

Lorsque je relève les yeux, tout ce que je vois c'est que Derek fixe longuement mes lèvres et quelque chose se met subitement à se tordre au fond de mon estomac. Je l'observe se pencher et sens mon cœur battre si fort que je le sens vibrer dans ma gorge.

Il ne va tout de même pas faire ce que je crois ? Ses lèvres se posent sur mon front alors que je suis figée comme une de ces foutues statuts de bronze.

— On se voit demain, dit-il avant de me laisser seule dans ce couloir.

Je l'entends discuter avec Benjamin et Amanda pour leur dire qu'il doit y aller. Je reste toujours là à déglutir difficilement. Je ne sais pas trop ce qu'il vient de se passer et pourquoi cela me perturbe autant.

— Chloé ! Tu es tombée dans le trou ou bien ?! Cri Benjamin de la cuisine.

Amanda le sermonne. Je soupire en levant les yeux au ciel. Qu'est ce qu'il est pénible lui aussi. Il faut croire que c'est de famille.

A Lightning ChristmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant