CHAPITRE 70

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Même dans la voiture, alors que nous nous rendons à l'Anse des cascades, je fais la tête à mon meilleur ami. Ce dernier me lance des coups d'œil furtifs dans le rétroviseur. Nous rejoignons la famille Pomereau pour un pique-nique. Aujourd'hui étant un jour férié, c'est également un jour de fête sur l'île. Pour une fois, mes parents ne seront pas de la partie parce qu'ils sont en voyage.

— Tu comptes me faire la tête longtemps ?

— Oui.

— Chloé, j'ai promis de ne rien dire à l'époque.

— Je ne comprends pas ! À l'époque, lorsque Derek m'a balancée à mes parents tu étais en pétard Benji ! Et vous vous êtes embrouillés également tous les deux. Qu'est ce qu'il t'a dit pour que tu changes d'avis ?

Benjamin reste silencieux. Je sais que j'ai fait mouche, mais nous sommes arrivés à destination et nous ne pouvons plus en parler désormais. Pas devant la famille. Sortant de la voiture, nous déchargeons tous les trois nos affaires pour rejoindre le clan Pomereau.

 Les parents de Benji nous accueillent en nous embrassant et en nous serrant dans leurs bras. La musique bat son plein. Les marmites crépitent sur le feu de bois, aux emplacements réservés, et tout le monde mange et boit jusqu'à plus soif en rigolant. J'ai toujours aimé passé du temps avec cette famille.

Depuis petite, je m'y sens comme chez moi. D'ailleurs, la mère de Benji m'estime comme une enfant de la famille. Roseline est une crème, son fils a de la chance de l'avoir pour maman.

— Ma toute belle, comme tu m'as manquée ! Tu te fais rare en ce moment ma parole.

Je la serre dans mes bras tout en lui adressant un sourire touché. À moi aussi ils m'ont manquée depuis la dernière fois que nous nous sommes retrouvés. Ses bras ont un air familier, comme à la maison.

— Si tu cherches mon neveu il est quelque part par là, me dit-elle en pointant du doigt un endroit.

Son air innocent ne trompe personne, la mère de mon meilleur ami a toujours vu clair en moi depuis l'enfance. Elle sait que j'avais un faible pour Derek dans le passé, et j'ai comme dans l'idée que son rêve serait de nous voir caser ensemble.

— Rose, râlé-je.

— Je dis ça comme ça, répond-elle avant d'aller s'affairer près des marmites fumantes.

Effectivement, Derek est là. Il est posé un peu à l'écart du groupe, pendu au téléphone. À croire qu'il ne le lâche jamais très longtemps. Reportant mon attention sur la famille Pomereau, je salue tout le monde à une exception près. 

Sauf que mon petit manège ne passe pas inaperçu auprès de mon meilleur ami. Ce dernier se penche discrètement vers moi et je le fusille d'ores et déjà des yeux.

— Tu ne lui dit pas bonjour à lui, se marre-t-il en parlant la mâchoire serrée.

— La ferme. Juste, la ferme Benjamin.

Amanda lui met une pichenette sur le bras pour le réprimander en bonne et due forme. Il le mérite ce vaurien. Je n'ai pas oublié sa traitrise au profit de son cousin, ni que je lui fais la tête. Je vais pour lui tourner le dos et m'en aller un peu plus loin, mais c'est à ce moment que Derek raccroche brutalement à son téléphone.

 Il se dirige droit vers moi, m'attrape doucement la nuque d'une main et pose un baiser sur ma joue pour me saluer. Puis tout aussi soudainement, se détourne de moi pour saluer son cousin et sa compagne.

Je reste quelques minutes hébétée, figée sur place après cette scène qui m'a semblé se dérouler au ralenti. D'une, je suis horriblement mal à l'aise après la nuit dernière. De deux, encore une fois je ne sais pas comment me comporter avec lui. 

Le truc... c'est que lui semble le savoir. Comme si de rien était. L'oncle José me propose un verre de punch en me saluant, ce qui me sors de mes pensées. Je me reprends en essayant de ne plus y penser et accepte le verre qu'on me tend. Faisons comme convenu dans ce cas, et oublions. 

A Lightning ChristmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant