Chapitre 54

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Zack


Je vais jeter mon téléphone et ce dernier ne risque pas de s'en relever, tellement je suis agacé par les sons qu'il provoque en boucle. Un numéro que je ne connais pas n'arrête pas de me harceler. Je ne réponds jamais à ces spams. Mais étrangement, mon cœur me pousse à décrocher. Mes doigts glissent vers mon objet virtuel et clique sur le bouton vert.

—    Zack ! s'essouffle une voix de l'autre côté du combine.

—    Angelo ?? demandé-je exténué.

—    Tu dois venir à l'hôpital. Celui le plus proche. Kaïlie vient de faire une tentative de suicide, lâche-t-il.

Mon corps entier se crispe et il se prend de réelles décharges électriques. Mes doigts qui perdent leur force lâchent le téléphone et ce dernier vient claquer contre le carrelage. Ma cache thoracique se bloque et je deviens spectateur de ma respiration. Je suis étouffé et incapable de faire entrer de l'air dans mes poumons. Le contrôle m'a échappé et c'est la première fois de ma vie que cela m'arrive. Ma vue se brouille et ma tête me tourne.

J'ai l'impression d'être devenu minuscule et que la pièce s'est renfermée sur moi-même. Putain. Je dois reprendre mes esprits pour pouvoir me rendre là-bas. Seulement, cela me semble impossible. Je viens d'apprendre que la femme de ma vie vient de tenter de se retirer la vie. Elle veut mourir et c'est pour moi inacceptable. Si elle part, je n'ai plus aucune raison de vivre.

Maya. Me répète mon esprit. Je dois me réveiller. Rattraper ces forces qui se sont enfuies. Elles ont fait comme l'un des êtres que j'aime le plus sur cette Terre.

Je prends entre les mains une bouteille de Whisky, cachée jusqu'à présent sous mon lit et en bois des dizaines de gorgées. Je me contrôle et je connais mes limites. Je ne serai pas bourré, mais je serai nettement plus réveillé et j'en ai besoin pour y aller.

Je prends la route en courant pour éviter de perdre bêtement du temps en attendant les bus. Mais je me suis surestimé, car le fait de courir à vive allure me tue de l'intérieur. J'ai mal à chaque endroit de mon corps et j'espère de tout mon cœur arriver à garder ce rythme jusque là-bas. Je dois être auprès d'elle.
Dieu soit loué, me voilà quelques minutes plus tard devant l'enseigne de  l'hôpital. Seulement, je n'ai aucune envie d'y entrer. Dans quel état vais-je la retrouver ? Et que se passera-t-il, après ? J'essaie de ne pas y penser et de ne garder qu'en tête qu'elle a plus que jamais besoin de moi.

Une fois face à la porte de sa chambre, mon corps se fige. Je lui en veux. Je lui en veux d'avoir rompu notre promesse et d'avoir failli me laisser tout seul ici, en enfer. Lorsque j'ouvre enfin la porte, je tombe directement sur son paternel et Isabelle. Les deux ne cessent de renifler et ne m'ont même pas remarqué. Je vois Angelo nulle part, pourtant je suis certain que c'est lui qui m'a appelé.

Me voilà confronter à la réalité et mon cœur éclate en milles morceaux. Ce que m'inflige la scène est trop dure. Kaïlie est assoupie sur son lit d'hôpital. Les yeux clos et le corps recouvert par la couverture. J'ignore qui la secourue, mais je dois la vie à cette personne, car elle a sauvé la mienne. Elle est branchée et nous entendons les battements de ce cœur qui a sauvé le mien. Pitié, faites qu'elle ne recommence pas une seconde fois.

J'approche de son lit, le corps tremblant et remarque mes larmes s'écraser sur le dos de ses mains, à découvert. Elles s'y écrasent par dizaines, peut-être même plus. Mais elles sont si nombreuses que je finis par ne plus rien voir. Des gouttes coulent de mon nez et bien que je ne cesse de renifler, rien n'y fait. Je crois n'avoir jamais autant pleuré. Mon cœur crie de douleur et je le sens s'arracher un peu plus sous chaque seconde qui passe. Bien que j'aie conscience que deux adultes se trouvent dans la pièce, je ne me cache pas. Mes doigts cherchent aveuglement les siens, tâtant un peu partout. Et puis enfin, j'arrive à sentir sa peau. Elle est chaude, ce qui me confirme qu'elle est bien en vie. Elle est douce, comme chaque fois. Je fais glisser alors les miens le long des siens.

Comme j'ai envie qu'ils se mettent à bouger.
Comme j'ai envie qu'ils viennent me caresser. Comme j'ai envie qu'ils viennent essuyer ces foutues larmes.

Pourquoi as-tu fait ça ?

C'est difficile, tu me le dis si souvent. Alors pourquoi n'ai-je encore rien fait pour mettre un terme à tes souffrances ? Toi-même tu m'as devancé, en y mettant fin de la pire des façons. Ton cœur si pur ne méritait pas cet acte, Kaïlie.

—    Quand est-ce qu'elle va se réveiller ? je me surprends à demander en me retournant vers eux, la voix étouffée.

J'ai beau avoir les yeux d'ouverts, je n'arrive toujours à rien distinguer. Mon visage est envahi par ces pleurs et mon corps ne cesse de suffoquer. J'ai si mal. Partout.

—    Nous devons attendre, annonce son paternel d'une minuscule voix.

Nous devons attendre. Mais combien de temps ? Je ne peux pas patienter plus longtemps. Je dois lui parler et tenter de la faire changer d'avis. Seulement, si elle reste sur sa décision, que se passera-t-il ? A peine y penser que mon estomac se tort en milles morceaux. Je grimace et me laisse tomber à genoux, sans pour autant abandonner l'union de ses doigts aux miens. J'aimerais hurler, mais même ça, je ne sais plus faire. Mon crie est coincé au fond de ma gorge. Les larmes dévalant mes joues finissent leur trajectoire sur mes lèvres. Certaines entrent dans ma bouche et leur goût salé se pose sur ma langue.

Comment vivre, si tu n'es plus là ?
Comment aimer cette putain de vie, si tu n'en fais plus partie ?

Je suis tiraillé par les émotions et torturé par ces interrogations qui me font froid dans le dos. Je n'arrive pas à croire qu'elle ait fait ça. J'ignore depuis combien de temps je suis à genoux, mais de fortes douleurs dans les jambes m'obligent à me relever. C'est alors que les larmes se font moins nombreuses et que je parviens enfin à la voir. Mes yeux longent son visage sans expression et je ne peux que remarquer la pâleur de sa peau et le creux dans ses joues.

Et puis, un coup de poignard se plante en plein centre de mon cœur lorsque j'aperçois les rougeurs situées tout autour de son cou. C'est alors que je comprends par quel moyen a-t-elle essayé de mettre fin à sa vie. Je couvre mes lèvres à l'aide de mes mains et mes pleurs explosent. Je n'arrive pas à garder mon silence. Mes pleurs sont de plus en plus bruyants.

C'est alors que je sens des mains se poser sur mes épaules. Je me retourne lentement et tout se passe au ralenti. Son père est planté, là, devant moi, le visage similaire à celui d'un mort vivant. Ses doigts font des va et vient dans mon dos et c'est alors que je m'écroule dans ses bras. Il me retient de justesse et je l'entends suffoquer.

—    Je suis certain que ça va aller, ment-il pour se rassurer.

Je ne réponds rien et continue de pleurer, ma tête contre son torse. Prendre conscience qu'il s'agit de son père me fait du bien. Étrangement, je me sens en quelques sortes rassuré.

—    Pourquoi a-t-elle fait ça ? finit-t-il par me demander.

Ma tête lourde est bloquée, si bien que je suis dans l'incapacité de la relever. Je me contente simplement de la secouer de gauche à droite. Il n'y a que moi qui en sait la moitié. Si elle en avait parlé, on n'en serait pas là. Putain, mais qu'est-ce que je raconte, bordel ?!

Que je trouve définitivement la personne qui l'a conduite ici, je jure devant toutes les divinités des cieux de la tuer de mes propres mains.

Love will save meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant