Chapitre 56

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Kaïlie



Depuis mon retour à la maison, Isabelle et papa passent leur temps à me surveiller. De la même manière que les infirmières à l'hôpital, ils ont retiré chaque objet dangereux de la maison et les ont cachés je ne sais où. Les rasoirs, les couteaux, les foulards, les écharpes et j'en passe. Les deux sont mués depuis que je suis rentrée et de mon côté, je n'en dis pas davantage. Le médecin m'a prescrit un rendez-vous chez une psychologue, mais je ne compte pas m'y rendre. Le fait qu'on décide une nouvelle fois pour moi est de trop. Si je ressens le besoin d'aller parler à un professionnel, j'irai de mon plein gré. Je n'ai plus cinq ans et ce genre de comportement devient lourd et irrespectueux. Laissez-moi être maîtresse de ma vie et de mon destin.

Depuis mon séjour là-bas, je n'arrive plus à ressentir, plus à sourire. Je suis définitivement morte de l'intérieur. En attendant de réfléchir de quelle façon pourrais-je retenter, je me décide d'aller à l'école. J'aimerais silencieusement dire adieu à mes anciennes amies et puis me rendre une dernière fois dans le lycée.

—    Tu es sure ? Ce n'est pas trop prématuré ? me demande mon père pour la cinquième fois, depuis que nous sommes en voiture.

Il a forcé pour m'amener, car il craint surement que je me jette sous les rails d'un tram. De ce que j'ai entendu, il a ordonné à Zack de ne pas me lâcher d'une semelle.

—    Oui papa. Ça va me faire du bien d'y aller, mens-je.

Il sourit légèrement et je remarque ses cernes relativement creuses et bien visible. Mon père n'a jamais eu des soucis pour dormir et je n'ai pas l'habitude de le voir dans un tel état. Je deviens un poids pour tout le monde, vivement qu'on en finisse.

—    Je t'en prie, fais bien attention à toi.

Est-ce que c'est cela qu'il faut dire à quelqu'un qui a tenté de se suicider ? J'en doute. Il ne me peut pas me demander de faire attention à moi, si quelques jours plutôt, j'ai tenté de m'enlever la vie. Au fond, je ne lui en veux pas. Il n'a jamais affronté ce cas et je peux à peine imaginer ce qu'il ressent. Et j'en suis profondément désolée.

—    Je te souhaite une bonne journée et à ce soir ! lancé-je avec un signe de la main.

—    Kaïlie, approche deux minutes.

Je contourne alors sa Mercédès et m'arrête à la fenêtre qu'il fait descendre.

—    Je t'aime, ma petite fille. Tu as toujours été ma plus belle réussite et ma véritable raison d'aimer la vie.

Ses mots s'envolent et forment une ronde autour de mon cœur. Ils finissent par y entrer et se mettent à exploser dans tous les sens, ce qui me fait le plus grand des biens. Ses mots. J'aurai dû les entendre bien avant. J'en ai toujours eu un grand besoin. Pourquoi faut-il qu'il ait attendu le drame ?

—    Papa...Je...

Pour la première fois depuis mon acte, une sensation m'habite. L'émotion. Envahie par les sanglots, je me surprends à être soulagée, lorsque je comprends que je suis toujours capable de pleurer et que non, je ne suis pas définitivement morte, comme je le pensais.

—    Ma petite chérie, poursuit-il, les larmes glissant une à une sur ses joues rouges. Je ne pourrais pas accepter ton départ. Pas le tient. C'est la pire punition pour un parent.

Je ressens son angoisse et ses doutes. Il ne sait pas comment s'y prendre, ni quel mot exact employer.

—    Si tu étais vraiment partie, je n'y aurais pas survécu. Jamais, s'étouffe-t-il dans un sanglot.

Je ne l'ai jamais vu dans un tel état. Mes doigts viennent alors glisser le long de son bras le plus accessible.

—    Je suis désolée, dis-je sincèrement.

Love will save meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant