De l'autre côté de la honte

Chapitre 3 - Damian

Je suis soulagée que ma cliente ait fini rapidement, je n'avais qu'une envie : rejoindre la jolie demoiselle à l'étage. Je n'ai pas réussi à la supprimer de mes pensées. Pas depuis qu'elle s'est pointée sur le pas de ma porte, avec une lueur d'appréhension et d'excitation dans les yeux. 

Je prend une douche rapide et la rejoint dans la chambre deluxe.

Elle s'est endormie dans mes bras, paisible comme un bébé, et je n'ai pas eu le coeur de la chasser comme les autres. J'aurai aimé rester là, à veiller sur elle toute la nuit. 

Je monte les escaliers presque en courant, tout en enfilant un t-shirt blanc. 

Enfin la fin de mon service.

J'ouvre doucement la porte. La belle demoiselle s'assoit sur le grand lit, se frotte les yeux et m'offre un regard perdu.

-On est où ? demande-t-elle doucement.

Les jeux de lumières projette un ciel étoilé, une scène que j'ai choisi en l'y déposant. Je voulais qu'elle se sente apaisée.

Je me glisse dans le lit et vient m'adosser contre elle.

-Dans une chambre au deuxième étage. Tu t'es endormie, et je n'avais pas envie de te réveiller.

Elle ricane.

-Tu m'a rhabillée ?

J'acquiesce, un peu gêné.

-Je ne voulais pas te transporter à moitié nue.

-c'est gentil. C'est une chambre privée ?

-En quelque sorte. Les clients peuvent payer pour passer la nuit avec un travailleur du sexe, que ce soit pour des câlins ou pour... d'autres services. Ils ont la chambre jusqu'au lendemain matin.

-ça coûte combien tout ça ? Je ressens l'anxiété dans sa voix.

Je lui caresse la joue, cherchant à apaiser ses inquiétudes. 

-Ne t'en fais pas. J'ai envie d'être là avec toi.

Elle m'offre un petit sourire.

Elle soulève la couverture. Je m'enfile dessous et je sens sa chaleur émaner de son corps. Cela me suffit pour que mon désir se ravive, je redevient dur.

-Tu as les cheveux mouillés, constate-t-elle en les effleurant du bout des doigts. 

-Je me suis douché.

Elle mime un visage triste. Je l'interroge du regard.

-T'as pas voulu garder mon odeur sur toi?

Je baisse les yeux, un sourire amusé aux lèvres. 

-Oh, crois moi, j'aurai aimé ne jamais me laver. Mais...

Je marque une pause, je crains que ça lui dérange de parler de la réalité de mon travail.

-...Mais j'avais une cliente.

Elle plonge son regard dans le mien. 

-C'était bien ? 

De toutes les questions qu'elle aurait pu me poser, je ne m'attendais pas à celle-la. 

-Honnêtement, non. Pas plus que ça.

Elle rit doucement.

-Tu dis ça pour me faire plaisir ? 

-Ah non, non du tout. La réalité, c'est que la plupart du temps c'est banal. Mais avec toi, c'était...différent.

Elle secoue la tête et je devine qu'elle a du mal à me croire.

Elle ferme les yeux mais continue de me parler.

-Tu dors toujours ici ?

-Non, j'habite en collocation en ville. Mais quand c'est trop tard, je reste sur place dans une suite qui se trouve juste à côté.

Elle rouvre les yeux, intriguée.

-Quel heure est-il ?

-trois heures trente du matin.

Elle écarquille les yeux.

-Tu travailles aussi tard ?

-Ça arrive, dis-je en haussant les épaules.

-Et bah tu dois vraiment beaucoup aimer le cul, dit-elle en plaisantant.

Je ne sais pas comment réagir à sa blague. J'ai toujours cette crainte que les gens jugent mon style de vie. Voyant mon hésitation, elle ajoute :

-Désolé, je ne voulais pas me moquer.

J'hésite à changer de sujet, mais je finis par lui dire ce que je ressens.

-J'adore ça, le sexe, mais il n'y a pas que ça. J'aime ce monde ouvert d'esprit, cet esprit de fête, ces moments intimes, j'aime me sentir libre et... beau. J'aime partager et faire du bien aux gens, même si de mon côté c'est pas toujours facile.

Elle m'écoute attentivement tout en me câlinant.

Je continue :

-J'ai essayé deux ou trois autres métiers, mais aucun ne me convenait vraiment. C'est le seul travail où je me sens à ma place, où je me sens doué. Ça n'englobe pas que le sex... tu vois ce que je veux dire ?

Elle sourit.

-Oh oui, tu es doué.

Je me sens rougir. D'habitude les compliments ne me touchent pas plus que ça. 

-Oui, je comprends. Merci de me confier ça, dit-elle plus sérieusement.

Ses yeux se referment lentement.

Elle me chuchote bonne nuit. 

-Je ne serai certainement pas là quand tu te réveilleras, murmuré-je, mais elle est déjà endormie. Je lui caresse la joue et pose un baiser sur son front.

Je la regarde s'endormir, son visage détendu et paisible, comme si elle trouvait un peu de sérénité. Dans mon métier, j'ai l'habitude de voir les gens partir, de laisser derrière moi des moments éphémères, des souvenirs fugaces. Mais elle... elle est différente. Elle m'a permis de dévoiler une part de moi que je garde habituellement enfouie. Peut être parce que je sais que je ne la reverrai probablement jamais, ou peut être parce qu'en elle, j'ai perçu une vulnérabilité qui résonne avec la mienne. En la regardant une dernière fois, je ressens un pincement au coeur, un regret doux amer qui s'accroche. C'est étrange de se sentir aussi proche d'une inconnue. 

-Bonne nuit, belle étrangère. Je ne t'oublierai jamais.

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