Chapitre 7 - Damian

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Parfois pratiquer mon métier est difficile mais pas pour les raisons que la plupart des gens imaginent.

La difficulté ne se trouve pas forcément dans le fait de baiser avec des inconnues, parfois vieilles, parfois laides. Ça ne me dérange pas. Pour moi, la femme est belle, au-delà de son corps. Bon j'avoue que parfois je dois vraiment user de mon imagination pour réussir à bander. Mais là n'est pas la question ; évidemment qu'à coups de 3 à 10 rapports par jour, j'ai parfois de la peine à bander ou ressentir du plaisir.

C'est pour cela que les pilules bleues existent.

La difficulté se trouve dans le mode de vie ; je me couche tous les soirs entre une et quatre heures du matin, je consomme de l'alcool tous les jours entre mes rendez-vous ou à la fin de mon service avec mes collègues et je prends des dizaines de douche par jour. J'ai dû commencer à utiliser des savons et produits naturelles pour éviter d'avoir trop de problèmes de peau. Malgré cela, ma peau a tendance à être sèche et je dois après chaque douche m'étaler de la crème au beurre de karité.

En fait, pour moi, c'est tout ce style de vie et la préparation pré-sex que mon métier demande qui m'épuise. La préparation d'avant rendez-vous consiste à changer les draps du lit, désinfecter les potentiels meubles sur lesquelles j'aurais couché auparavant, aérer et contrôler les stocks de préservatifs ou de lubrifiant. On a des femmes de ménages mais elles ne peuvent faire chaque chambre que 2 fois par jour, pas plus. De plus on fait des tests pour détecter de potentiels infections ou maladies sexuelles au moins deux fois par semaine.

Certaines personnes ont du mal à le croire mais notre métier comporte plus d'organisation que de sexe, en soit. Mais je ne m'en plains pas, j'adore mon métier et je me dis que je m'en sors bien comparé à certains de mes collègues qui se drogue avant chaque rapport.

A mon avis, ce n'est pas un métier que tout le monde pourrait faire. Typiquement, si certains de mes collègues femmes ou hommes ressentent le besoin de se défoncer avant un rendez-vous, c'est qu'ils ne sont pas faits pour. Bien que ça puisse aider ou pimenter le rapport, on ne devrait pas en ressentir le besoin.

On me demande très souvent pourquoi je fais ce que je fais. Il y a plusieurs raisons. Evidemment j'aime le sexe et les femmes. Et je trouve que c'est un moyen facile et sûr d'avoir des rapports.

Ensuite, c'est aussi que j'aime faire plaisir, pour moi c'est comme un masseur qui offre un soin. Je me considère souvent comme un thérapeute, les gens viennent me voir pour passer un bon moment et parfois même pleurer et être écouter.

Alors je leur offre mon écoute avec plaisir et j'en apprends aussi beaucoup sur la vie de cette façon.

Ça me permet d'avoir des conversations profondes car au lit on se montre vulnérable, on laisse tomber ses filtres. C'est pour ça que j'aime ce travail ; on a une approche sociale profonde et différente.

Pour finir, le salaire à la fin du mois me motive aussi, je ne le cache pas. Avec un tarif de 150 francs les 45 minutes pour les rendez-vous et un tarif de 50 francs de l'heures pour les autres tâches, je me fais de toute façon plus de 15'000 par mois en règle générale.

Benji se moque souvent de mon choix d'habiter en colloques alors que je pourrais suivre son chemin et acheter une ou plusieurs villas.

Mais ça ne m'intéresse pas. J'ai vingt-trois ans, je suis plus proche de l'époque de l'école que celle de fonder une famille.

Je vis avec trois potes d'enfance, que j'apprécie énormément, dans un grand appartement dans le campus universitaire. Je ne suis certes pas aux études mais mes amis le sont tous les trois. Étant tous fauchés, je me suis porter garant pour le loyer et je paie pour une femme de ménage pour qu'elle nettoie et remplisse le frigo. Sans elle, l'appart serait un dépotoir.

Je le sais car à chaque fois qu'elle part en vacances, on se retrouve à vivre entre les assiettes sales et les vieux cendriers. Puis à manger des parts de pizza froide.

On la considère un peu comme notre maman, elle nous a appris à payer nos premières factures, à faire notre lessive et même à conduire. Ayant une mère qui habite de l'autre côté du globe et un père au ciel, je me suis donc attaché à cette femme nommée Christine et à Éric, le patron de « nightsecret » et ancien meilleur ami de mon père.

Ma première cliente de l'après-midi toque à la porte alors que je fini tout juste de mettre les nouveaux draps. C'est madame Kowalski, une Polonaise d'une cinquantaine d'année qui vient chaque vendredi. Normalement je ne sais pas les noms de mes clientes mais lorsque ce sont des habitués on finit par échanger nos contacts afin que ce soit plus facile. Nous avons signé un contrat de confidentialité.

Je lui ouvre et on commence la séance par échanger sur notre semaine puis elle m'exprime ce qu'elle attend de ce rendez-vous.

-J'ai juste besoin de tendresse cette semaine.

J'acquiesce en l'accompagnant sur le lit. On s'assoie côte à côte et je commence par la prendre dans mes bras et frotter gentiment son dos. Je surveille ses expressions du visage, elle parait se détendre gentiment.

Je l'allonge sur le lit, me met sur elle pour la câliner et caresser son corps. Je caresse d'abord son visage, ses traits et ses petites rides, puis sa nuque et ses épaules et je descends de plus en plus pour donner de l'importance à l'entièreté de son corps.

Je la vois sourire, on échange un regard amical. Je m'allonge, ensuite, à côté d'elle et elle se colle contre moi. On reste comme ça tout le long de la séance.

Avant de partir, elle me remercie pour mon travail et ma bienveillance.

-Au revoir, madame Kowalski. Rentrez bien.

Elle me salue de la main et descends les escaliers. 

De l'autre côté de la honteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant