Le temps de me remettre sur pied, un brouhaha indescriptible résonne dans la salle et des dizaines de regards sont braqués sur moi.
L'agitation qui règne dans l'air est oppressante et je chancelle – j'ai dû me lever trop vite.
Je réitère l'opération, sans être tout à fait remise de mes émotions. Pas question de rester au centre de l'attention une minute de plus ! Niveau bête de foire, j'ai assez donné par le passé.
J'ignore qui m'a rattrapée.
Mon sauveur a pris la poudre d'escampette dès qu'une clameur a commencé à s'élever depuis les gradins.
Une dame de petite taille, souriante et un brin excentrique, s'approche doucement de moi. Le temps qu'elle me rejoigne, une odeur de brûlé se propage entre les murs. Le réceptacle, noir de suie, laisse s'échapper de minces volutes de fumée. Décidément, je provoque la zizanie partout où je passe !
L'avantage, c'est que je peux récupérer ma pierre sans risquer de me brûler. Elle n'a rien, comme l'autre jour avec la cheminée. Cette fois encore, le feu ne devait pas être assez intense pour l'abîmer.
Une main ferme se pose sur mon épaule. La femme est parvenue jusqu'à moi. Ses cheveux bleu électrique crépitent tels des éclairs, ce qui lui donne un côté frais et pimpant à la fois. Paradoxalement, ses yeux arborent une teinte profondément rouge – une amatrice de lentilles ? – et ses lèvres luisent d'un gloss aubergine vraisemblablement utilisé avec excès. Mis à part ces deux ou trois détails, elle semble tout à fait normale.
— Bienvenue sur le campus de Talesia, jeune sorcière. Nous avons hâte de suivre votre évolution. Les Rubis seront ravis de vous accueillir, proclame-t-elle distinctement afin que tout le monde puisse l'entendre.
Sans me laisser le temps de comprendre ce qu'elle vient de dire, elle poursuit à voix basse :
— C'est impressionnant, n'est-ce pas ?
Je hoche lentement la tête, sans trop savoir où elle veut en venir.
— Ne vous inquiétez pas. D'ici une semaine, ils auront oublié l'arrivée de la petite Rubis et ses flammes noires.
Malgré la sincérité qui émane de ses paroles, j'ai bien du mal à la croire...
Sans plus tergiverser, elle m'emmène près d'une grande porte que je n'ai pas vue en arrivant et nous sortons sous les regards à la fois frustrés, ébahis et attristés des adolescents.
Je ne pense pas que ce soit dû à son apparence, mais plutôt à la mienne. Quelques-uns se sont levés, tantôt me faisant un clin d'œil, tantôt brandissant un rubis pareil au mien, affichant dans les deux cas un immense sourire.
💎💎💎
Mon escorte ne parle pas du trajet. Je l'imite, épatée par l'architecture des couloirs qui longent le bâtiment que nous venons de quitter. Des inscriptions en relief sont dispersées le long des parois, scintillant comme des milliers de diamants. Est-ce que ce sont des étudiants qui les ont laissées là ?
Après avoir parcouru un dédale de corridors tous plus gigantesques les uns que les autres, nous nous retrouvons enfin à l'air libre, sans espace clos. L'herbe rouge présente près du réceptacle s'étale sur plusieurs centaines de mètres, toutes directions confondues.
Après cinq minutes de marche, nous atteignons une zone différente, dotée de fibres naturelles, cette fois. Une masse duveteuse s'y amasse, comme si les nuages s'accumulaient au sol. La dame aux cheveux bleus s'arrête devant une porte en verre fumé : elle frappe rapidement et entre – simple question de politesse, on dirait.
— Coucou, les filles ! s'exclame-t-elle avec une petite voix fluette parfaitement ridicule.
Ça y est, maintenant j'en suis certaine : j'ai définitivement atterri dans un asile de fous – ou sur la chaîne d'une YouTubeuse beauté.
À l'intérieur, nous sommes accueillies par deux femmes vêtues de blouses blanches. Une odeur plutôt nauséabonde imprègne l'air, que j'identifie bientôt comme le résidu d'une décoction d'herbes qui macère dans un coin. La senteur est étouffante, presque aussi angoissante que celle des hôpitaux.
La plus jeune des infirmières s'avance vers moi, le sourire aux lèvres. Ses cheveux d'un blond étincelant descendent en cascade sur son dos, ce qui renforce les traits de son visage, doux et rassurant.
— Bonjour, Rubis. Je suis Acacia, une stagiaire soigneuse. Comment te sens-tu ?
— Bon... bonjour, balbutié-je, ne sachant trop quoi lui répondre, ni à quoi correspond le terme « soigneuse » dans ce monde inconnu.
« Infirmière » aurait suffi. Pourquoi même dans un univers magique comme celui-ci, les institutions se compliquent-elles toujours la vie ?
— Tu m'as l'air épuisée ! Depuis combien de temps n'as-tu pas dormi ? questionne-t-elle en adoptant un air inquiet qui achève de me convaincre de sa bonne volonté.
— Je ne sais pas.
Il s'est passé tellement de choses ces derniers jours que j'ai oublié de m'enquérir de mon sommeil.
— C'est bien ce qu'il me semblait. Attends-moi ici, je reviens dans deux minutes.
Je ne risque pas de bouger, étant donné que ma connaissance des lieux se limite à quelques murs et que la femme qui m'a accompagnée jusqu'ici a disparu. L'autre infirmière s'est retirée dans un coin de la pièce en remuant une mixture verdâtre, probablement la source de cette fragrance si... spéciale. Elle souhaite m'offrir un peu d'intimité – et je lui en suis reconnaissante.
Acacia revient finalement avec une fiole en verre qui contient un liquide bleu à la composition plutôt... douteuse.
— Bois ça.
J'observe l'étrange flacon avec un air circonspect avant de m'en emparer, me risquant à demander :
— Qu'est-ce que c'est ?
— Une potion de sommeil. Tu vas voir, ça va t'enlever toutes tes marques de fatigue.
Mieux vaut peser le pour et le contre avant de lui faire confiance, mais d'un autre côté... je suis tellement fatiguée ! Agrippant la bouteille à deux mains, j'en vide entièrement le contenu pour ne pas le regretter à la première gorgée.
Et heureusement ! Je suis prise d'un spasme violent.
— C'est...
— Magique ? suggère la blonde, amusée.
— ... bizarre.
— Ce sont les effets secondaires. Pour celle-ci, je crois que seul le goût est désagréable.
— Tu crois ou tu en es sûre ?
Perdue dans ses pensées, Acacia ne m'écoute plus. Je me tourne vers sa collègue pour obtenir une explication quand une voix, cette voix s'élève par-dessus mon épaule.
— Qu'est-ce que tu as ? On dirait que tu as vu un fantôme.
Qui veut un carton de potions de sommeil, par ici ? 👋 Ça m'a l'air bien pratique !
À votre avis, quelle voix vient d'interrompre Rubis ?
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ESMANTIUM
FantasySeule. Rejetée. Incomprise. Rubis n'a plus rien à espérer, mais une pierre précieuse va tout changer. *** Quand Rubis Brightwood, adolescente tourmentée et asociale, décide de se rebeller, son quotidien de lycéenne devient un enfer. Élève indésirab...