Chapitre 87

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— C'est magnifique

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— C'est magnifique.

J'ai du mal à savoir de quoi parle Gauthier.

Le temps se suspend, mais ce n'est pas la faute d'une trop grande intensité entre nos deux corps, non. Âmes sœurs ou pas, le fragment de matière nous plonge dans un univers à la fois inconnu et magique.

Après un long moment passé à étudier le collier sous toutes ses coutures, nous reprenons peu à peu nos esprits pour constater la métamorphose du souterrain. Les murs de pierre sur lesquels étaient étalées les inscriptions ont laissé place à des parois de marbre noir incrustées de rubis.

Les mots paraissent à nouveau inutiles dans ce lieu chargé de mystères, jusqu'à ce que Gauthier brise le silence, un brin inquiet :

— On devrait y aller.

Ma tête acquiesce d'elle-même tandis que mes doigts camouflent le pendentif sous le tissu de ma robe. L'idée de sa signification s'est déjà frayé un chemin dans mes pensées, mais je préfère le mettre en sûreté avant de déterminer ce dont il s'agit.

💎💎💎

Le trajet se fait en silence, Gauthier et moi ayant besoin de penser un peu chacun de notre côté. Lorsque nous regagnons enfin la surface, après deux kilomètres de réflexion, je lui fais part de mes suppositions :

— Maintenant, je comprends mieux pourquoi l'Esmantium est tellement convoitée.

— Et encore, nous n'avons découvert que l'un de ses piliers.

— J'imagine que l'endroit où elle repose doit être encore plus... fastueux, intervient alors une voix grave, particulièrement reconnaissable à son ton dédaigneux.

Aaron.

Mon acolyte et moi échangeons un regard inquiet. Comment a-t-il fait pour nous suivre ? Le dernier contact que j'ai eu avec lui remonte certes à ce matin, mais je n'ai jamais mentionné la stèle devant lui et ça m'étonnerait qu'il ait réussi à pister nos traces de magie... à moins bien sûr qu'il ne soit sous l'influence de quelqu'un de plus expérimenté, genre un mage noir ultra puissant qui n'en est pas à son premier coup d'essai.

— Rub's, aurais-tu l'extrême obligeance de m'expliquer en détail ce qui vient de se produire ? Je t'en serais très reconnaissant. Désolé, Gaugau, mais toi comme moi savons que tu n'es pas digne de confiance. Inutile de te rappeler pourquoi, n'est-ce pas ?

— Ferme-la, A' ! réplique-t-il sans attendre.

— J'ai du mal à comprendre pourquoi tu t'obstines à tenter de nous pourrir la vie. Tu n'as qu'à fixer les gens dans la rue avec ton air mauvais. C'est suffisant pour assouvir tes désirs de psychopathe, non ? raillé-je, plus que jamais dégoûtée par la façon dont il prononce mon prénom.

Il fait rouler le –r d'un ton condescendant, comme si je lui étais asservie. J'ignore si c'est de la misogynie ou son narcissisme trop développé qui ressort à chaque fois qu'il prend la parole, mais ce qui est sûr, c'est qu'il est encore plus exécrable que d'habitude.

Tandis que je cherche un nom d'oiseau qui puisse lui correspondre, une voix sépulcrale s'élève dans la clairière :

— Passons à l'étape suivante, dans ce cas.

Un homme semblable à une Ombre surgit des fourrés et s'avance à pas mesurés dans notre direction. Vu l'air circonspect d'Aaron, j'en déduis qu'il s'agit de son complice.

La réaction de Gauthier, en revanche, me fait craindre le pire.

Sa mâchoire se crispe et il se raidit instantanément, comme s'il allait exécuter un salut ou un quelconque acte d'infériorité. Son lien avec la Confrérie des Ombres me revient évidemment en mémoire. Le nouvel arrivant est-il un membre de cette organisation ?

Ça m'en a tout l'air.

Ce qui est sûr, c'est qu'il est plus puissant qu'Aaron – une question de prestance, sans doute : il prend naturellement le dessus sur nous. Ou alors, mon impression découle de ma posture. Perchée sur mes talons hauts et ma robe de velours, je me sens particulièrement vulnérable face à cette incarnation des ténèbres, la première qu'il m'ait été donné de voir.

L'Ombre est arrivée jusqu'à nous.

Elle n'a pas de visage ni de couleur. C'est une silhouette furtive, presque irréelle. L'homme présent en elle, reconnaissable à ses intonations graves, se met à parler. Il fait résonner en moi une étrange sensation que je ne saurais décrire. C'est comme si...

— Ne tenons pas conciliabule, chère cousine. Donne-moi ce pendentif et explique-moi comment tu l'as obtenu, puis je partirai.

— Cousine ?

L'horreur se lit sur mes traits. Comment pourrait-on m'associer d'une quelconque manière à ce monstre ?

— Allons, les démons et sorciers n'ont jamais eu des origines si lointaines, n'est-ce pas ?

Il m'adresse une œillade. Même si je ne parviens pas à distinguer la couleur de ses iris, une étincelle passe dans ses prunelles.

Aurais-je vendu mon âme au diable en l'étudiant ?

Parfaitement immobile, je cherche un détail chez cette Ombre, un petit je-ne-sais-quoi significatif. Elle a attisé ma curiosité. J'en viens même à penser à l'existence d'une liaison familiale qu'on m'aurait cachée.

À la fin de mon introspection, Gauthier sort de sa torpeur :

— Les démons ont disparu depuis longtemps pour une raison bien précise, et ce n'est certainement pas pour que des mages noirs prennent leur place.

— Il se pourrait que tu aies tort, très cher Tenebrosus. Une fois de plus.

L'emploi de ce nom de code – pourtant réservé aux deux amis – me surprend. Je me tourne vers le Diamant pour obtenir des explications, mais l'Ombre ne lui laisse pas le temps de m'en donner et poursuit sur un ton beaucoup plus glacial :

— Assez parlé. Donne-le-moi, maintenant.

— Sûrement pas.

Ma voix reste inflexible.

L'Ombre se dresse face à moi, prête à m'envelopper dans son voile d'obscurité. Un court instant, j'aperçois un cimetière d'âmes, un royaume dans lequel corbeaux et choucas règnent en maîtres, dépouillant des corps mutilés devenus carcasses.

Une véritable rencontre avec la Mort.

L'odeur de pourriture qui émane de ce corps me fait frissonner.

L'Ombre tourne autour de moi comme un vautour prêt à dévorer sa proie. Le message est clair : je suis la prochaine sur sa liste de défunts.

 Le message est clair : je suis la prochaine sur sa liste de défunts

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Comme Rubis, vous venez d'être confronté.e.s à votre première Ombre... Comment interprétez-vous ses propos ? 

Quels secrets se cachent derrière son « chère cousine » ? 🤯

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