Chapitre 5

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— Coucou, ma chérie !

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— Coucou, ma chérie !

Une grande brune aux yeux bleus passe sa tête dans l'embrasure de la porte, souriante, mais épuisée, si j'en juge les cernes qui assombrissent son visage.

— Maman ?

Elle ne devait pas rentrer avant dix jours !

Son ton enjoué cache quelque chose. Mon petit doigt me dit qu'elle n'est que de passage. Où son patron a-t-il encore décidé de l'envoyer ?

— Je reste juste ce soir. On a écourté ma mission en Angleterre pour que j'aille en Espagne – la saison des carnavals approche, ils ont besoin de monde. Je n'étais pas contre un petit séjour à Bilbao, tu t'en doutes bien !

— Ah...

La côte nord lui est familière. Elle y est restée plus de trois semaines, la dernière fois. Vu comment c'est parti, elle ne reviendra pas avant le printemps. Travailler dans une compagnie de ferrys et naviguer sur les flots la majeure partie de l'année, c'est super, sauf pour sa famille...

Elle s'empresse de me rassurer, lisant dans mes pensées :

— Ne t'inquiète pas, je ne compte pas hiberner là-bas. Ils m'ont certifié que j'aurai plusieurs jours de congés après mon déplacement. Ça vaut le coup si je peux enfin profiter de ma fille. Nous allons passer un été de folie, je te le garantis !

« Enfin », c'est bien le mot.

Je ne l'ai pas beaucoup vue ces derniers mois, y compris à Noël. Mes grands-parents ont beau être adorables, l'ambiance n'est jamais très chaleureuse au réveillon – la faute aux nombreuses places vacantes lors des repas de famille.

J'acquiesce, sceptique.

— Je m'occupe de ma valise, et je suis à toi !

Je ne sais pas trop quoi dire.

D'habitude, j'ai quelques jours pour me préparer à son retour. C'est rare qu'elle me fasse une surprise.

Mais vu tout ce qui s'est passé aujourd'hui, je n'insiste pas et la laisse tranquille. On peut mettre ça sur le compte de l'âge, la maturité sans doute.

Mieux vaut me concentrer sur l'essentiel : la gemme. J'espère naïvement la retrouver, à moins que ce ne soit une excuse pour me changer les idées.

Prise d'une subite frénésie de nettoyage, j'explore des cachettes oubliées, tombant sur des objets abandonnés comme un vieux journal intime d'environ trois pages que je ne suis jamais parvenue à tenir. Ces quelques lignes sont pourtant riches d'enseignement.

Je lis à voix haute : « Je veux un chien pour aller me promener dans les bois, mais Maman elle ne veut pas. Elle dit que c'est trop compliqué de s'occuper d'un chien, alors qu'il a juste besoin de câlins. Moi aussi, j'aime bien les câlins. »

Un sourire s'étire sur mes lèvres lorsque je referme le cahier. Je me rappelle encore être allée la réveiller en criant : « Je veux un câlin ! ». Mes volontés étaient alors beaucoup plus affirmées.

Visiblement, je ne suis pas la seule à m'en souvenir. Maman se tient dans l'embrasure de la porte, intriguée par ma trouvaille :

— Tu m'avais assuré avoir fait un cauchemar, mais je ne t'avais pas crue ; le coin de ta bouche était retroussé. Tu étais tellement mignonne que j'ai laissé couler.

— Tu as toujours été douée pour détecter mes mensonges.

— Je n'en ai jamais eu beaucoup à déceler...

Je garde le silence. Difficile de retrouver une complicité mère-fille après plusieurs semaines d'absence.

— Je ne sais pas toi, mais moi, je suis fatiguée. Ça te dit qu'on commande ton cadeau de Noël ?

Elle était tellement débordée avec les croisières de fin d'année qu'elle n'a pas eu le temps de préparer les fêtes... et les présents qui vont avec.

— Oui ! m'exclamé-je en tentant d'insuffler un minimum d'enthousiasme à mon propos – sans grande réussite.

— Je vais faire du pop-corn. Salé ou sucré ?

— Sucré !

— Le contraire m'aurait étonnée... avec une pointe de caramel au beurre salé ?

— Évidemment !

J'ai toujours envié ma mère pour son empathie. C'est le genre de personne qui sait vous mettre à l'aise, peu importe la situation. Ça en devient même essentiel lorsqu'on y est habitué.

Mieux vaut pour moi qu'elle ne soit pas souvent présente, alors. La dépendance affective, ça n'est décidément pas mon truc.

Avant qu'elle ne revienne, je réfléchis à nouveau à l'endroit où pourrait se trouver la pierre, et à l'hallucination qu'elle a provoquée. Peut-être que mon imagination s'est une fois de plus laissée emporter et qu'elle m'a plongée dans un rêve aux dimensions abracadabrantes.

Un détail dans cette version me chiffonne pourtant, sans que je parvienne à savoir pourquoi.

— Tu t'es décidée ? m'interrompt Maman quelques minutes plus tard, un immense saladier de popcorns entre les mains.

— Tu n'es pas obligée...

— Arrête, Rubis. Tu sais que je m'en veux de ne pas être là plus souvent. Ne gâchons pas cette tradition !

Ce n'est pas mon intention. M'extasier faussement devant un T-shirt et une paire de baskets, c'est au-dessus de mes forces après la journée qui vient de s'écouler. Sa visite apaise mes angoisses, mais elle ne répond pas aux nombreuses questions qui se bousculent dans ma tête depuis le début de l'après-midi.

— Tu n'as aucune idée ? reprend-elle sur un ton joyeux qui en friserait presque l'honnêteté, s'il n'était pas aussi surjoué. Une palette de maquillage, un smartphone...

Mes yeux se posent un instant sur mon chargeur. Un nouveau téléphone tomberait à pic – sans mauvais jeu de mots –, mais il donnerait l'occasion à mes ennemis de me joindre en dehors des cours...

Tant pis, je n'aurais qu'à bloquer leurs numéros.

— Un smartphone, oui. Un smartphone, c'est très bien.

 Un smartphone, c'est très bien

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Vous êtes quoi, vous ? 🍿

– Team pop-corns sucrés

– Team pop-corns salés

Qu'est-il arrivé à la gemme, à votre avis ? 

ESMANTIUMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant