Chapitre 114

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Pendant de longues minutes, Gauthier me console en passant sa main dans mes cheveux – un geste qui peut paraître anodin, mais qui parvient à me calmer

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Pendant de longues minutes, Gauthier me console en passant sa main dans mes cheveux – un geste qui peut paraître anodin, mais qui parvient à me calmer.

— Le reste du groupe est un peu plus loin, à une demi-heure de marche environ. Nous ferions mieux de ne pas trop nous attarder ici...

Pas question d'utiliser la magie, cette fois. Mon corps est encore trop faible pour supporter tout nouveau gaspillage d'énergie. Tout pouvoir semble m'avoir abandonnée.

Seul le sang afflue dans mes veines, dénué de la moindre sorcellerie.

💎💎💎

Nous cheminons lentement à travers les bancs de sable, nos mains entrelacées se reflétant dans l'eau trouble et ses reflets nocturnes.

Le Diamant reste impassible, adaptant son rythme au mien sans rien dire. Aucun de nous n'est décidé à parler, mais il le faut. Il le réalise sans doute puisqu'il débute sur un ton peu assuré :

— Lorsque nous sommes arrivés, nous avons retrouvé Aloïs gisant sur le sol. Par chance, le doyen avait avec lui une fiole de samenacre qu'il a pu lui administrer le temps que ton ami reprenne quelques forces. Il nous a expliqué que l'état dans lequel il se trouvait quand tu es arrivée était dû à la pierre d'eau. Il l'a touchée et a été violemment projeté contre un rocher à cause d'elle, comme si elle le rejetait. Le reste, il ne s'en souvient pas. D'après Monsieur Jaffrès, il n'a pas dégagé le bon sentiment correspondant au corail qui protégeait la gemme. Il était en colère et, par un mécanisme antique quelconque, un sort s'est déclenché. Il en a évidemment fait les frais, les Saphirs n'étant pas censés éprouver des émotions aussi violentes à cause de leur nature pacifique. Ça a été pareil pour toi, quand tu l'as libéré. Bien que tu sois liée à l'Esmantium, tu restes une Rubis. J'aurais subi les mêmes conséquences si j'étais entré en contact avec la pierre rouge. Seuls ceux dotés d'une pureté digne d'un véritable Saphir devraient y accéder. Voilà pourquoi la Confrérie des Ombres compte sur nous pour se procurer ce talisman : ses membres sont trop maléfiques pour s'en approcher.

Le Diamant s'arrête un instant, le temps de me laisser emmagasiner toutes ces informations, avant de reprendre, de plus en plus perplexe :

— Apparemment, tu as réussi à arrêter ses souffrances grâce à un simple contact. Ambroise est persuadé que c'est à cause de votre lien, mais Gaby croit plutôt que c'est dû à l'Esmantium, surtout si tu portais le pendentif de la pierre rouge à ton cou. En tout état de cause, ton âme sœur supposée serait sûrement morte si tu ne l'avais pas sauvée. Aloïs nous a seulement dit que vous vous êtes éloignés du rocher et après, c'est le trou noir, le néant total. Il ne se souvient de rien. Nous avons d'abord pensé que tu avais été enlevée, jusqu'à ce qu'une sphère noire apparaisse à l'horizon. Un véritable tsunami d'Ombres, qui affluait et refluait sans cesse. Nous aurions été submergés si nous ne nous étions pas tenus à bonne distance. Monsieur Jaffrès a fait allusion à un sort : il assurait que c'était de toi que provenait la vague. Il nous a demandé si tu n'avais jamais été au cœur d'un tel phénomène auparavant, en employant la magie noire, par exemple. Bien sûr, nous avons tous démenti, alors il nous a annoncé que tu étais victime d'un maléfice très puissant, qui n'avait rien à voir avec la pierre bleue. Ça peut paraître surprenant, mais il semblait si sûr de lui... Nous n'avions pas d'autre choix que de le croire. Il a poursuivi ses explications, mais je ne l'écoutais plus. Je savais qui était le coupable. Il n'existait qu'un seul monstre sur Terre capable de te faire ça : Nomis. Je n'ai jamais ressenti autant de haine qu'à ce moment-là Rubis, je te le promets. Le pire, c'est que je ne pouvais rien faire. Il restait inaccessible. Alors j'ai commencé à marcher jusqu'à la sphère noire. En m'approchant, je me suis rendu compte que le dôme qui s'était formé autour de toi n'était pas si sombre que ça ; il était plutôt gris, à vrai dire. Je l'ai observé pendant un moment. De temps à autre, j'apercevais des filaments d'or qui semblaient s'échapper des flammes ardentes dans lesquelles tu étais emprisonnée. Après plusieurs minutes, j'ai compris que ces filaments ne te retenaient pas, non, ils te protégeaient... comme un bouclier. J'aurais à coup sûr été électrisé en le touchant si ça n'avait pas été le cas. Ça peut paraître étrange, mais ce constat m'a immédiatement rappelé le rêve que je faisais avant qu'on se rencontre. Tu sais, celui où je te regardais pleurer sur ton canapé, impuissant. J'ai fermé les yeux et je me suis concentré sur ton aura. Si tu étais vraiment à proximité, je devais pouvoir la détecter. En ouvrant les yeux, le dôme m'est apparu autrement : il n'était plus aussi imposant. À force de me concentrer, je suis parvenu à distinguer une forme à plusieurs mètres de là : ton corps. Mais le problème restait le même et mes efforts étaient vains : je ne pouvais pas passer de l'autre côté.

Il s'arrête quelques secondes, son regard rivé sur les larmes qui roulent sur mes joues, avant de me gratifier d'un faible sourire. Moins d'une seconde après, un mouchoir surgit entre ses mains. Au lieu de me le tendre, le jeune homme essuie un à un mes pleurs, ses doigts s'attardant sur ma peau rougie par la peur et les sanglots. Avant de poursuivre, il dépose un baiser sur mon front avec une tendresse que je ne lui aurais jamais devinée.

— Par un quelconque miracle, j'ai trouvé un moyen de rompre ton isolement. Je t'ai appelée sans vraiment y croire, un brin désespéré, et tu as réagi. Ton corps a bougé de quelques millimètres seulement, mais ton aura s'est animée, comme si c'était elle qui répondait à mes hésitations affolées. Alors j'ai continué. La suite, tu la connais. Si je ne pouvais pas t'approcher, c'est parce que tu me tenais à l'écart sans t'en apercevoir. Quand je l'ai compris, ton preux chevalier s'est matérialisé. Il s'est bêtement précipité vers le dôme où se regroupaient les ténèbres, avant de s'étaler lamentablement sur le sol, assommé. C'était très mignon, même si j'avoue que j'ai eu peur qu'il y arrive. Tu imagines ? Le fidèle prince charmant qui parvient à percer une paroi que moi, le prétendant chanceux et choisi, n'ai pu atteindre.

Un large sourire se dessine sur mes lèvres. Malgré toute la douleur, toutes les souffrances que j'ai pu ressentir aujourd'hui, je ne peux décemment pas ignorer l'aveu de Gauthier sur sa rivalité avec Aloïs.

— Ne seriez-vous pas en train d'insinuer que vous êtes jaloux, Monsieur Chame ?

— S'il vous plaît, Mademoiselle Brightwood. Ne m'obligez pas à le répéter.

Il semble vouloir ajouter quelque chose, mais se ravise. Je n'insiste pas, plus par fatigue qu'autre chose.

Quelques minutes plus tard, nous parvenons enfin jusqu'au groupe. Après avoir eu droit aux larmes de crocodile d'Alix, au câlin étouffant de Gaby, à la phrase philosophique d'Ambroise et à l'allusion timide d'Émilie, Monsieur Jaffrès accepte de nous laisser rentrer à Talesia, où Aloïs a déjà été évacué.

Cette information ne manque pas de me soulager : je ne suis vraiment, mais alors vraiment pas d'humeur à l'affronter.

Sans grande surprise, le directeur nous autorise à rejoindre Talesia grâce à la méthode des cristaux. Il tient tout de même à nous rappeler :

— Assez de magie pour aujourd'hui, les jeunes. Et ça vaut surtout pour toi, Rubis.

— Les jeunes, les jeunes... Vous n'êtes pas si vieux que ça, vous non plus ! marmonne Gaby en relançant notre éternel débat sur l'âge du Saphir.

Il se contente de lui adresser une œillade et franchit le portail, ravi de l'effet qu'il provoque sur les sorciers.

Vu les énergumènes que nous sommes, il aurait dû nous laisser y aller d'abord pour s'assurer que nous l'écoutions.

Nous débarquons en pleine nuit sur le campus. Malgré mon état plutôt faible, je ne parviens pas à m'endormir.

Je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'œil à mon portable toutes les cinq minutes, sans réellement savoir ce que j'attends.

La délivrance n'arrive qu'à une heure du matin, lorsqu'il vibre enfin :

Insomnie...

Toi aussi ?

Forêt, dans dix minutes ?

Pas la peine de répondre. En rasant les murs et me faufilant le plus discrètement possible à travers les jardins des Émeraudes, je me précipite vers notre lieu de rendez-vous : la souche.

Une fois sur place, un mélange caractéristique de citrons et d'aiguilles de sapin me pique le nez.

— Je trouvais qu'il faisait un peu trop froid, alors j'ai craqué une allumette.

À quoi pense Monsieur Jaffrès lorsqu'il estime que Rubis ne devrait plus utiliser de magie pour la journée ? 

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À quoi pense Monsieur Jaffrès lorsqu'il estime que Rubis ne devrait plus utiliser de magie pour la journée ? 

Vous croyez que quelqu'un réussira à récupérer la pierre bleue ? Pourquoi Aloïs a-t-il échoué ? 🙃

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