Chapitre 36

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— Jamais à ta hauteur ? Pourquoi tu avais besoin de moi, dans ce cas ? Je ne suis pas une dinde à transporter comme bon te semble !

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— Jamais à ta hauteur ? Pourquoi tu avais besoin de moi, dans ce cas ? Je ne suis pas une dinde à transporter comme bon te semble !

— Je me le demande... murmure Gauthier, comme pour faire écho à mes questions.

Bon sang, ses changements d'humeur sont tellement déstabilisants !

Ma fierté prend le dessus, en rogne comme jamais. Ma remarque l'a blessé ? Tant pis. Je suis trop occupée à rassembler mes affaires pour m'y attarder.

Sans qu'il s'en rende compte, les sacs posés à ses pieds se retrouvent dans mes mains. Je m'apprête à partir en le laissant dans le déni le plus total et pour être honnête, ça me procure une sensation de jouissance absolue. C'est à croire que notre relation définit un cycle perpétuel de phases qui dépendent uniquement de ses dispositions affectives.

J'évite consciencieusement son regard. Que pourrais-je y déceler ? Une fureur bien gardée, un énervement confus, une colère ambiguë ? Mieux vaut prendre la fuite. Ce n'est pas un manque de courage de ma part, mais plutôt un excès de sentiments confondus.

Une main froide, mais tout aussi rassurante attrape délicatement mon poignet. Un murmure me parvient, si bas que je crois l'avoir rêvé.

— Rubis, s'il te plaît. Ne fais pas ça.

Trop tard. Je décolle ses doigts des miens avec la plus grande prudence, comme si j'avais peur d'être contaminée au contact de sa peau. Et, sans dire un mot, je me dirige vers la sortie en essayant d'atténuer le bruit de mes pas sur le sol. Bien entendu, la taverne est assaillie de craquements disgracieux et les visages des pirates se tournent aussitôt vers moi. Ils auraient mieux fait de se faire oublier, ceux-là.

L'un d'eux, un Émeraude vu sa veste vert criard, se poste à la porte pour m'empêcher de partir. Il est bien plus imposant que moi : c'est le genre de type qui ne se laisse pas impressionner par plus petit que soi. Il croit peut-être que les vitres et les bouteilles m'ont suffi ? Désolée, coco : ce n'était que l'apéritif.

Mue par une irritation toute relative, je fais un pas en avant. Le mécréant ne cille pas. Moi non plus. Au loin, j'entends un tabouret racler le sol – celui de Gauthier ?

— Écarte-toi.

Les mots s'insinuent en moi dans un grondement sourd, oppressant. L'air frais du dehors s'engouffre par la porte à demi ouverte, filtrant entre mes doigts et soulevant mes mèches de cheveux. Il balaye l'homme d'une simple bourrasque.

Allez, tchin !

Une pointe d'excitation liée à l'adrénaline se répand dans tout mon corps et mon cœur bondit dans ma poitrine. Je me précipite à l'extérieur, fuyant loin de cet endroit hostile – loin de Gauthier, aussi.

Bon débarras !

Je déambule dans la cité avec un seul objectif en tête : mettre le plus de distance possible entre lui et moi. Je lui ai dévoilé une partie de mes pensées, aujourd'hui, imaginant bêtement qu'une amitié serait possible entre nous.

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