*Grignote,grignote,grignote*« faim... bonne odeur... miette... bonnes miettes pour moi ! »
Je me réveillai dans un sursaut, l'esprit saturé d'une odeur de lait chaud et de pensées superficielles et légères qui ne m'appartenaient pas.
« Féline ? » tentai-je, un instant désorientée, avant de me rendre compte que l'odeur et la profondeur des pensées émises ne lui correspondaient pas. Mais dans ce cas, qu'est-ce que cela pouvait bien être ?
« Faim... nourriture... squiit ! Monstre entre moi et bonnes miettes... squiit ! Passer quand même ? Non... si... »
« Moi pas monstre », tentai-je de communiquer avec mon petit invité surprise. « Si tu te montres... je te donnerai les miettes », ajoutai-je en allant récupérer les quelques friandises boulangères éparpillées sur le plateau.
Tout en retournant m'assoir sur le lit, assaillie de pensées contradictoires et désordonnées, je priai pour que mon petit manège insolite passe inaperçu aux yeux des caméras et commençai à encourager le petit animal à se montrer.
Alors qu'une petite souris dardait son minuscule museau rose et frémissant hors de son trou, la sirène retentit, ruinant tous mes efforts. Une lumière crue inonda soudain la pièce, faisant fuir le rongeur et me laissant à nouveau seule et désemparée, des miettes de pain plein les mains.
« Veuillez lâcher ce que vous avez dans les mains... immédiatement ! »
La voix, déformée par le haut-parleur, était agressive et autoritaire. Ne voulant pas risquer un coup de tazer ou pire pour si peu, je laissai tomber les miettes sur le sol, en espérant que cela les dissuaderait de venir en personne dans ma cellule.
« Pourquoi vous être relevée pour récupérer... ça ! Que comptiez-vous en faire ? »
Le ton suspicieux de mon interlocuteur invisible m'inquiéta. De toute évidence, j'étais surveillée de très près et ils épiaient mes moindres faits et gestes de peur... de quoi ? Que je traverse les murs ! persifflai-je pour moi-même, en cherchant rapidement un moyen de dissiper leurs doutes.
— Pour les manger, répondis-je en criant pour être certaine qu'ils m'entendent. La faim m'a réveillée et... il n'y avait plus que ça de comestible dans cette pièce !
Je savais que mon ton était un peu trop incisif et pourrait me valoir quelques retours de bâton... mais je m'en fichais ! C'était le seul moyen qu'il me restait d'afficher ma résistance et je ne comptais pas m'en priver.
« Allez-vous placer face au mur, sans bouger. Nous allons vous apporter un plateau. »
Hein ? fut la seule réaction cohérente qui me vint spontanément à l'esprit. Je leur disais que j'avais faim et ils m'apportaient à manger ! C'était mieux qu'un cinq étoiles ! Tout cela cachait quelque chose et c'est de plus en plus suspicieuse que j'allai prendre position. Quelques minutes passèrent avant que la porte ne s'ouvre et qu'une délicieuse odeur de chocolat chaud ne se répande dans la pièce. Je jouai le jeu jusqu'au bout et attendis que la personne soit ressortie pour me retourner.
Un nouveau plateau, identique au précédent, reposait sur le lit, garni d'un bol fumant, de deux croissants, de pain, de jambon et d'un assortiment conséquent de beurre, de sirop d'érable et de confitures. Je regardai ce petit déjeuner de roi avec des yeux ronds, me demandant définitivement ce que cela cachait.
« Mangez... et ensuite recouchez-vous ! » m'ordonna mon très agréable maton de sa voix courroucée.
Malgré la nourriture premier choix présente devant moi, j'hésitai. Même si j'avais la preuve qu'ils ne droguaient pas les plats, enfin jusqu'à présent, une telle abondance et qui plus est à la demande était suspecte ! Sans même parler des croissants ! Où diable avaient-ils bien pu dénicher de vrais croissants ? me demandai-je en saisissant l'une des croustillantes viennoiseries dans ma main. Tout était si appétissant que je n'eus pas à beaucoup me forcer pour manger. Mon repas était tout de même un peu gâché par le fait que je savais tous mes gestes étudiés à la loupe. J'étais en train d'attaquer le second croissant, quand des pensées parasites se mirent à résonner dans ma tête.
« Miettes, miettes... plein de bonnes miettes ! Monstre tenu parole ! Monstre pas méchant ? »
Le retour soudain de la souris me provoqua une quinte de toux mémorable et je manquai m'étouffer avec ma bouchée croustillante. Je bus rapidement deux grandes gorgées de chocolat chaud qui me brulèrent l'œsophage pour tenter de masquer ma panique et faillis tout recracher.
« Non ! Souricette ne doit pas venir tout de suite ! Méchants deux pattes dans les parages ! Toi attendre lumière moins forte pour venir chercher miettes » lui transmis-je frénétiquement, tout en continuant à grignoter, histoire de donner le change.
Une fois certaine que mon estomac ne pourrait pas contenir un gramme de plus, j'allai déposer le plateau au pied du lit et me rendis jusqu'au lavabo en traînant les pieds. Je faisais cela pour une bonne raison : pousser discrètement les miettes vers le mur où se situait le trou de demoiselle souris, afin que cette dernière puisse les atteindre sans être trop exposée aux regards. Je me lavai les mains avec application pour être sûre que les cerbères n'avaient rien remarqué de mon petit manège, puis retournai gentiment me coucher.
J'espérai qu'ils baisseraient la lumière rapidement pour que la petite frimousse ne se fasse pas prendre en flagrant délit de chapardage. Pour une fois, mon souhait fut exaucé et une douce pénombre régna bientôt dans la pièce, permettant à la souris impatiente de pointer le bout de son museau frémissant. Elle s'avança de quelques centimètres hors de son trou en trottinant et, après avoir regardé nerveusement partout de ses petits yeux fiévreux, s'empara d'une grosse miette et s'enfuit avec.
« Attends Frimousse ! » m'écriai-je mentalement. « Je ne te veux pas de mal ! Moi gentille deux pattes, tu te rappelles ? »
Allongée de côté sur le lit, j'observai à m'en faire mal aux yeux, et malgré la fatigue, le minuscule trou, espérant la voir réapparaître. Car une idée commençait à se former dans mon esprit, mais pour cela il fallait que je sois absolument certaine d'une chose, et pour le savoir... j'avais besoin d'une certaine souricette.
« Miettes bonnes et deux pattes gentille... squiit ! Peut-être plus de succulentes miettes, si j'y retourne ? »
« Viens petite frimousse, n'aie pas peur » susurrai-je le plus gentiment et calmement possible. « Si tu m'apportes quelque chose la prochaine fois, tu auras toutes les bonnes miettes que tu voudras. »
Je ressentis sa perplexité aussi bien que si elle l'avait exprimée par des mots. Qu'est-ce qu'un immense deux pattes comme moi pouvait bien vouloir d'une minuscule souris comme elle ?
« Je voudrais que tu me rapportes une feuille morte » lui envoyai-je en visualisant ce que c'était pour qu'elle comprenne bien.
« Feuilles ? Facile ! Moi amener plein jolies feuilles ! » s'exclama-t-elle mentalement en commençant à s'éloigner en trottinant.
« Non ! » l'arrêtai-je d'un cri mental. « Pas maintenant ! Tout à l'heure quand il fera de nouveau très sombre. Sinon grand danger pour toi ! »
Je reçus son assentiment confus et entendis ses petites pattes griffer le béton tandis qu'elle s'éloignait. Elle avait l'air sûre d'elle, mais je verrais demain. Si elle était capable de me rapporter ce que je lui avais demandé, c'est que son trou était en contact direct avec l'extérieur. J'étais une chimère, il me suffirait donc de me transformer en souris et de suivre Frimousse jusqu'à la liberté.
Enfin, c'était la théorie ! Car je ne m'étais jamais transformée en souris. De plus, comment allais-je faire pour que mes geôliers ne le remarquent pas ? Il y avait encore beaucoup de questions sans réponses, mais une lueur d'espoir se profilait à l'horizon. C'est donc un tout petit peu plus confiante que je me glissais dans le sommeil, laissant mon corps emmagasiner toute l'énergie dont il allait avoir besoin pour nous sortir de là.
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Symbiose . Féline-Tome 3
ÜbernatürlichesChristina est à présent prisonnière dans un établissement de recherche hautement sécurisé. Tous ses amis et Jude la croyant morte, elle ne pourra compter que sur elle-même pour s'enfuir et déjouer la machination orchestrée par Iphigénia et quelques...