*Dans la cité sylvestre des bois du Drasill.
Cela faisait des heures, peut-être même des jours, que j'étais assis dans le fauteuil de mon ancienne chambre, la joue appuyée contre le doux cuir brun, essayant de capter la fugace odeur de Christina, encore présente par endroits. Je caressais sans relâche le médaillon tordu et noirci de mes doigts tremblants et sans force, pendant que mon cerveau épuisé tentait de comprendre ce qui avait bien pu se passer pour en arriver à une telle tragédie.
Je n'avais que des souvenirs flous et partiels des moments qui avaient suivi mon horrible prise de conscience. Je me souvenais vaguement d'Euclide m'expliquant que Christina avait dû trébucher sur une racine et tomber au sol pour ne plus se relever. Se faisant ensuite encerclée par les flammes ravageant cette partie de la forêt, qui l'avaient prise dans leur piège mortel et funeste.
L'explication était plausible et cohérente avec les évènements que nous avions nous-mêmes vécus, mais je ne pouvais m'empêcher de ressasser tout ça dans ma tête, pour en arriver toujours à la même conclusion : je ne voulais et je ne pouvais pas y croire. Pourtant, il fallait que mon âme l'accepte ou que j'aie assez de force pour passer à l'acte et la rejoindre dans les ténèbres. Alors que mon esprit ravagé m'entraînait une fois de plus dans l'inconscience, un morceau de phrase semblant venir de nulle part parvint jusqu'à mes oreilles.
— ...il y a cru cet imbécile ! Même pas capable de sentir que cette garce est toujours vivante ! C'est bien la preuve que leur union n'était pas authentique...
La voix de Jax, que j'aurais reconnue entre toutes, me paraissait plus claire à chaque seconde. Chaque mot me pénétrant comme un poignard et réveillant mon cœur et mon âme en lambeaux. Je me levai et faillis tomber lorsque mes jambes sans force refusèrent de supporter mon poids. Me rattrapant de justesse aux accoudoirs du siège, je saisis au vol le médaillon, avant qu'il ne tombe au sol et ne me trahisse. Je m'approchai ensuite le plus discrètement possible de la porte, espérant pouvoir en entendre davantage et confirmer mes espoirs.
— Tu veux plutôt dire « était toujours vivante » ! Parce que là où ils l'ont envoyée... elle n'en a plus pour longtemps, s'exclama un homme que je ne connaissais pas, en partant d'un rire gras et désagréable.
J'étais faible. Le choc, le chagrin et le manque de nourriture ayant eu raison de mes dernières forces. Mais la colère et la rage que je ressentis à l'entente de ces paroles me redonnèrent l'énergie nécessaire pour me rendre jusqu'à la salle de bain.
Mon dieu ! Comment avais-je pu croire à sa mort si facilement ? Ils avaient raison, j'aurais dû m'en rendre compte tout de suite ! Ne pas accepter bêtement et chercher à en savoir plus. Je venais de perdre deux jours, deux jours précieux où il avait pu lui arriver n'importe quoi. J'aurais dû être heureux et soulagé de la savoir en vie, mais je ne ressentais en fait que de la rage. Une rage profonde et viscérale qui ne s'apaiserait que quand ces hommes seraient morts.
Avec des gestes simples et rapides, je me changeai, enfilant des vêtements pratiques et se fondant facilement dans les tons de la forêt, puis je m'aspergeai le visage d'eau et bus longuement pour me réhydrater. Je grimpai ensuite silencieusement sur le lavabo et jetai un coup d'œil par la minuscule fenêtre ovale se trouvant au-dessus. Je vis Jax et deux hommes armés de fusils automatiques, ressemblant furieusement aux hommes de Shaw, monter la garde devant ma porte, me coupant toute retraite. Enfin c'était ce qu'ils croyaient...
J'allai récupérer des poignards, dissimulés dans des cachettes connues de moi seul et les attachai à mes poignets et à mes chevilles. Une fois prêt, je m'approchai de l'une des fenêtres et en fis coulisser le battant, avant de me positionner à califourchon sur le chambranle. Les plus de quatre mètres de vide qui s'étendaient sous mes pieds ne me firent ni chaud ni froid. Je savais que c'était risqué, mais... pour tuer ces hommes et avoir une chance de retrouver Christina en vie, j'étais prêt à tout ! Je fis donc passer ma jambe du côté du vide et, me tenant des deux mains aux montants de la fenêtre, me propulsai en avant pour essayer d'atteindre l'arbre le plus proche.
Je tombai en chute libre pendant quelques secondes avant de me rattraper de justesse aux branches d'un chêne centenaire qui freina ma chute et me laissa de belles estafilades sanglantes sur les bras. Je m'accrochai désespérément, mes mains poisseuses de sang glissant sur l'écorce rugueuse. Je parvins néanmoins à me rétablir et, tel un fantôme, rejoignis la plateforme en bois située quelques mètres plus haut. J'essuyai sommairement mes mains abîmées sur mon pantalon et, utilisant les branches affleurantes et les ombres naturelles, fis le tour pour prendre les trois hommes à revers.
Une fois en position, bien dissimulé dans un arbre touffu, je récupérai trois de mes quatre poignards et, avec une précision froide et mortelle, en lançai deux sur les hommes armés, les atteignant quasi simultanément, l'un au cou et l'autre en plein front. Ils s'écroulèrent sans un bruit, colorant de leur sang le seuil de mon sanctuaire.
Avant même que Jax n'ait eu le temps de réaliser ce qu'il se passait, je bondis sur l'arbre adjacent et me laissai tomber pile devant lui.
— Surprise ! lui susurrai-je tandis que je lui enfonçai très lentement mon poignard entre les côtes.
Il me lança un regard surpris, tandis que l'air s'échappait de ses poumons en un râle étouffé.
— Tu vois, ma lame est à approximativement un demi-centimètre de ton foie. Si tu bouges, ou si je le décide... tu te videras de ton sang avant que ton corps n'ait le temps de réparer les dégâts, le menaçai-je d'une voix pleine de promesse douloureuse, avant de le saisir fermement par le cou de la main gauche.
Puis, en prenant bien garde de ne pas faire bouger la lame, je l'entraînai un peu à l'écart, à l'ombre du bâtiment.
— Où est-elle ? lui demandai-je, en resserrant ma prise sur son cou, tandis que je plantais mon regard implacable dans le sien.
— Je ne vois pas de...
La transformation quasi instantanée de mes yeux le fit taire plus efficacement que n'importe laquelle des menaces.
— Tu me réponds immédiatement, si tu ne veux pas que ce soit ma main qui se transforme la prochaine fois.
— Tu as perdu la tête, elle est morte ! Tu as même vu son corps, tu...
— Je vous ai entendus, grondai-je à quelques centimètres de son visage, alors que mes doigts se transformaient en serres aiguisées qui commencèrent à pénétrer la peau tendre de sa gorge.
Je vis ses yeux se révulser, alors qu'il retenait un cri de douleur, ne voulant pas craquer devant moi.
— Où est-elle ?
— Je... je ne sais pas ! Ta mère l'a vendue à un général humain pour l'un de ses labos, finit-il par craquer.
— Où se trouve ce labo ? demandai-je d'une voix qui n'avait plus grand chose d'humain, alors que la rage prenait le pas sur ma raison.
— Je ne sais pas...je t'assure...
La flèche qui l'atteignit en pleine poitrine l'interrompit net, tandis que la seconde qui effleura mon épaule me força à le lâcher. Il tomba mollement sur le sol, alors que je m'enfuyais parmi les arbres, des flèches empoisonnées sifflant derrière moi.
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Symbiose . Féline-Tome 3
МистикаChristina est à présent prisonnière dans un établissement de recherche hautement sécurisé. Tous ses amis et Jude la croyant morte, elle ne pourra compter que sur elle-même pour s'enfuir et déjouer la machination orchestrée par Iphigénia et quelques...