Chapitre 19-2

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Une chape de plomb parut soudain s'abattre sur la petite pièce tandis que les paroles du doc semblaient s'insinuer comme du poison dans mon esprit. Immédiatement je cherchai « Iron ». Mon aigle était là, lové au fond de moi, fiable et serein comme à son habitude. Rien ne semblait avoir changé, ce qui apaisa momentanément mon cœur désordonné.

— Vous en êtes certain ? arrivai-je à prononcer d'une voix calme en fixant le médecin métamorphe droit dans les yeux.

— On ne peut être certain de rien, puisque cet alliage nous était encore inconnu il y a quelques jours ! Mais du peu de ce que nous avons eu le temps d'observer...c'est une possibilité...plus que probable. D'autant plus maintenant que j'ai pu constater l'étendu des dommages par moi-même.

— Vous voulez dire que ce métal aurait la propriété de nous ôter notre capacité à nous transformer ? demanda River d'une voix incrédule.

— Pas exactement. C'est un alliage fragile qui se délite au contact du sang particulier des métamorphes et pénètre dans le système sanguin, empêchant la régénération et causant ainsi des hémorragies mortelles. Nous ne savons pas combien de temps il faut au corps pour l'évacuer, ni même s'il le fait et nous pensons que tant que cet alliage est présent dans le corps, la métamorphose en est compliqué voire impossible.

— Mais tout cela reste des hypothèses ? lui demanda River d'un ton limite agressif, tellement il était choqué par ce qu'il entendait.

— Vos théorie sont fausse, intervins-je d'une voix rendue haletante par une nouvelle vague de douleur et coupant le médecin dans son élan. Hannah a été blessée par une lame de ce métal et elle a réussi à se transformer peu de temps après, m'expliquai-je en reportant mon attention défaillante sur l'intéressée.

Je vis le médecin se tourner vers Hannah, un intérêt nouveau dans son regard scrutateur.

— C'est vrai ?

— Oui, répondit-elle avec réticence mais...j'ai eu de l'aide pour ma transformation, seule...je n'y serais jamais parvenue, avoua-t-elle avec sincérité de la reconnaissance dans son regard clair.

— Oui mais...

Une douleur débilitante m'envahit soudain et se répandit en moi comme une vague. Je compris que mon corps commençait à convulser avant même que je n'en ressente les premiers effets ou entende le bruit du lit agité par les secousses. J'étais conscient de ce qui se passait mais totalement impuissant, prisonnier d'un corps qui ne semblait plus m'appartenir.

— Mon dieu qu'est-ce qu'il se passe ? s'écria Hannah qui se précipita vers moi, affolée et ne sachant pas quoi faire pour m'aider.

— C'est ce fichu métal qui est en train de l'empoisonner ! s'écria le médecin alors qu'il enfilait rapidement des gants en latex et se saisissait d'un scalpel brillant posé sur un linge derrière lui.

Alors qu'il s'approchait de moi avec l'instrument tranchant, River l'arrêta net en lui empoignant le bras.

— Vous comptez faire quoi avec ça ?

— Valider une de mes théories et j'espère soulager sa crise, lui répondit-il d'un ton impatient.

River le lâcha et il s'approcha de moi un air déterminé sur le visage, le scalpel toujours en main.

— Tenez-le, il faut qu'il bouge le moins possible !

— Attendez ! Vous n'allez pas lui donner un calmant ? s'exclama Hannah tandis qu'elle posait ses mains réticentes sur mon bras droit.

— Pas le temps et trop risqué dans son état, lui répondit-il sans la regarder avant de passer à l'action sans autre avertissement.

Était-ce un coup du sort mais les convulsions cessèrent pile à l'instant où la lame pénétrait dans mon bras. D'un geste sûr et rapide il entailla mon biceps sur toute sa longueur. J'hurlai sous le coup de l'horrible souffrance qui me transperça et me mis à trembler de tous mes membres sous les mains de mes amis, qui se jetaient des regards douloureux et désespérés.

— Arrêtez, vous allez le tuer ! s'écria Hannah des sanglots dans la voix, alors que le médecin s'apprêtait à réitérer son geste sur ma jambe.

— Je le soulage au contraire, regardez ! lui répondit-il alors qu'il dégageait le drap sur lequel se trouvait mon bras.

Le linge blanc, au lieu d'être rouge comme on aurait dû s'y attendre, était d'un gris orangé bizarre et écœurant.

— Ses muscles sont saturés de cette saloperie ! C'est ça qui lui cause toutes ces douleurs et ces tremblements. Si on ne le draine pas...il ne guérira jamais.

— Et si vous continuez à l'affaiblir comme ça...il ne tiendra pas la nuit ! intervint l'une des métamorphes que nous avions sauvé.

En fait, ils pénétrèrent tous trois dans la pièce Thomas et Shanelle soutenant Waahana, qui avait de toute évidence encore du mal à se déplacer seule. Ils s'approchèrent de mon lit alors que je m'évertuai à reprendre mon souffle, baignant dans une sueur glacée.

— Oh mon dieu ! souffla Thomas dans un murmure choqué lorsque ses yeux se posèrent sur mon corps. Comment avez-vous fait pour tenir debout ?

— La volonté...ça aide ! réussis-je à lui répondre d'une voix éreintée.

— Mais ça ne peut pas suffire à expliquer...

— Thomas, ça ne l'aidera pas ! le coupa Waahana, alors qu'elle leur faisait signe de la lâcher et qu'elle s'avançait doucement vers mon lit.

J'étais heureux qu'elle l'ait interrompu car je n'avais pas envie que le doc et les trois autres métamorphes se pose trop de questions sur le pourquoi de ma survie miraculeuse. Je savais qu'ils seraient choqués s'ils apprenaient que j'avais...que nous avions bu du sang humain. C'était une pratique taboue et interdite et pour le bien de tous, il ne valait mieux pas que cela s'ébruite.

— Toi non plus, souffla Shanelle à Waahana me sortant de mes pensées. Tu es encore trop faible et il...

— Je vais essayer en tout cas, lui répondit-elle en fixant ses yeux étranges dans les miens.

Je ne l'avais pas remarqué dans la grotte mais ses yeux n'étaient pas exactement de la même couleur. L'un était marron foncé, alors que l'autre était noisette moucheté de vert. Ce qui lui donnait un regard particulier que l'on avait du mal à tenir très longtemps. Je m'y efforçai pourtant, malgré la douleur insidieuse qui revenait lentement à l'assaut, sentant sans savoir pourquoi que c'était important.

— Je vais vous confier quelque chose que je n'ai jamais dit à personne avant vous, commença-t-elle d'une voix prudente. Je le fais car vous avez risqué votre vie pour moi et que je vous crois digne de confiance, mais j'apprécierai qui lui, il sorte ! dit-elle en désignant le médecin d'un signe de tête.

— Je ne peux pas partir ! Je ne peux pas laisser le prince dans cet...

— Sortez s'il vous plait...ça va aller.

J'espérai avoir mis assez d'autorité dans ma voix pour qu'il m'obéisse sans discuter...et apparemment oui, car il sortit sans un mot, bien qu'un pli réprobateur ne barre son front.

— Je suis une louve comme Thomas, bien que nous ne soyons pas du même clan, reprit-elle dès que la porte se fut refermé derrière le praticien outré. Mais je ne suis pas que ça...peu après ma première transformation j'ai développé un don de guérison par le toucher. Les membres de mon ancien clan ne l'on pas accepter, disant que l'on ne pouvait pas être métamorphe et sorcière à la fois...mais c'est ce que je suis, même si je me sers très rarement de mon don. J'aimerai tenter de l'utiliser sur vous, si vous êtes d'accord ?

— J'en serais honoré au contraire, lui répondis-je d'une voix rauque. Mais êtes-vous assez remise pour cela ?

— Ne vous inquiétez pas pour moi mais plutôt pour vous, car cela risque d'être long et douloureux, s'excusa-t-elle en positionnant ses mains au-dessus de mes épaules.

— Allez-y lui dis-je simplement, un sourire triste sur les lèvres, me préparant à la nouvelle torture qui allait suivre, en espérant que ce soit la dernière.

Symbiose . Féline-Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant