Je ne sais durant combien de temps je pleurai, centrée sur mon chagrin et totalement hermétique à tout ce qui m'entourait. Mais c'est la faim et une incompréhension inquiète et diffuse, qui me sortirent de mon marasme, me reconnectant de force avec le monde extérieur.
« Toi, besoin miettes ? Squiit ! Toi et moi pareilles...besoin beaucoup de miettes pour bébés »
Ma petite frimousse était de retour et une partie de la faim dévorante que je ressentais était la sienne. Mais ce qui me ramena le plus efficacement sur terre, fut son inquiétude. Il y en avait un peu pour moi, ce qui me touchait, mais principalement pour ses petits à naître et leur faible espérance de survie si elle ne trouvait pas beaucoup de nourriture à stocker d'ici sa mise-bas.
Autant de dévouement et d'instinct maternelle chez un si petit animal, me remis les idées en place plus efficacement qu'une gifle. Oui cette grossesse était une catastrophe, car elle tombait au plus mauvais moment possible...mais le petit être que je portais, lui, ni était pour rien. C'était un peu de moi et un peu de Jude...un mini-nous en quelque sorte et je n'avais pas le droit de m'apitoyer sur mon sort et de baisser les bras.
Forte de cette fragile mais nouvelle résolution, je m'assis lentement sur le bord du lit. J'avais les yeux bouffis, le nez qui coulait et l'impression d'avoir la tête remplir de coton. Je me sentais faible et...différente. À présent nous étions deux et ça...ça changeait tout, pensai-je tristement en posant mes mains sur mon ventre encore plat. Même si au fond de moi, je l'avais accepté presque instantanément, j'avais encore du mal à réaliser. Je restai encore quelques minutes, assise sans bouger, profitant de cette prise de conscience douloureuse et magique en même temps. Une fois certaine que je ne risquais pas un étourdissement, je me levai avec précaution pour aller chercher le plateau resté au sol.
« Bonnes miettes pour moi ? Squiit ! »
« Oui petite frimousse, plein de bonnes miettes pour toi et même du bon fromage » ajoutai-je avec un petit sourire mental, en avisant le morceau de gruyère recouvert de film plastique, posé à côté du pain.
Un torrent d'impatience, de faim et d'envie venant de la souricette affamée m'assaillit, me faisant sourire malgré moi. Le problème maintenant allait être de réussir à lui donner tout cela discrètement sans que mes observateurs ne s'aperçoivent de rien.
15 minutes d'intimité à partir de...maintenant. *Ding*
Pour une fois le timing ne pouvait pas mieux tomber ! À moins que ce ne soit un piège ? Cette éventualité était probable, mais ne m'arrêta pas. De toute manière quel autre choix avais-je ? Je m'empressai donc de rompre un gros morceau de pain que j'émiettai consciencieusement, avant de déposer mon offrande sous le lit. Puis je fis rapidement de même avec une partie du fromage que je cassai grossièrement en petits morceaux avec mes doigts, faute de couteau pour le faire.
« Squiit ! Squiit ! Squiit ! Tout plein de bonnes miettes ! Deux jambes, vraiment gentille avec moi »
Les couinements excités et ravis de la souricette, bien que ténus, semblaient me crever les tympans tellement j'avais peur qu'ils ne soient entendus par mes geôliers.
« Chuuut ! Petite frimousse doit faire moins de bruit ! Sinon méchants deux jambes vont arriver ! » lui transmis-je précipitamment en espérant qu'elle comprendrait et réfrénerait son enthousiasme.
Le message dû passer car la souricette cessa ses couinements et après avoir consommé une petite partie du trésor, commença à effectuer des aller et retours pour entreposer le reste du butin dans son nid.
10 minutes...
Je me hâtai de profiter du temps qu'il me restait comme il se devait, avant d'enfiler les vêtements propres présent dans le sac, non sans difficultés compte tenu de mes blessures. Alors que le compte à rebours prenait fin, j'eu juste le temps de me rassoir et de me saisir d'un morceau de gruyère que je fourrai dans ma bouche, pour ne pas griller le chapardage de frimousse.
Même si mon plan audacieux de me transformer en souris venait sans doute de tomber à l'eau du fait de ma nouvelle situation, j'aimais bien la souricette qui était mon unique source de réconfort dans cet endroit hostile et je ne voulais pas qu'il lui arrive quelque chose. Je mangeai, sans grand appétit, malgré mon corps et mon estomac qui criaient famine. Une fois que je fus restaurée, une nouvelle vague de peur et d'abattement fondit sur moi, accablant mon esprit déjà torturé, de questions sans réponses.
Si je portais réellement la vie, depuis combien de temps étais-je enceinte ? Mes transformations successives, sans parler de mes blessures pouvaient-elle avoir un impact sur le fœtus ? Pouvais-je encore me transformer ou cela était-il proscrit pendant une grossesse métamorphe ? Oh mon dieu...que d'interrogations, mais qui avaient une importance cruciale pour mon avenir...pour notre avenir ! me repris-je aussitôt, sentant de nouvelles larmes monter derrières mes paupières closes et gonflées.
Il ne vous reste que trois heures de sommeil, vous devriez en profiter. Demain nous discuterons de votre...nouvelle situation.
La voix de Shaw se tue, me laissant glacée et encore plus inquiète qu'auparavant quand à mon avenir. Durant quelques secondes, j'envisageai de tenter la transformation en souris, mais la petite vie se développant à l'intérieur de moi m'en dissuada. Je ne savais même pas si cela serait préjudiciable au fœtus, mais je n'osais pas tenter le diable. Je m'allongeai, mais bien sûr ne parvint pas à trouver le sommeil, trop de choses se bousculant dans ma tête. J'étais donc tout à fait réveillée, à défaut d'être en pleine possession de mes moyens, quand la porte tourna sur ses gonds sans avertissement sonore ou mise en garde préalable.
Une femme que je ne connaissais pas pénétra dans la pièce, accompagné de la terreur au tazer. Cette dernière devait avoir dans les cinquante ans, ses cheveux grisonnant tirés en un chignon serré lui durcissaient les traits, ce dont son visage ingrat et austère n'avait pas du tout besoin. Elle fit quelques pas à l'intérieur et s'arrêta à une distance prudente de mon lit, fixant sur moi un regard scrutateur et dérangeant.
— Nous ne voulions pas que vous l'appreniez comme cela, mais...
— Vous ne vouliez pas que je l'apprenne du tout plutôt ! la coupai-je abruptement en me redressant en position assise. Depuis combien de temps êtes-vous au courant ?
— A peine quelques heures, me répondit-elle sèchement d'un ton guindé. Et je vous prierais de ne plus m'interrompre...
— Sinon quoi ? ne pus-je m'empêcher de la provoquer. De quoi allez-vous me menacer maintenant ?!
— Ah je vois ! Vous pensez qu'à présent que vous êtes enceinte, nous n'oserons plus vous mâter comme il se doit, si cela s'avère nécessaire ? me demanda-t-elle, un rictus sardonique sur les lèvres. Hé bien détrompez-vous ! Vous n'êtes pas la première métamorphe à attendre un enfant dans ce complexe et nous savons très bien ce que nous pouvons ou non nous permettre, ajouta-t-elle en sortant une paire de menotte d'une des poches de sa blouse.
J'eus un mouvement de recul réflexe, en les voyant tous deux se rapprocher de moi dans la pièce exiguë.
— À votre place, je serais une gentille fille et je coopérerai sans faire d'histoire, ajouta-t-elle en me lançant les bracelets métalliques qui retombèrent mollement sur le matelas à quelques centimètres de ma cuisse.
— Je ne vois vraiment pas pourquoi je ferais ça ! lui répondis-je, de plus en plus inquiète de la tournure que prenait les événements.
— Peut-être...pour avoir une chance d'être la première à mener votre grossesse à terme !
_______________________________
"Symbiose" est #9ème !!!*o*!!!
Un énorme merci à vous pour toutes vos lectures et vos votes *-*
Tout plein de bisous ^.^
VOUS LISEZ
Symbiose . Féline-Tome 3
ParanormalChristina est à présent prisonnière dans un établissement de recherche hautement sécurisé. Tous ses amis et Jude la croyant morte, elle ne pourra compter que sur elle-même pour s'enfuir et déjouer la machination orchestrée par Iphigénia et quelques...