Chapitre 37-2

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— Frimousse ! m'écriai-je presque malgré moi, sentant une joie quasi enfantine m'envahir, en même temps que les pensées de la souricette inondaient mon cerveau stressé.

— Qui c'est ça, frimousse ? demanda Hannah d'un ton ronchon, apparemment surprise par mon débordement inhabituel d'enthousiasme.

— C'est elle.

Toutes les têtes se tournèrent vers le docteur Banes qui venait de parler et s'approchait de moi, la souricette sortant son petit museau de l'échancrure de son sweat.

— Je croyais que t'avais une phobie des rongeurs ! m'exclamai-je en m'avançant vers l'improbable duo, un sourire attendri sur les lèvres.

— Et c'est toujours le cas ! Mais apparemment notre petite amie ici présente est l'exception qui confirme la règle.

Elle parlait d'un ton léger et essayait d'y mettre de l'humour mais je voyais à son sourire crispé et aux traces d'anxiétés dans sa voix que cela lui demandait quand même un effort non négligeable.

— Je peux la prendre si tu veux ? lui dis-je pour la soulager.

Je tendis lentement la main vers la souricette qui n'hésita qu'une seconde avant de sauter sur ma paume d'un petit bond gracieux, bien qu'un peu alourdi par son ventre rebondi, avant de commencer à remonter rapidement mon bras. Ses petites griffes acérées me chatouillèrent tandis qu'elle grimpait pour venir se poster sur mon épaule, des ondes mentales d'intense satisfaction me parvenant de son petit cerveau surexcité.

— Où l'as-tu trouvé ?

— Elle se trouvait à la lisière des bois. Elle a eu de la chance que je la vois en passant à côté d'elle. Comme tu étais inconsciente, j'ai pris sur moi de la ramener ici. C'est un peu grâce à elle que nous sommes toujours en vie...finalement !

« Frimousse...mon nom frimousse ? »

« C'est comme ça que je t'appelle, oui. »

Mon ton mental surpris, interloqua la petite souris, qui perdit le fil de ses pensées pendant quelques secondes, me laissant le temps de me ressaisir. Les pensées plus cohérente et presque plus « humaine » du petit rongeur m'étonnaient ! Il est vrai que j'avais déjà remarqué ça avec Féline, mais comme c'était un mammifère plutôt évolué et intelligent, cela ne m'avait pas surprise plus que ça. Mais finalement, c'était peut-être un des effets secondaires de notre...connexion ? Il faudrait que je pose la question à la mère de Jude. Iphigénia semblait plutôt calée sur tous ces sujets et pourrait peut-être me renseigner et m'en apprendre plus sur mes aptitudes de Chimère.

Alors que je me tournai machinalement vers elle, suivant involontairement le cours de mes pensées, je vis qu'elle et Jude s'étaient éloignés des autres et semblaient plongés dans une intense et houleuse conversation.

« Frimousse inquiète pour longues jambes et inquiète pour frimousse aussi. Là-bas endroit devenu dangereux pour bébés frimousse ! Alors moi décider suivre toi ! Squiit ! Toi pas fâchée ? »

Je calmai la petite souris d'une pensée rassurante et ma curiosité dorénavant éveillée, m'approchait de Jude et de sa mère, toujours en pleine conversation. Ils étaient tellement absorbés l'un par l'autre qu'ils ne m'entendirent même pas approcher. Dès que la première bribe de leur conversation parvint à mes oreilles, je compris qu'ils parlaient de la sœur de Jude. Ils finirent par se rendre compte de ma présence mais au lieu de s'interrompre comme je m'y étais attendu, Iphigénia se contenta de me lancer un regard assorti d'un petit signe de tête, tandis que Jude me tendait la main pour m'inviter à le rejoindre, sans pour autant cesser de s'invectiver à voix basses. Frimousse, effrayée par ses nouvelles voix, se réfugia sous mon pull en y entrant par le col.

« Grandes jambes, gentils ? Gentils avec les frimousses ? Kiii ! »

« Oui, très gentil. Frimousse n'a rien à craindre ici. » lui répondis-je d'une pensée rassérénante et amusée.

— Tu n'as jamais accepté les différences des autres !

La voix de Jude, acide et agressive, me ramena à la conversation intense et très personnelle qui se déroulait devant moi et dont j'avais la désagréable impression d'être la voyeuse involontaire. Je me serais bien éloignée pour leur laisser de l'intimité mais la main chaude de Jude qui broyait presque la mienne, trahissait son besoin de soutien et son désir de m'avoir à ses côtés.

— C'est peut-être ta façon de voir les choses...à l'époque tu étais si jeune et en colère...

— Bien sûr que j'étais en colère ! Tu venais de chasser ma grande sœur que j'adorais de notre clan comme une malpropre et ensuite...ça a été au tour de Célia.

— Non ! Célia c'était déjà ma sœur. Elle a apparemment pris ma place juste avant que tu ne reviennes du « monde des humains ». Mais même si je condamne évidemment ses agissements, sur ce point précis j'aurais certainement réagit comme elle !

Je sentis le choc, la tristesse et le dégoût qui traversèrent Jude, à l'entente de ces paroles dures mais pleinement assumés. Iphigénia se tenait droite comme un I, un air d'intense détermination sur son visage sévère et fermé. Pourtant il me semblait percevoir un soupçon de tristesse et de regrets émaner d'elle, à moins que je ne prenne mes désirs pour la réalité.

— Comment peux-tu dire ça ? Et devant Christina en plus, ajouta-t-il dans un murmure consterné.

— Justement Jude, ouvre les yeux ! Je n'ai rien contre Célia. Je ne me serais pas opposée à votre union parce qu'elle n'était pas une métamorphe aigle, contrairement à ma sœur. Mais parce qu'elle n'était pas ton âme sœur !

— Tous le monde ne découvre pas son âme-sœur et tu le sais parfaitement !

— C'est exact ! Mais j'ai une sorte de don particulier, comme un sixième sens, qui me permet de détecter ces choses-là et je savais que la tienne t'attendait quelque part. Comme celle de Célia l'attendait, la pauvre. J'apprécie beaucoup cette jeune femme mais maintenant tu as bien conscience que vous unir alors aurait été une erreur.

Jude ne répondit rien mais me serra un peu plus la main, avant de me fixer d'un regard rempli d'amour et d'acceptation, même s'il n'était pas encore capable de le reconnaître devant sa mère. Je sentis un nœud que je n'avais même pas sentis se créer se dénouer dans mon ventre, devant cette nouvelle preuve de notre attachement.

— Ce que j'ai fait, dis ou même pensé à votre sujet à toi et à ta sœur, a toujours été pour votre bien, ajouta Iphigénia d'une voix lasse.

— Tu n'arriveras jamais à me faire croire cela pour Swan !

— Je l'ai chassé pour la protéger ! s'écria-t-elle soudain d'une voix rendue sourde par la colère et le chagrin. À l'époque le climat politique des métamorphes était instable et les autres clans cherchaient le moindre prétexte pour nous déstabiliser, voir nous détruire. Même au sein de notre communauté, on cherchait à nous évincer. Ta sœur aurait été le prétexte idéal pour eux et ils se seraient tous acharnés sur elle. Je l'aimais tellement ma petite colombe...ça m'a brisé le cœur de devoir faire ça mais je n'avais pas le choix ! Toi tu étais jeune et rebelle. Même si je t'avais expliqué tu n'aurais rien voulu entendre...

J'entendis le souffle de Jude se bloquer dans sa poitrine tandis qu'il essayait de canaliser toutes les émotions qui le traversaient et menaçaient de lui faire perdre le contrôle.

— Elle est en vie.

Le murmure qui sortit de sa bouche était tremblant et à la limite de l'audible.

— Qu'as-tu dis ?

— Swan est en vie. Elle est avec notre père.

Je vis l'incrédulité se peindre sur les traits parfaits et figés d'Iphigénia, avant qu'elle ne chancelle et ne doivent s'appuyer d'une main sur le mur pour maintenir son équilibre.

— Tu en es certain ? lui demanda-t-elle enfin des larmes plein les yeux.

— Oui. C'est moi et River qui l'avons sauvé.

Un bruit de course retentit soudain dans le couloir et Dean entra en trombe.

— Khyn est au courant ! Si vous voulez vraiment retourner au complexe...vous devez partir tout de suite.

Symbiose . Féline-Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant