Chapitre 43-1

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— Si tu soupçonnes un piège du vautour et de son piaf, comme j'ai la certitude que c'est le cas, tu comptes t'y prendre comment au juste ?

Le chuchotement de River fut entendu par tout le monde, même par Worth qui esquissa un petit sourire à l'entente des termes choisis, avant de vite replonger dans sa conversation. Depuis quand l'inspecteur avait-il une ouïe de métamorphe ? me demandai-je soudain, même si la surprise qui se peignit momentanément sur le visage d'Hannah, répondit déjà un peu à ma question...pas longtemps apparemment !

Même si cela étonna Jude, il ne le montra pas et toujours très concentré, s'approcha du véhicule de Dean dont il déverrouilla les portières d'une pression sur les clés.

— Leur faire croire qu'on a mis les deux pieds dedans ! répondit-il à River avec un grand sourire calculateur tandis qu'il s'installait au volant, mettait le contact et commençait à consulter le GPS.

— ça, ça me plait ! s'exclama River avec un sourire de gosse, en s'empressant d'aller s'installer sur la place passager.

Pendant une seconde je faillis dire quelque chose...puis devant le puéril de la situation, je m'abstins et me dirigeai vers l'arrière du véhicule.

« Hors de question que je remonte dans une de ces boites qui roule ! »

L'indignation apeurée de Féline me fit presque sourire, avant que je ne n'essaie de la raisonner. Il était hors de question que nous la laissions ici.

« Elle pourra nous suivre à l'extérieur, la route n'est pas très longue et toujours bordée de forêt. »

« ça te convient la noiraude ? » ajouta Jude d'une pensée caustique, après que Féline eut feuler à l'entente de ses paroles dans nos têtes.

Je poussai un long et sonore soupir de lassitude, aussi bien physique que mental, pour leur faire clairement comprendre à tous les deux que leur comportement de gamins de dix ans, commençait sérieusement à me peser. Puis sans un mot de plus, je m'installai sur le siège en cuir noir de la banquette arrière. Décidément, les métamorphes avaient des goûts de luxe en matière de voiture !

— C'est surtout que le cuir, c'est plus facile à nettoyer que le tissu ! me dit Jude avec un petit rire en me lançant un bref regard complice, avant de reporter son attention sur l'écran de l'ordinateur de bord.

Comme je ne voulais pas réellement connaitre toutes les implications de sa réponse, je ne répondis pas et me contentai de savourer le plaisir d'être enfin assise et à l'abris du vent glacial. C'est évidemment pile ce moment que choisit Hannah pour ouvrir le coffre, me renvoyant un courant d'être réfrigérant directement dans le cou ! Je m'apprêtais à lui dire ma façon de penser quand elle referma brutalement le hayon avant d'ouvrir la portière.

— Tiens ! me dit-elle en me lançant un sweat noir molletonné à la figure. C'est une voiture de métamorphe...il y a toujours des vêtements de secours dans le coffre !

Cette petite explication était bien sûr à mon intention, pour souligner que j'aurais dû y penser toute seule. Ah...le partage de personnalités était à l'évidence en train de s'estomper si elle recommençait à m'asticoter à la moindre occasion. J'étais sur le point de la remercier tout de même alors que j'enfilais le vêtement avec bonheur, quand je la vis tendre un autre pull à Jude par-dessus-le dossier du siège d'un geste amical et mesuré.  Le remerciement resta donc là où il était...c'est-à-dire derrière mes lèvres !

J'entendis Jude rire brièvement dans ma tête tandis qu'Hannah se glissait à côté de moi sur le siège, bientôt rejoint par Worth qui avait enfin terminé sa conversation téléphonique. Signe qu'il commençait à s'habituer à notre compagnie, il ne dit rien, sachant pertinemment que nous avions tous entendu sa conversation dans les moindres détails et savions que son collègue lui avait demandé d'être sur place lorsqu'ils arriveraient sur le site, dans trois heures environs.

— C'est jouable ? demanda-t-il quand-même à Jude, en jetant un coup d'œil au plan succinct affiché sur l'écran central.

— Cela dépendra de comment cela se passera sur place...mais ça devrait être faisable ! lui dit-il alors qu'il s'engageait enfin sur la route.

— C'est loin ? demandai-je, ayant la flemme de regarder par moi-même. J'étais si bien, enfin au chaud et en relative sécurité que je n'avais plus envie de bouger un muscle.

« Squiiit...frimousse-moi bien au chaud avec gentille longue jambe. Frimousse-moi fatiguée...squiiit ! ».

La pensée endormie de la petite souris me parvint, me rappelant soudain, qu'elle était toujours pelotonnée dans le creux de mon cou, bien accrochée au col de mon pull. Elle s'était fait tellement discrète et j'étais à présent tellement habituée à sa présence, que je l'avais presque oublié.

— Non, une cinquantaine de kilomètres. Mais nous allons faire un petit détour.

— Tu crois vraiment que l'on a le temps pour ça ? lui demanda Worth d'une voix sceptique et surprise.

— Si vous ne voulez pas tomber dans un piège grossier...il vaut mieux le prendre ! ajouta-t-il d'un ton réfrigérant alors qu'il appuyait soudain sur l'accélérateur.

Je ne cherchais pas à en savoir plus pour le moment et profitai de cet instant de répit pour me reposer et me réchauffer. Le paysage qui défilait derrière la vitre et se parait des couleurs magnifiques et mélancolique du crépuscule, me paraissait tellement...normal que cela en était presque surréaliste. Je sentais Féline nous suivre, exaltée par sa course en forêt non ralentit par des bipèdes lents et bruyants !

Je ne sais combien de temps s'était écoulé lorsque quelqu'un me secoua, me sortant de ma torpeur récupératrice.

— Hé la belle au bois dormant, on change de voiture ! me dit gentiment River tandis que j'ouvrais les yeux en baillant.

Je m'extirpai de ma place chaude et confortable sans poser de question. Nous nous trouvions devant une ferme isolée bordé d'un grand lac et entouré de barrières, devant lesquelles était garé un vieux Pick-up poussiéreux. Quand je le vis, je gémis intérieurement, finit le confort et la chaleur. Heureusement la galanterie n'était pas tout à fait morte et River et Worth nous laissèrent les deux places à l'avant, à côté du conducteur, tandis qu'ils grimpaient sur le plateau, après avoir poussé notre ancien véhicule dans l'eau.

— Nous y serons dans une trentaine de minutes. Comme je n'ai aucune idée de ce qui peut nous attendre là-bas, profitez-en pour vous reposer, nous dit Jude alors que nous regagnions la route dans notre nouveau véhicule poussif et bringuebalant.

— J'espère juste que ce ne sera pas une course-poursuite, parce que là...on est mal !

La voix de Worth réussit à nous parvenir malgré le niveau sonore assourdissant qui résonnait dans l'habitacle. Et après une petite seconde de flottement, nous éclatâmes tous de rire, profitant de ce commentaire idiot pour relâcher la pression et durant quelques secondes ne plus penser à la mission dangereuse et décisive qui nous attendait.

Symbiose . Féline-Tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant