Symbiose . Féline-Tome 3

Chapitre 36-1

           

Je sentis une grande lassitude m'envahir, en même temps qu'une colère bouillonnante et instinctive montait en moi. Ce type allait décidemment nous emmerder jusqu'au bout ! On ne pouvait pas en terminer une bonne fois pour toute ! C'est remontée à bloc par la rage et ma haine de Charles que je m'apprêtai à lui dire ses quatre vérités, quand Hannah me devança.

— Depuis quand ma sécurité t'intéresse-t-elle ? Tu t'es découvert un côté paternel depuis que tu as retrouvé ta cher et tendre Célia ?! Joue les papa poule tant que tu veux avec elle mais avec moi...ça ne marchera pas ! Tu n'as plus voix au chapitre alors...la discussion est close.

— Très bien ! Mais ne comptez pas sur nous pour couvrir vos arrières, gronda Charles.

Puis il se saisit de la main de Célia, visiblement peinée de la tournure que prenait la situation et l'entraîna derrière lui, la forçant à suivre ses grandes enjambées.

« Fais-donc ça » entendis-je Hannah murmurer tout bas, tandis qu'elle jetait un dernier regard haineux voilé de regrets à son père, qui quittait la salle sans un regard en arrière.

— Voilà c'est réglé dit-elle à Khyn. Où est-ce et combien de temps va-t-il nous falloir pour y aller ?

— Il y en a pour deux bonnes heures de voiture et environ une heure de marche dans les bois, si nous voulons arriver sans nous faire trop repérer, lui répondit Julia qui paraissait être une spécialiste du coin.

— Vous partirez au crépuscule, annonça Khyn d'un ton sans appel. Julia vous servira de guide et vous aurez besoin de Dean, il s'y connait en informatique.

Tout en parlant, il avait désigné un jeune homme asiatique assis sur l'une des chaises d'un signe de tête, sans même lui demander s'il était d'accord. Apparemment dans la communauté de Khyn, les sous-fifres n'avaient pas voix au chapitre ! Le fameux Dean, n'eut pas l'air de s'en formaliser et se contenta de se lever lentement de son siège avant d'aller rejoindre Julia d'un pas tranquille.

— Puisqu'apparemment mes hommes ne sont pas assez bien pour vous, je vous laisse vous débrouiller entre vous.

Puis sur cette pique, tout sauf amical, il quitta pour de bon la pièce les siens sur ses talons, nous laissant seuls avec Julia et Dean dans l'immense réfectoire déserté.

— Vous êtes vraiment sûr de vous ?

Cette question claire et incisive venait de Worth, qui lorgnait Iphigénia d'un regard à la fois méfiant et interrogateur.

— Oui, lui répondit-elle simplement...ça va marcher.

Puis, d'une démarche un peu moins assurée que d'ordinaire elle s'approcha de la table et se servit une tasse de café avant d'aller s'assoir, visiblement épuisée.

— Jude ?

La voix d'Hannah était hésitante, presque autant que son mouvement quand elle se retourna vers nous et je sus ce qu'elle allait lui demander avant même qu'elle n'ouvre la bouche.

— Bien sûr que je vais t'accompagner, lui répondit-il avec un petit sourire las, anticipant lui aussi sa demande.

— J'en serais ravie bien sûr, lui répondit-elle cherchant visiblement ses mots. Mais...c'est surtout de Christina dont je vais avoir besoin.

L'aura de colère qui envahit la salle, nous fit tous suffoquer l'espace de quelques secondes, me faisant presque oublier ma stupeur. Bon ben au final, j'avais tout faux ! Mon instinct n'était vraiment plus ce qu'il était !

— Elle est...c'est hors de question ! Christina restera ici, à l'abri.

Sa voix était un grondement rauque à peine maîtrisé et je sentais une puissance sauvage et brute, d'une puissance inouïe s'accumuler en lui, tandis que son instinct protecteur prenait le dessus sur sa raison. Il était effrayant ! Mais surtout il ne maîtrisait rien. La symbiose l'avait rendu surpuissant et ce n'était vraiment pas le moment qu'il perde le contrôle.

— Jude, lui dis-je d'une voix calme en posant ma main sur son bras.

Il tourna la tête vers moi et quand ses yeux rencontrèrent les miens, je le vis faire un gros effort sur lui-même pour se calmer.

— C'est trop risqué, me dit-il en me caressant doucement la joue du revers de la main.

J'accompagnais sa caresse, me délectant momentanément de la sensation de sa chaleur sur ma peau. Je l'aimais, c'était une évidence mais pas une raison pour que ses instincts d'hommes des cavernes me dictent ma conduite. J'étais enceinte certes, mais je n'étais pas impotente et il était absolument exclu qu'il y aille sans moi, surtout dans son état. C'était une bombe à retardement que j'étais la seule à pouvoir désamorcer, je le sentais au fond de moi. Et à contempler son regard implorant et résigné à la fois plongé dans le mien, je sus que lui aussi le savais parfaitement.

— On va avoir besoin de Féline, elle sera un atout précieux et seule Christina peut faire le lien entre nous, ajouta Hannah d'une voix prudente.

— Non...moi aussi je peux faire le lien à présent, lui répondit Jude sans la regarder. Mais je viens de prendre conscience que dans mon état actuel...je serais trop instable pour le maîtriser, ajouta-t-il en fermant les yeux, les points crispés.

— Tant que tu ne te seras pas transformer en panthère et que tu n'auras pas encré le lien avec ton nouveau totem...tu seras dangereux pour toi et pour les autres, lui dit Iphigénia en se levant.

— Je le sais bien ! lui répondit-il d'une voix coléreuse en foudroyant sa mère d'un regard noir rempli de rancune.

— Je serais prudente et tu seras avec moi, dis-je pour le calmer et le rassurer, ça va aller.

Julia et Dean, qui avaient assister à toute la scène sans émettre le moindre son, s'approchèrent de nous prudemment.

— C'est une station isolée et ils ne s'attendent pas du tout à notre visite. Cette mission ne devrait pas comporter beaucoup de danger.

La voix de Dean était clair et son timbre calme sembla instantanément apaiser la tension encore présente dans la pièce. Il allait de nouveau ouvrir la bouche lorsque la porte du fond de la pièce s'ouvrit soudain avec fracas, ses battants allant cogner durement contre les murs. Nous nous retournâmes tous en une fraction de seconde, Worth et Hannah déjà leurs armes en mains et prêts au combat.

Mais à notre grande surprise, c'est Cassie qui entra en titubant. Ses yeux devenus étranges semblaient nous chercher sans nous voir tandis qu'elle louvoyait maladroitement entre les tables, ses deux mains crispées sur sa gorge. Je me précipitai vers elle et alors que j'allais l'atteindre, un râle caverneux et sinistre sortit de sa bouche alors qu'elle s'écroulait en travers d'une des chaises dans un fracas métallique. Alors que nous nous précipitions tous vers elle dans un bel ensemble, son corps commença à se convulser et à se tordre.

— Aid...aidez-moi ! parvint-elle à nous dire dans un chuintement suraigu, avant que sa tête ne parte en arrière, heurtant le sol de pierre dans un bruit sourd.