Chapitre 8 : Jackson Brock

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Le cours prend une tournure plutôt intéressante. 

Je porte une grande attention à tout ce qui est du domaine du fonctionnement de notre corps, et lorsqu'on m'apprend comment une cellule s'alimente, je suis en plein rêve.

Mon enthousiaste ne semble pas être partagé par tout le monde. Même Greg somnole... A croire que c'est lui qui n'a pas réussi à dormir la nuit dernière ! J'ai beau le secouer, il se contente de grommeler des phrases incompréhensibles puis retourne dans ses rêves.

Je suppose que les autres font comme lui, et ne se manifestent que lorsqu'ils s'en sentent obligés. Pour ma part, je reste silencieux, écoutant Paluche avec attention, et n'interviens que quand il nous donne la parole.

C'est vrai que je ne l'apprécie pas vraiment, et pour tout dire je le déteste. Sa manière de nous sourire, de nous prendre pour des êtres inférieurs qui ne pensent qu'à s'amuser – même si c'est le cas pour certains- me rend fou. Oui, je le hais, mais il faut bien que je le supporte, sans quoi, ma moyenne en prendra un coup.

Parfois, l'espace d'un instant, tout s'arrête, comme stoppé par une force invisible. J'ai immédiatement froid c'est moment là, mais tout se passe extrêmement vite, et au bout du compte, c'est comme si cela ne s'était jamais produit.

Il me faut quelques minutes pour que je comprenne que quelqu'un m'appelle. J'entends cette voix prononcée mon nom. Jack. Jack.

Comme d'habitude, je croie que je suis en plein rêve, mais entendant que la personne ne s'arrête pas, je me retourne vers mon voisin de derrière. C'est Mickaël. Je ne lui parle pas spécialement, mais j'ai beaucoup entendu parler de ce garçon. Un vrai démon pour certain, un ange pour d'autres.

Sa peau très pâle contraste avec ses cheveux d'un noir absolu et, ne m'aident pas vraiment à me faire une idée de son caractère. J'ai préféré l'éviter. De toute manière, je ne pense pas que nous ferions de bon ami.

– Enfin, rétorque-t-il. Tiens, c'est pour toi.

Il me tend un bout de papier plier en deux que j'hésite à prendre

- Allez, dépêche-toi avant que le prof nous voit !

Finalement, je lui obéis et lui arrache le papier de ses mains. Au même moment, toujours dans son monologue, Paluche se retourne de son tableau, et nous fixe d'un œil morose comme toujours.

Par chance, il n'a rien remarqué, mais il n'empêche que je n'ose pas ouvrir le papier. Je suppose qu'il s'agit d'un message et que, si le prof me surprend, non seulement je passerai un mauvais quart d'heure mais il le lira à haut voix sans se gêner.

Ce problème commence à m'énerver et, ne sachant pas quoi faire, je décide de le mettre dans ma trousse. Ni vu, ni connu. De toute manière, si c'est important, son expéditeur viendra me parler personnellement après le cours.

Un problème de réglé.

Je reprends donc mon air sérieux comme si ne rien n'était. Paluche tient dans ses mains un paquet de feuilles griffonnées de notes. Son cours, j'imagine, bien qu'il ne le regarde jamais. Ses yeux sont continuellement tournés vers un élève, pas plus d'une minute cependant, comme s'il nous étudiait et essayait de comprendre ce que nous pensons dans notre tête.

Quand vient mon tour de passer à cette épreuve, j'éprouve de la culpabilité et une de crainte. Un seul regard de travers, une seule petite erreur dans ma manière de me comporter, et il verra tout.

J'acquiesce à chacune de ses phrases, essayant de paraître le plus naturel possible. C'est drôle comme la tournure prend un air comique. Je suis obligé de faire un véritable cinéma pour ne pas être impliqué dans ce qu'il appelle « un complot prémédité pour ruiner l'ambiance générale du cours »

Oui, c'est Monsieur Parano.

Je risque de craquer à tout moment, même s'il ne s'agit que d'une goutte de sueur qui coule le long de mon front. Heureusement pour moi, il décide de passer son dévolu sur quelqu'un d'autre.

Le moment le plus dur de la journée est enfin passé, et une vague de soulagement m'envahit. Ma respiration et mon battement de cœur finissent par se calmer, tandis que mes pensées ne sont désormais plus tourmentées.

En ce qui concerne Greg, par contre, il n'a rien remarquer. Paluche a fait comme s'il n'existait pas, et même si sa tête est posée dans le creux de ses bras, Greg est pour lui invisible. Je pense qu'il a fini par comprendre que cela ne servait à rien de s'acharner sur lui, et que la SVT n'était sans doute pas sa matière préférée.

Il se réveille lorsque Paluche pose avec force son paquet de feuilles sur son bureau. La tête encore dans le brouillard de la fatigue, il laisse s'échapper un bâillement et essaie tant bien que mal de reprendre ses esprits.

Du coin de l'œil, je le vois retourner les pages de son cahier. Il semble perdu, et sans demander mon autorisation, il vole mon classeur et commence à recopier ce que j'ai noté. Cette attitude m'énerve. Mais je lui dois bien ça. Du mieux que je peux, je le mets à couvert, le prévient quand Paluche s'approche un peu trop près. En quelques minutes, il a terminé. Son sourire me suffit comme remerciement. Jamais je ne pourrais lui redonner ce qu'il m'a donné : son amitié.

–Dis, me souffle soudain Greg, c'est quoi ce que tu as dans ta trousse ?

Je l'avais presque oublié. Je m'efforce de glisser le bout de papier au fond de ma trousse, derrière mon tube de colle.

–Rien rien, répond-je en fermant le zip d'un bon coup. C'est quelque chose, c'est tout.

–Vraiment ? Si ce n'est rien, fait moi donc voir alors.

Greg ne lâchera jamais l'affaire. Maintenant qu'il l'a vu, rien ne pourra lui faire changer d'avis. Il veut savoir, et il le saura quoi qu'il advienne.

Je soupire, espérant que ce n'est pas très important, et je le laisse chercher le fameux message. Il ne prive pas entre temps de me faire quelques grimaces, tandis que son petit sourire de victoire me met en colère. Je me garde bien de l'afficher, mais j'aimerais tant qu'il se mêle de ce qui lui regarde.

Doucement, tout en humectant ses lèvres comme s'il s'apprêtait à savourer son plat préféré, Greg déplie alors le papier en pivotant légèrement la tête.

Puis vient la révélation.

Une seconde de lecture, une seconde de compréhension, et une grande déception se lit sur son visage.

Désormais, il ne sourit même plus, ses yeux sont tombés : plus rien ne laisse penser qu'il y a encore quelques instants, une joie immense bouillonnait en lui, et menacé de brûlait qui conque se mettait au travers de son chemin.

De mon côté, une pression énorme s'abat sur mes épaules. Son expression ne présage rien de bon. D'un revers de main, je lui arrache le message. Une écriture soignée au premier abord, sans rature. Une seule phrase seulement, mais assez dérangeante pour moi : 

« Tu as encore fait un cauchemar ? E.C»

Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant