L'Histoire.
Une matière que j'affectionne particulièrement et qui, pourtant, aujourd'hui, me semble fade et de mauvais goût. Stylo à la main, je cogne frénétiquement la mine sur la table, le regard perdu dans mon activité. Le cliquetis incessant que produit l'impact dans mes oreilles m'apaise quelque peu, et permet à mon esprit de s'éloigner de la réalité.
Autour de moi, les ténèbres ont pris place. Il n'y a rien. Le vide. Le silence. L'absence de vie. Mon cahier rouge grand ouvert, sur des feuilles vierges de tout mot, seul mon esprit divague dans cette noirceur, et me pousse à penser en des jours meilleurs.
Je ne saurais dire combien de temps suis-je resté ainsi. Un quart d'heure ? Une demi-heure ? La notion du temps m'est désormais des plus abstraites, sans oublier le temps grisâtre que laisse paraître le ciel monotone. Il ne pleut pas, mais néanmoins, j'arrive à ressentir la tristesse que laissent glisser les nuages dans les airs, tournant et volant pour atteindre la Terre.
Jamais je n'ai ressenti une telle indifférence au monde. Mes émotions ont comme disparu, mon corps se transformant en une coquille vide. La haine m'a d'ores et déjà quitté, même ma force semble diminuée au fil des minutes qui passent.
Comme si le temps me noyait sur place.
- Bien sûr, les premières colonies espagnoles en Amérique ont connu quelques escarmouches avec la population aborigène.
La voix aigue du professeur me ramène parfois à la réalité, comme une bouée de sauvetage dans cet océan lugubre.
- De même que la violence des Européens exercées sur les populations locales se sont fait des plus violentes, notamment lors de l'encomienda.
Ses phrases sont pour moi de simple fait. L'horreur du passé ne m'affecte plus. Mon coeur a vidé ses dernières larmes depuis bien longtemps, que j'ai peur quand ce moment même rien ne pourrait stopper ma peine. Quand, soudain, le professeur prit une grande inspiration, comme tourmenté par un songe intérieur.
- Notez-le, conclu t-il.
Bien sûr, il redit la même chose l'heure durant, mais aucune de mes deux mains ne prend la peine d'obéir à ses ordres. Pour l'instant, seule leur occupation avec le stylo semble les intéresser, et comme si je n'avais rien à dire, je les laisse faire.
À quoi bon s'embêter ?
Je reste ainsi encore quelques minutes. L'esprit ailleurs, le corps encré sur une chaise inconfortable, qui me rentre dans la colonne vertébrale. A vrai dire, le simple fait de dire que je suis en cours me donne la nausée. Je ne dirais pas que je suis en phase de rébellion, mais presque, tandis que la voix du professeur résonne dans ma tête, racontant encore et encore la vie des premiers colons sur le continent des nouveaux espoirs.
Encore ce maudit espoir.
À croire qu'il ne me quittera jamais. Et encore, ce serait déjà un luxe qu'il me laisse en paix.
- Bon, ça suffit.
Un râle puissant se répercute dans mon être, tandis que la lumière se fait sur mon entourage. Petit à petit, les nuances de couleurs reviennent autour de moi, révélant une salle de classe de tout ce qu'il y a de plus normal. Des élèves, pour certains endormis à moitié. Parfois, un garçon ou une fille qui mâche un chew-gum en toute discrétion, ou encore ces regards intrigués tous tournés dans ma direction.
Vers moi.
Immédiatement, je parcours la salle de mon regard fatigué, avant de tomber sur la silhouette élancée de notre aimable professeur. La quarantaine, cheveux bruns. Quelques rides profondes sur le front, les joues débutant leurs longues décentes aux enfers. Mais toujours cette même lueur de vie dans les yeux, accompagnée d'un air déterminé, presque accusateur.
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Entre Deux Mondes
FantascienzaJackson vit dans un internat reculé et lugubre, où les maîtres mots sont respect et travail. Bon élève et entouré d'amis, sa vie est des plus agréables, si l'on oublie ses cauchemars et visions tout aussi étranges que surprenants. De son coté, Lis...