Chapitre 39 : Jackson Brock

242 25 89
                                    

La première rencontre est toujours la meilleure.

Emmy ne s'était pas montrée des plus conciliantes, et m'avait entrainé par le bras durant tout le trajet.  Je ne  connaissais cette fille que depuis quelques secondes, et pourtant je sentais déjà un lien fort se lier entre nous. De là à parler d'une liane, je ne pense pas, mais il n'empêche qu'il semblait qu'Emmy voulait une relation bien plus complice que la moyenne. Dans un certain sens, je me sentais flatté. Dans un autre, une peur inconnue me tiraillait l'estomac. Un mal de ventre me prit donc par surprise, tandis que les articulations qui relient mon épaule à mon bras droit criaient d'agonie pour que le massacre se termine.

La cour me parut bien plus grande durant ce moment de souffrance. Emmy devant moi, je contemplais d'un œil discret sa longue chevelure blonde qui, au gré du vent, voltigeait dans le vide comme si l'air s'était transformé en de l'eau. Bien sur, je ne serrais pas plus ma main contre la sienne, mais cela serait menti de dire que l'envie ne m'était pas passé par la tête.

Enfin, sous l'ombre rassurant des arbres et le chant des oiseaux de la forêt proche, nous arrivâmes à destination comme si ne rien n'était. Après avoir repris mon souffle, je remarquai intrigué que cette partie de la cour restait bien calme.

Bien trop calme

Personne, pas le moindre lycéen. À croire qu'il s'agissait d'un secteur interdit de l'internat.

- Normalement il ne devrait pas tarder à venir, intervenu Emmy.

Sa voix douce m'avait enivré, comme l'odeur des roses. Et comme si la coïncidence m'avait entendu, je remarquai les buissons de roses étalaient contre les murs, ainsi que la pelouse finement entretenue par les jardiniers. Un petit coin de paradis à l'écart du monde moderne. Ainsi, attiré par l'aspect magnifique de ces fleurs adorées, je m'approchai à petits pas vers la rose la plus proche, et la pris par la collerette. Sans que je ne puisse l'expliquer, j'avais toujours été subjugué par la beauté de leur pétale. De leur aspect divin, comme si elles descendaient tout droit du ciel. Cependant, je n'approchai pas mon nez pour sentir l'odeur sucrée, de peur de me faire surprendre par de vilaines épines.

- Toi aussi tu les aimes ?

En l'entendant, je me retourne et lui sourit.

- Oui, répondais-je.

- Notre premier point commun alors, répliqua ainsi Emmy souriante, c'est super !

Puis elle se rapprocha de moi et me vola la rose des mains. Elle l'arracha ensuite sans aucune forme de regret et se l'accrocha avec volupté dans ses cheveux. Son acte m'avait quelque peu refroidi, et tandis qu'elle affichait son sourire désormais envahissant, la jeune fille contourna son regard par-delà mon dos, et s'écria :

.- Enfin le voilà !

Elle me bouscula ensuite sans faire attention et continua :

- Greg, on est là !

Greg...

Deux fois que j'entends ce nom, et je me disais que l'on avait omis de me partager un secret. Mais ce moment partagé avec Emmy m'avait semblé bien trop bref, comme si le temps lui-même ne voulait pas d'une relation. Mes joues devinrent ainsi rouges de colère, tandis que je me retournai en direction du nouveau venu.

Son apparence simple m'avait immédiatement touché. Je ne sais pourquoi, mais son air paysans dégagé un sentiment de pitié à son égard. Et pourtant, bien qu'il portais le même uniforme réglementaire de l'internat, il était dès lors évident qu'il ne l'aimait pas. Cette impression se confirmait dans son regard sévère, à croire qu'il restait le premier dérangé d'être ici. Ses cheveux brun, presque noir, se regroupaient en pagaille sur son front, alors que le vent les agitait comme de simples brins de paille. Et tandis qu'il se rapprochait, Emmy  courant vers sa direction, un instinct profond me dit de me méfier de lui. Bien entendu, je me suis agité la tête après de telles pensées : l'on m'avait appris à respecter les autres, et à ne pas les juger à leur apparence.

Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant