Entre Deux Mondes

Chapitre 45 : Lisa Richmond

Nous y revoilà.

À peine sommes-nous arrivés dans la chambre, que la tension dans mes épaules devient insupportable. Je sens encore mes muscles sous ma peau se tordre de douleur, au point de craquer en un millier de particules.

Dans les couloirs, j'étais restée innocente, totalement silencieuse. Pas sous le choc, mais presque. Mon corps déambulait sans raison valable, marchant tel un fantôme dans le vide lumineux de l'Institut. Aucun mot ne sortait de ma bouche, pas plus chez Tom qui semblait quant à lui mort sur place.

Oui, nous étions bien fous.

Mais dans cette chambre, notre cocon en ce monde, nous laissons place à nos sentiments comme nulle part ailleurs. Un cri de rage s'échappe de ma gorge, alimenté par mon élan. Mes mains rejoignent mes cheveux, avant de les malaxer nerveusement. Dans celle de droite, le médaillon. L'objet de tous mes maux, celui même qui alimente le désespoir.

– Lisa...

La voix de Tom résonne dans la pièce, m'implorant timidement. En vain.

– Toi, la ferme !

Je le menace en le pointant du doigt, le regard noir.

– Lisa, calme toi.

Bien entendu, il se moque de moi, comme toujours.

– Me calmer ? hurlai-je. Bien sur que je vais me calmer, mais avant ça....

Je souligne mon propos en tendant mon bras, puis en envoyant le médaillon se fracasser contre le mur. Comme je m'y attendais, seul le tintement métallique répond à ma violence, tandis que le pin's rebondit au sol dans toute sa grâce.

Mon corps raide s'aligne dans la pièce de long en large, mes bras reposant contre mon buste. Je ressers ma poigne sur mon tee shirt blanc, afin d'évacuer la colère qui me submerge. J'évite en même temps de croiser le regard de Tom. Ce visage enjoliveur, si doux et si manipulateur, est le cadet de mes soucis et, pourtant, je sens que si je le vois encore une seule fois, je risque d'envoyer mon poing droit sur sa magnifique mâchoire.

Autant dire que, pour le moment, j'aimerais être seule. Pouvoir évacuer ma haine sans être épiée, ainsi que soulager ma peur en pleurant à chaudes larmes. Car oui, j'ai peur. Cette sensation étrange semble avoir pris le contrôle de mon âme, sans vouloir abdiquer de sitôt.

Tant de ruptures avec moi-même, tant de deuil avec ma vie passé. Je commence à croire que toute notre histoire n'est qu'en réalité une succession de malheur. Certes, j'imagine que d'innombrables gens connaissent bien pire, néanmoins j'ose à espérer que je fasse partie des premiers dans la liste.

Un système pervers que voilà, tandis que Tom laisse enfin le silence envahir la pièce. Lui aussi, je veux bien croire qu'il m'aime encore. Après toutes mes crises, en partant de mes jalousies avec les autres filles ou encore de nos disputes sur tout et rien.

Ces derniers temps, j'ai traversé l'enfer enfin, je veux dire, nous avons traversé l'enfer ensemble. J'en viens même à l'oublier dans cette aventure, autant dire que mon cas est plus grave que je ne le pensais.

Sans attendre plus longtemps, je m'assois sur le lit, seule et promise à un avenir plus qu'incertain. Tom reste toujours devant l'entrée, comme s'il attendait mon autorisation pour s'approcher. Bien sur, je ne lui dis rien. C'est à peine si je lui accorde ne serait-ce qu'un regard. Pour le moment, mon attention est concentrée sur une question beaucoup plus importante : que va-t-il se passer, ensuite ?

Et j'ai beau rester là, à me morfondre dans ma coquille vide qu'est mon âme, je n'obtiendrais jamais la réponse. Du moins, pas avant que j'accepte le présent. Le plus important de tous les temps, m'a-t-on dit, celui qui joint les deux bouts de notre réalité. Car sans présent, il n'a pas de passé qui tienne, ni même de futur cohérent.