Chapitre 54 : Jackson Brock

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Je ne sais pas ce qui est le plus dur à supporter.

La nourriture répugnante qu'on nous sert dans le réfectoire, ou bien les regards tournés vers moi. Aussi étrange qu'il puisse paraître, je ne m'en étais jamais vraiment préoccupé. J'ignorais même que l'on s'intéressait à moi, si ce  n'est que pour mes cauchemars.

Il n'est pourtant pas si difficile de remarquer les yeux perfides qui m'observent. Certains ne restent que quelques instants, mais d'autres se font plus affirmés. Ces gens se donnent beaucoup de mal pour essayer de me comprendre. 

A mesure que le temps passe, j'ai beau faire comme si ne rien n'était, cette concentration de regard suffit à me rendre malade. Bien sûr, je tâche de cacher mon malaise sous une moue fatigué, et plisse des yeux pour limiter ma vision sur ces être malhonnêtes.

Manger seul est pour moi un grand réconfort. Pas de discussions inutiles, pas de ragots incessants. Ni même ces tête désintéressées, qui m'obligent à compatir à leur fausse pitié, le souvenir aux lèvres. J'en viens à me demander comme ai-je pu supporter une telle vie.

D'une certaine manière, je suppose que le Jack d'autrefois avait plus peur de se retrouver seul que de se faire trahir derrière son dos. J'imagine que tout le monde est ainsi. Seulement, le Jack d'aujourd'hui, sous ce nouveau jour, constate maintenant que toute sa vie ne reposait que sur du mensonge.

Une tonne de mensonge.

L'internat en est remplis, à croire que les maîtres en ces lieux ne sont ni les surveillants ni même Doréal, mais les menteurs qui exploitent la moindre de nos faiblesses. 

Des gens comme Greg.

Je m'efforce de rester calme. Bien entendu, une par de moi aimerais le rejoindre, afin d'en découdre comme je l'ai fais avec Alex. Malheureusement, je ne l'ai pas croisé durant la dernière heure. Greg doit être sans doute occupé à bégueter avec Emmy, dans un coin sombre et à l'égard de tous.

Quelle amour.

Rien que d'imaginer leur corps s'enlacer me prodigue une pulsion de dégoût, à un tel point que j'en lâche ma fourchette dans mon plat. D'un trait, je bois le contenu de mon verre d'eau, dans l'espoir d'éliminer cette sensation d'étouffement dans ma gorge. En vain.

– Salut, Jack.

A peine ai-je entendu cette voix familière, que ma tête se redresse, afin de faire face à l'heureux venu.

– Corentin..., lançai-je à son attention.

Mes yeux s'écarquillent en le voyant là, souriant d'un air compatissant. Comme d'habitude, le simple fait d'apercevoir ses taches de rousseur calme mes ardeurs, à croire que j'y trouve une quelconque preuve dans l'honnêteté de Corentin.

– Tu n'es pas avec Lucas ? demandé-je ensuite, en posant mon verre sur la table.

Corentin hausse des épaules, le visage frustré.

– A vrai dire je ne sais pas où il est. Il m'a fais faux bon avant d'arriver ici.

Corentin tourne ensuite sa tête de droite à gauche, balayant du regard l'immense réfectoire, avant de grimacer et de revenir à moi.

– Et toi, ça va depuis ce matin ?

Des images de moi en colère s'insinue dans mon esprit. Mon corps trempé de sueur, la rage qui me brûlait de l'intérieur. Sans oublier les crises d'une Lili-Rose folle, insinuant les pires des scénario. Moi, acteur... J'y ris encore rien qu'en y repensant.

– Qu'est ce qui te fait sourire ? s'enquiert soudain Corentin.

Sans m'en être aperçu, un sourire béant s'était fixé sur mes lèvres, tandis que j'éclairais mon ami de ma présence. Bien entendu, jamais je ne lui dirais la vérité, ni même ne serait-ce qu'une minuscule partie de ces dernières heures.

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