Il est derrière moi.
Mais il ne pourra pas me rattraper dans la nuit. Mes pas résonnent sur la surface dorée, plongeant le couloir dans un désordre monstrueux. Mon souffle saccadé se matérialise devant moi, et les nuages de vapeur se mélangent dans l'air sous la pâle lumière des signaux d'urgence.
Chacun de mes muscles souffre, mes jambes retombant à chaque mètre parcouru sur le sol. Je cours à m'en arracher les poumons, l'oxygène me manquant. L'air semble se raréfier, et tandis que l'allée se plonge de plus en plus dans le noir, une seule pensée me sort de ce cauchemar.
Il ne faut pas qu'il me rattrape.
Je redouble alors d'effort, arrachant des halètements à chaque virage. Je suis seule, entièrement à sa merci. Le silence disparaît lorsque je me rapproche, et reprend ses droits avant de se retrouver maître des lieux.
Je glisse, dérape parfois, mais me relève toujours, l'esprit obscurci par l'adrénaline. Je sais qu'il est à ma poursuite, son ombre me suit depuis d'ores et déjà quelques minutes. Il est là, quelques mètres plus loin, et reste bien à la même distance.
- Je vais te rattraper ! Hurle-t-il.
Son avertissement alarme mon instinct. Les poumons en feu, la gorge sèche et la bouche ouverte pour prendre une plus grande bouffée d'air, j'accélère. Mais il sait aussi bien que moi que je ne tiendrais pas longtemps. Heureusement, les couloirs sont infinis, et la faible lumière sera peut-être ma chance.
Ou mon malheur.
Notre course s'éternise, s'assourdissant dans la pénombre en cette douce nuit d'été. Le soleil s'est couché depuis déjà une heure. Une simple heure où la température des lieux a bien changé. Désormais, le froid me tiraille la nuque, mes mains et mes cuisses à découvert. Sans parler de mon visage, ensevelie par mes cheveux en pagaille et à la merci du vent.
Je n'ose porter aucun regard dernier moi, continuant à fixer inlassablement le vide qui me précède. L'espace d'un instant, tout devient flou, et mes yeux manquent à l'appel. Des frissons m'oppressent, avant de prendre le total contrôle de mon corps. Ce dernier se plie parfois, se tord et reprend en vitalité. J'accélère, ralenti, puis repars à vive allure.
La souffrance de mes muscles meurtris et épuisés finit par se manifester. Mes mollets brûlent. Littéralement. Plus aucun souffle ne m'apaise, plus rien ne m'aide à récupérer. Doucement, presque sans le savoir, ma vitesse décroît. La nuit engloutit mes pas, les éternise pour les rendre encore plus moues, et moins performants.
Mon corps finit par m'abandonner totalement. Je n'éprouve aucun remords, aucun scrupule. Juste la haine. Une colère profonde, qui s'attaque à moi-même.
J'ai failli à ma tâche.
De tout mon poids, je relâche la pression et m'écroule contre le mur. Mes mains se rattrapent contre la surface, et mon bassin plonge vers l'arrière, le dos en rond et la tête retombant vers le sol. Ma respiration saccadée se moût à l'infini, et jamais ne semble se calmer.
- Je te l'avais bien dit.
Sa voix se rapproche, et mon regard se porte en sa direction. Une simple silhouette dans le lointain, entourée par un halo de lumière opaque. Je ne vois pas son visage, son corps ne se constituant que d'une seule ombre abstraite, presque irréelle. Néanmoins, il se rapproche, réduisant petit à petit l'espace qui nous sépare.
Son souffle reste calme, comme s'il n'avait jamais couru. Et il me faut peu de temps pour, qu'enfin, ma vision puisse apercevoir son visage.
Il est magnifique, mon Dieu.
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Entre Deux Mondes
Science FictionJackson vit dans un internat reculé et lugubre, où les maîtres mots sont respect et travail. Bon élève et entouré d'amis, sa vie est des plus agréables, si l'on oublie ses cauchemars et visions tout aussi étranges que surprenants. De son coté, Lis...