Chapitre 27 : Phase de Transmission

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Deux hommes, ni un de plus ni un de moins.

Deux hommes s'assirent face à face, chacun de son côté de bureau, l'un regardant ses écrans, l'autre fixant son voisin d'un air ahurit. L'atmosphère et l'ambiance générale étaient particulièrement froides, et le silence de plomb qui régnait alors suffisait à rendre le reste plus terrifiant qu'il ne l'était réellement.

La pièce se limitait en effet à un carré de lumière, du moins plus clair que les ténèbres qui tournait tout autour. La salle semblait être coupée du reste du monde, comme si elle flottait dans un océan d'obscurité. Comme la dernière fois, Jack se trouvait dans l'incapacité à pouvoir clairement définir qui se cacher dernière ses visages floutés par de la vapeur presque irréelle.

Pourtant, il voyait la scène d'un autre angle, libéré des contraintes de la vue d'un autre homme comme si son esprit était emprisonné dans sa tête sans qu'il ne puisse réagir. Non, désormais, Jack contemplait  la scène d'en haut, comme un oiseau survolant les paysages. De plus, il n'avait plus froid. Non, il lui semblait baigner dans un liquide chaud et, pourtant,  Jack le voyait bien, il flottait dans les airs.

- Nous devrions lui dire, finit par dire l'un des hommes.

Celui aux écran faisait mine de ne pas l'entendre, cela se voyait bien. En réalité, il restait éperdument attentif à ses ordinateurs et ses données, comme si sa vie même en dépendait au plus au point. La scène s'annonçait d'ores et déjà mouvementée.

- Et pourquoi diable ferions-nous cela ? réagit enfin l'homme.

L'autre se redressa alors de sa chaise. Comme son interlocuteur, il portait une simple blouse blanche, comme celle que portent les médecins. Mais malheureusement pour lui, cela se remarquait facilement qu'il n'était pas à l'aise dedans, non, mais plutôt qu'il attendait plus que tout de pouvoir l'enlever.

- Eh bien, poursuit-il soudainement, pour en attirer sa confiance, le rendre plus docile quant à nos demandes.

L'autre se mit à rire en entendant cela, comme s'il s'agissait de la plus grande blague du monde. C'est à ce moment-là que Jack remarqua ses doigts.

De longs doigts...

Fin, sinueux et rugueux. Des doigts tout à fait ordinaires, si ce ne serait-ce qu'ils n'avaient rien d'ordinaire. Non, ils dégageaient autre chose, pas de la répugnance, mais on y était presque. Ainsi, Jack en était sûr : l'homme était le même qu'il avait vu dans ses autres rêves. Et tandis que le docteur étirait ses longues phalanges devant les yeux abasourdit de son collègue, il prit soin de faire perdurer le silence quant à lui devenir insupportable.

- Écoutez, rétorqua-t-il quelques secondes plus tard, dites-moi : quel est votre rang ?

Le rang... Ce mot se mit à tourner en boucle dans la tête du jeune homme, et commençait légèrement à le troubler. Pourtant, l'intéressé principal ne semblait pas, de son côté, plus dérangé que cela.

- Je suis votre assistant général et membre du conseil, avoua-t-il la voix pâteuse. Mais je n'en vois aucun lien avec notre affaire.

Pour seule réponse, il obtint le regard mauvais de son, semble-t-il, patron.

- Le lien, continua ce dernier, mais il est évident, voyons ! Aux yeux des actionnaires, vous n'êtes qu'un pion qui se doit d'obéir aux ordres et non d'en proposer contre notre insu. Autrement dit, sans vous offenser, vous n'êtes rien.

En contre-attaque, l'autre homme allait réagir, mais à peine ouvrit-il la bouche, que son soi-disant supérieur l'interrompit en levant la main devant lui :

- Il suffit ! rugit-il ensuite. Croyez- moi, je comprends réellement votre attention qui, disons-le franchement, est très louable, mais nous ne pouvons pas prendre de risques inutiles et insensés pour des résultats qui ne sont pas sur de se concrétiser.

Puis, aussi détendu que possible, il se leva en direction de l'autre bout de la pièce où des écrans siégeaient contre le mur en métal blanc. Dans une seconde d'inattention, Jack , témoin aux moindres détails de la pièce, remarqua, les yeux éperdus, que plus l'homme avançait, et plus les décors où il se dirigeait s'illuminer doucement pour éloigner la brume des ténèbres. L'assistant, quant à lui toujours assit au bureau, semblait procurer le même effet sur la nuit, et le bureau restait toujours bien visible.

- Je ne vous comprends pas, reprit ce dernier, les larmes aux yeux.

- Nous comprendre, répond l'autre le regard fixé sur les écrans, mais il n'y a rien à comprendre !

Il se retourna vers son collègue et continua la voix échauffée.

- Nous n'allons pas perdre toutes ses années de progrès par prétexte que le sujet s'en sentirait mieux. Nous sommes proches du but, souvenait vous en. 

À cet instant, la scène se transforma. Un tourbillon de vapeur envahissait en effet petit à petit la pièce, jusqu'à engloutir le sol et s'élever jusqu'au genou des hommes en blouse blanche. Jack comprit donc que tout allait disparaître comme d'habitude, et qu'il serait laissé dans le noir complet. Mais étrangement, la vapeur s'arrêta quelque temps au niveau de leur poitrine, tandis que l'homme aux écrans murmura en direction de son assistant :

- Surtout n'oubliez pas : "Nous sommes toujours là pour aider".

Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant