Chapitre 48 : Jackson Brock

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Je me souviens encore de notre discussion.

A vrai dire, les quelques souvenirs que je retiens de cette journée en début d'année me laisse encore perplexe. Le temps n'était pas au rendez-vous, la pluie déversant sa colère comme une cascade infinie. Le ciel gris morose déployait en ce monde une sorte d'agonie, emplissant l'atmosphère et la rendant par la même occasion étanche à toute intrusion.

Et au contre-bas, les arbres chantaient, s'entrechoquant avec leurs branches et leur tronc, sur lesquels bourdonnaient la vie et les oiseaux. Quelle douce symphonie de l'amour s'offrait alors à nous, simple étudiant en haut de notre colline.

Les cours ne m'ennuyaient pas comme je pouvais m'y attendre. Je fus même étonné de toujours en demander plus, questionnant mes professeurs et ne leur laissant aucun moment de répi. Mais je voyais qu'ils aimaient cela, comme si j'étais le seul intéressé par leur cours.

Ils me souriaient toujours, parfois même un peu trop. Leurs réponses se faisaient claires, précises, comme j'aimais les entendre. Nos instituteurs ne s'emportaient jamais trop dans les détails, préférant l'essentiel, le strict, où aucune tromperie et erreur ne pouvaient se faufiler.

Autant dire que j'avais pris mes marques rapidement, comme s'il s'agissait d'une importance capitale. Je n'eus que trop peu de réprimandes, à ma grande joie, et aucun élève n'était venu m'importuner pour mon passé. Une chance ? Un oubli ? Je ne saurais dire. Du moins, j'espérais plus en la deuxième possibilité.

Commencer une nouvelle vie, voilà tout ce qui m'importait.

La bibliothète s'était rapidement déclarée comme ma résidence secondaire. Des livres, partout. Toujours plus de livres entassés dans des dizaines de mètres d'étagère et de colonnes de bois. Le silence était roi, et l'internat restait un lieu où le désordre et l'incohérence étaient bannis. Le calme, l'ordre et la paix étaient les fins mots des surveillants, appliquant leur discipline d'une main de fer.

La bibliothécaire, du haut de sa soixantaine d'années, ne faisait pas exception à la règle. Derrière ses lunettes rondes, se cachait un visage inexpressif, emplit d'une attention toute particulière au silence de la salle. Tant tôt elle plongeait son regard dans un livre, tant tôt elle jaugeait la salle d'un œil mauvais. Son âge avancé n'allait pas en la valorisant, certain la surnommant déjà "le Fossile des livres", surnom qui s'accordait bien avec le personnage.

Bien que moi-même n'est jamais eu de problème avec elle, il n'en était pas de même avec certains, qui déjà s'étaient fait bannir du lieu sacré. D'une certaine manière, j'en étais ravi, tandis que le nombre de personnes pouvant m'embêter dans la bibliothèque diminuait à vue d'œil.

Je profitais généralement du silence pour réviser mes cours, ou encore pour me plonger dans de fabuleux romans. Il m'arrivait parfois de ne rien faire, l'esprit envolé dans des rêves, mais je me voyais rapidement interrompre par le regard désapprobateur du Fossile des livres, confondant perte de temps à repos.

Ce jour-là, et je me souviens parfaitement, je travaillais sur une dissertation portant sur la beauté.

"Quelles peuvent être les avantages/inconvénients de la beauté . Quelle influence peut avoir le physique sur l'esprit des auteurs des xx mêmes siècles ?"

Je m'attelais à la tâche avec une passion débordante, le sujet m'inspirant énormément. Je ne saurais dire pourquoi, mais je semblais voir en lui une certaine ironie, alors que moi-même me posais toujours les mêmes questions.

Ainsi, je répondais en développent que la beauté fait partie intégrante de nos vies, le monde tournant sur le visage parfait de ceux que nous jugeons apte à obtenir le titre de "Dieux sur Terre".

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