Entre Deux Mondes

Chapitre 53 Partie 1 : Lisa Richmond

"La perfection, est la solution."

Tels sont les mots que je puisse lire à l'entrée du Secteur du Conseil. Hier, encore, je n'aurais jamais cru que mon premier jour en tant que Conseillère serait si calme. A vrai dire, dès l'instant même où je suis sortis de ma chambre, guidée par la musique classique, je me suis sentis flasque, presque morte.

Dit comme cela, ça peut paraître dérisoire et, pourtant, j'ai l'intime sensation que rien n'est dû au hasard. Ces derniers temps, mon intuition a fait ses preuves. Et c'est bien cela qui m'inquiète, sachant qu'en ce moment même il m'interdit d'y aller.

Mais je ne l'ai pas l'écouter, comme d'habitude, et me voilà bien sot devant l'immense porte d'entrée du Conseil, un silence profond s'installant en moi.

Durant le trajet, rien ne pouvait me distraire, pas même la sollicitation de certains collègues dans le réfectoire. La lumière époustouflante des lieux ne me dérangeait plus, comme si mes cadences synchronisées par mon désir de vengeance me poussaient à aller de l'avant.

Je n'ai pas pris le temps de leur adresser la parole, ni même de m'arrêter pour un encas matinal, comme le veut la procédure. A vrai dire, enfin d'après les dire de Tom, mes repas se dérouleront désormais à l'écart, dans le secret le plus absolu. Le simple fait de penser que la table privée du Conseil me tend les bras me donne le tournis.

Dans mes narines, repose encore la douce odeur de la viande que m'avait offerte White, et que je n'ai d'ailleurs pas touché, par peur qu'elle disparaisse de ma vie.

Et, pourtant, maintenant que j'y réfléchis, je n'ai jamais vu Tom y aller. Non, depuis notre arrivée, il restait avec moi, souriant, l'esprit occupé à me rendre heureuse, en me promettant que le jour passé serait le dernier en ces lieux.

Que, des mensonges, bien sûr.

Quoi qu'il en soit, Tom m'offrait sa présence comme tout couple normal, et ne me quittait jamais. D'une certaine manière, je suppose qu'il protégeait son identité du Conseiller : le voir s'éclipser à chaque repas, me laissant seule, aurait sans doute pu me donner quelques doutes, et au pire me faire comprendre qu'il me cachait quelque chose. Mais d'autre part, j'espère aussi qu'il le faisait pour moi.

Sur cela, et je dois bien l'avouer, Tom a été particulièrement brillant. Me faire croire qu'il n'était rien d'autre qu'un Donneur particulier à la solde de l'Organisation qui gère l'Institut  a dû lui être particulièrement éprouvant. Mais qui suis-je pour douter de ses capacités ? Tom est un Citoyen Parfait, comme moi, et l'intelligence est son devoir.

Que dis-je, une obligation.

Mais désormais, devant cette immense porte argentée, où la devise de perfection trône en son sommet, je ne peux m'empêcher d'éprouver de la peine. Un sentiment profond, presque invisible, mais qui pourtant me tiraille de l'intérieur. Dans une autre situation, peut-être aurais-je senti en sentiment de soulagement, ou encore d'extase face à une telle splendeur. Dorénavant, néanmoins, tout ce rêve a disparu, comme happé par la dure réalité.

Ce n'est pas un honneur, mais un châtiment.

Et à cela, j'en suis persuadée. Du plus profond de mon cœur, comme une évidence cachée, l'instinct me force à craindre ce lieu. Autrefois, je n'y aurais porté aucune attention mais, désormais, chaque aide m'est utile, et c'est non sans une once de confusion que je dirige ma main sur le halo de contrôle.

Du moins, je m'y apprêtais, lorsque soudain la porte coulisse, sans même avoir eu le temps de poser ma main sur l'interface. Une lumière diffuse se propage sur la surface argentée, donnant à la porte une allure divine.