Entre Deux Mondes

Chapitre 55 : Jackson Brock

Les couloirs me paressent différents. 

Marcher derrière le concierge me permet de concentrer mon attention sur des détails qui, jusqu'à présent, étaient passés outre ma connaissance. Je ne sais pas pourquoi je l'ai suivis si facilement.

Dès que son regard s'est aligné au mien, une immense chaleur avait pris place dans ma tête. Je n'avais pas mal, cependant. A vrai dire, je ne ressentais absolument rien. Et là encore, je doute que le mot rien soit suffisant pour décrire le vide qui est en moi.

J'essaye de me convaincre que tout ceci n'est qu'un cauchemar comme un autre. Le concierge, dont l'apparence semble s'être grandement améliorée, apparaît tel un homme de la nuit. Ses vêtements sombres s'accordent parfaitement avec le couloirs, et les faibles touches de couloirs que révèlent ses cheveux bruns et sa peau beige ne suffisent pas à reverser la tendance.

Les ténèbres ont donc finit par m'avoir.

Étrangement, j'en suis soulagé. J'ose croire que je n'aurais pas tenu bien longtemps au petit jeu que j'avais commencé. Certes, se serait mentir de dire que je n'ai pas éprouver du plaisir à me venger. Voir le visage des autres se crisper, leur muscles perdant tout contrôle. Leur faire comprendre qu'ils ne sont rien, et que depuis le début ils avaient tords, sonne en moi comme l'accomplissement ultime.

Mais désormais, tout ceci me rend bien las. Le sac sur le dos, je sens le poids de la culpabilité s'abattre sur mes épaules. Une sueur froide s'étale d'ailleurs le long de ma colonne vertébrale, et prend un grand plaisir à me tourmenter. L'air glacé qui s'infiltre par les jointures des fenêtres n'est rien en comparaison à mes tourments. Comme si ces derniers venaient de réapparaître d'un seul coup, ma conscience pèse désormais plus que mon propre poids.

Nous empruntons plusieurs couloirs et escaliers, toujours dans un silence oppressant. Seuls nos pas résonnent dans l'ensemble de l'internat, alors même que les élèves semblent s'être volatilisés. Est-ce là encore un tours de passe passe de Winston ?

Quoi qu'il en soit, quoi qu'il veuille, j'en ai assez de me battre. Jouer au dur durant une mâtiné a suffit à me rendre malade. Pas d'une maladie physique, au contraire, mais d'une maladie mentale.

Celle de la fatigue.

Le seul réconfort que je puisse avoir, reste celui du visage apeuré d'Alex. D'ailleurs, je me demande ce qu'il est devenu ces dernières heures. Comme Greg, je ne l'ai pas croisé au réfectoire. Encore maintenant, je me demande qu'est ce qui a bien pu rapprocher ces deux personnes si différentes. La vie nous réserve parfois bien des surprises, et j'ai appris à les contourner pour plus de sûreté.

Le couinement de nos pieds sur le parquet s'estompe. Arrivé devant une porte en bois relativement large, le concierge plante son corps en ligne droite, formant un I parfait. Les yeux grand ouvert, un sentiment de peine se laisse apercevoir durant quelques instants, avant que Winston ne rabaisse ses paupières. Un soupir rogue s'échappe de ses lèvres jointes et dessinent un petit trait bien proportionné sur son visage.

Puis, le concierge plonge sa main dans la poche de son pantalon, en ressort une clef, et l'insère dans la serrure. En peu de temps qu'il ne faut pour le dire, le battant s'ouvre en grinçant, laissant un courant d'air étonnamment chaud s'échapper de la pièce. Cette douceur sur ma peau craquelée par la chair de poule me donne un soulagement fort attendu, mais rapidement estompé par la peur qui s'insinue en moi à petit feu.

– Que la fête commence.

Winston marmonne ces mots avec nonchalance, comme s'il ne le pensait pas vraiment. Il s'engouffre ensuite dans la pièce, m'invitant en même temps à le suivre. Les pieds fixés sur le pallier de la porte, j'hésite quelques secondes sur le choix à faire. A vrai dire, seuls deux choix se proposent à moi : Un, je ne participe pas à cette folie, et m'enfuie en courant, avec l'espoir qu'il ne me rattrape pas en court de route. Deux, je me laisse guider dans la mer de l'incertitude, et prie pour en sortir in dème.