Chapitre 19 : Jackson Brock

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Les rayons du soleil me réveillent comme le ferait une mère.

Les volets sont grands ouverts, et j'entends encore la sonnerie générale retentir dans les couloirs. Lorsque je baille, je remarque que je suis parfaitement emmitouflé dans mes couvertures, et dans une chaleur accueillante.

Etrangement, mes draps ne sont pas mouillés comme d'habitude, mais sec comme le plus fin sable du désert. Je mets du temps à le réaliser, mais je n'ai jamais aussi bien dormi. À vrais dire, je me sens complètement rechargé, et plein d'énergie.

L'air dans la chambre est plutôt frais, et à l'instant où je me redresse, je constate que quelque chose ne va pas : le lit de Greg n'est pas défait. En fait, Greg n'est pas là tout court. Volatilisé, comme une traînée de poussière sous le vent. Pourtant je ne rêve pas,l'horloge murale indique bien l'heure du réveil, et puis cela m'étonnerait qu'il se soit levé plus tôt. Mais trop de questions vont commencer à m'étourdir : il doit bien être quelque part.

Ma toilette se fait rapidement, et j'arrive juste à temps devant mon lit quand Mme la Bic ouvre la porte. Elle ne me dit pas un bonjour, ni me jette un regard, et se contente d'ouvrir la chambre pour repartir voir les  autres.

Je ne sais pas quoi en penser. Dois-je m'inquiéter sur le fait que Greg ne soit pas là, ou alors que  la surveillante ne semble pas le remarquer ?

Cela dit, j'aurais la réponse  bien assez tôt, et je sort d'un pied lourd dans les couloirs. Comme d'habitude, je croise certaines connaissances. Il n'y a rien d'anormal, et lorsque j'arrive dans les escaliers, je percute même Lucas devant moi.

– Salut, lui dis-je. Ça va ?

Il hoche timidement la tête et baille bien grand.

– Oui et toi ? répond-t-il par la suite.

–Bien, tu aurais vu Greg ?

En entendant son nom, il s'arrête en plein milieu de l'escalier, comme s'il avait reçu un électrochoc. Certains élèves râlent et nous contournent avec de gros yeux, mais Lucas ne se gêne pas.

– Je ne l'ai pas revu après le repas, rétorque-t-il.

Il repart ensuite rapidement. Le léger tremblement dans sa voix me donne quelques doutes dans sa sincérité, mais rien ne me dit qu'il en sait plus que moi. Je décide de le croire et tandis que je le suis, tout le monde m'apprête un regard curieux, presque malsains. J'en suis habitué avec mes cauchemars mais là, cela prend une autre tournure, comme si une grande nouvelle avait été évoquée sans que je ne le sache.

Dans le réfectoire, une ambiance morose règne, et même si le brouhaha est toujours là, il me semble que quelque chose ne va pas. Au moins, aujourd'hui, j'ai mon omelette et mon jus d'orange. C'est déjà cela...

Lucas a rejoint notre table lorsque j'arrive à mon tour. Comme d'habitude, Corentin mange ses céréales en contemplant d'un œil discret la fille aux cheveux noirs. Ses tâches de rousseur sont cependant visibles, et il n'a pas la même façon de se tenir qu'hier. Maintenant, il affiche un air plus naturel et plus confiant.

– Salut, me dit-il la bouche pleine.

Je ne prête aucune attention à lui. En réalité, je suis plus captivé par un manque à la table : Greg. Il n'est pas présent, lui et son air jovial du matin. Un malaise me plie en deux : je m'attends au pire.

– Tu as vu Greg, toi ?

Corentin finit sa bouchée en s'étouffant. Le regard qu'il me lance est beaucoup plus intrigant que je m'y attendais. Ses yeux sont creusés de cernes, et c'est à croire qu'il n'espérait pas entendre cette question.

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