Mon heure de gloire est arrivée...
Je ne me contrôle plus et, d'un mouvement involontaire, le livre maudit, emplit de mensonges depuis le début, pile avec force contre la table en aluminium. L'action s'était déroulée avec finesse et rapidité, alliant avec force brutalité et sauvagerie. Je ne sais comment j'ai pu en arriver là, ni comment mon corps s'est retrouvé en face de mon pire meilleur ami sur cette Terre.
Le choc avait produit dans le réfectoire un sursaut général, alors que tous, il y a encore quelques instants, se régalait et partageait le fruit de leur bonheur si cher à leurs yeux. Dans les miens ne reflète désormais plus que la colère. La haine, si j'oserais dire. Rien, aucun mot ne pourrait définir ce que je ressens envers lui. L'océan de noirceur a depuis longtemps envahi mes pensées. Et alors que la scène se transforme et devient normale à mon jugement, je me retrouve bien seul. Seuls mes halètements successifs, comme si de l'eau rentrait et sortait de ma bouche à un rythme continu, occupe le plus large espace de mon esprit. La vigueur, l'énergie que je transmets à mon corps se diffuse cependant à une vitesse de plus en plus constante. Mes muscles de mes bras et de mes jambes s'en trouvent affaiblis, tandis que mes mollets s'affaissent sous le poids de ma culpabilité.
Je dois agir vite.
Je n'ai pas d'autre option. Je n'ai pas d'autre alternative, et la mort n'est désormais plus le seul obstacle.
- Mais tu es malade, résonne ensuite une voix, tu as failli renversé mon verre !
D'instinct, sans même en avoir pris l'initiative, mon bras droit se guide en direction de l'objet, et un coup de main le renverse à terre. Ma vision devient par la suite terne, m'empêchant d'apercevoir ce qui se passe autour moi. J'imagine cependant, en entendant le fracas du verre qui se pulvérise à l'atterrissage, et de l'eau qui envahit le parquet, que mon action a affin donné l'attention que je mérite.
D'ailleurs, depuis le début, je le fixe sans relâche, dans l'espoir qu'il me parle. À l'autre bout de la table, juste au bout du coin gauche, est assis l'homme auquel j'adressais jadis mon plus grand respect. D'un air ahurit, presque enfantin dans son visage, il détourne ses yeux des miens, et se contente à regarder son plateau-repas. La lumière est assez imposante pour que je puisse retrouver un semblant de vue, et dès lors je comprends que Greg, dans son infime désespoir, ne s'est pas installé avec n'importe qui.
Revoilà la troupe de l'enfer.
L'un d'entre eux s'est immédiatement levé après mon intervention, comme appelé par la demande divine d'un dieu quelconque. Imposant, les épaules larges et le regard aussi vicieux que celui d'une vipère, son visage s'allie parfaitement et sans la moindre imperfection avec l'image même du démon. Ses cheveux noirs en pagailles suffisent à confirmer mon dire, alors que les habits de l'internat renforcent le contraste sur sa peau déjà fort assombrie par l'adrénaline. L'espace d'un instant, mon cœur s'ouvre, et laisse place à ma vraie personnalité, qui dès lors contemple l'abomination qui se trouve juste à quelques mètres devant moi.
Un reflet de mon Être, voilà ce qu'il est.
Est-ce là un signe ? Quoi qu'il en soit, je commence à voir en lui l'image même que je me donne. Mon être profond, la bête que je suis devenu, en trouve d'ailleurs satisfaction, comme si elle aurait voulu se retrouver dans une personne digne de sa puissance, au lieu de l'homme normal que je suis. Moi, Jackson Brock, le garçon aux deux cœurs d'acier et de peur.
- Tient tient regardez qui voilà, finit par annoncer le lycéen de sa voix grave. Monsieur fait des cauchemars nous rend une petite visite !
Mes poings se resserrent face à ce surnom ingrat, ce qui ne fait pas mouche aux yeux de mon concurrent.
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Entre Deux Mondes
Science FictionJackson vit dans un internat reculé et lugubre, où les maîtres mots sont respect et travail. Bon élève et entouré d'amis, sa vie est des plus agréables, si l'on oublie ses cauchemars et visions tout aussi étranges que surprenants. De son coté, Lis...