Chapitre 57 Partie 2 : Lisa Richmond

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   Un nouveau monde s'ouvre à moi.

   Ou devrais-je dire plutôt un long couloir, qui au premier abord, paraît sans fin. La faible différence de températures s'empare de ma peau, dont la moindre cellule améliorée s'en accommode telle de l'eau chaude. Seule la lumière reste pour moi énigmatique. Mes yeux peinent à s'habituer à la légère irrégularité des reflets, où le sol semble briller et parfois même refléter les formes des murs.

   Lorsque j'entame mon premier pas, le changement de surface se fait immédiatement ressentir. Le corps raide et l'esprit vif, il m'en faut de peu pour glisser et, si je ne m'abuse, me rompre le cou. Dès lors, tandis que la porte se referme derrière moi, je constate qu'il s'agit de marbre, dont l'aspect rude et étrangement froid ne me laisse pas indifférente.

   Les marbrures grises, presque noires, recouvrent le sol poli avec élégance, et rendent l'ambiance quelque peu prestigieuse, tout en contribuant à rendre l'ascension du couloir plus grandiose.

   Soudain, à peine ai-je parcouru les dix premiers mètres, que des lettres interpellent ma vision, la plongeant à mes pieds. En plissant des paupières, je remarque que plusieurs mots sont incrustés d'or dans le marbre, épousant la surface sans laisser la moindre trace.

   Hier, nous étions humains.

   Quatre mots, vingt-une lettre, et rien ne m'avait jamais autant glacé le sang jusque-là. Durant quelques instants, je reste plantée là tel un piquet, observant cette phrase sous tous ses contours, dans l'espoir d'y trouver une signification. En vain.

   Je secoue donc de la tête : ce n'est pas la première fois que je lis une telle devise dans l'enceinte de l'Institut. Ainsi, l'esprit tourmenté mais pas moins conscient, je reprends ma marche comme si ne rien n'était. Bien que les murs, le plafond et le sol ne soient pas illuminés comme la plupart des autres couloirs, l'intensité est suffisante pour faire disparaître mon ombre, me laissant pour seule compagnie mes mains, dont les jointures ne cessent de se joindre et de se s'éloigner, tels deux aimants aux pôles différenciés.

   Les dix prochains mètres disparaissent rapidement sous mes pieds. À ma plus grande surprise, d'autres mots apparaissent, cette fois-ci incrustés d'argent. Rapidement, je m'empresse de plisser des yeux, afin de lire la phrase énigmatique.

   Aujourd'hui, nous sommes parfaits.

   À nouveau, un frisson d'effroi me transperce l'échine, tandis que je ferme les yeux, la tête plus lourde quand temps normal. Sans même m'en rendre compte, mes pieds ont déjà entrepris le départ, et alors que je continue à marcher, l'esprit plus tourmenté que jamais, je repasse en boucle mes objectifs, afin de ne pas les oublier dans la noirceur de mon avenir.

1 : Paraître influençable.

2 : Prendre une nouvelle fois le traitement et accéder à la plus haute instance.

3 : Quitter Tom pour le mettre en sécurité.

4 : Et enfin, faire...

   Je n'arrive pas à poursuivre mon énumération. Un malaise grandissant vient d'ailleurs m'empêcher toute autre réflexion, comme si la moindre de mes pensées s'acharnaient à me tuer à petit feu. Durant toute ma vie, tant d'événements aussi futiles qu'intéressants ont contribué à ériger une barrière entre moi et restent le monde, comme si ce dernier n'avait d'objectif que celui de me nuire. Étrangement, je continue à croire qu'il en est la stricte vérité.

   Mon plan suffit à prouver que je suis vouée à échouer.

   À cette pensée, la course contre Tom dans les couloirs d'il y a deux jours me revient en mémoire. En quarante huit heures, la situation a bien évolué. Je me vois encore lovée dans les bras de Tom, au corps parfait et l'esprit tout aussi parfait. La perfection elle-même se collait à moi. Sans omettre l'amour, que l'on oublie souvent, mais qui pourtant reste le pilier de notre monde. Sans lui, je me demande encore qu'est ce que je serais aujourd'hui.

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