Nous arrivons dans les salles de permanences.
Je n'ai jamais aimé ces endroits. Pourquoi, je ne saurais le dire, mais l'ambiance qui y règne suffit à me repousser. Un long couloir les dessert en plusieurs pièces, où casiers et tables sont dispersées au grès des envies. Parfois, ils arrivent que des chaises disparaissent, ou encore que des élèves peu attentionnés à l'égard des autres décident de prendre possession des lieux. Une compétions est donc né dans les tréfonds de l'internat, pour savoir qui disposera du Saint Graal.
Généralement, la mise à disposition des casiers se fait en fonction de la demande, mais il est courant que certains d'entre eux se retrouvent sans famille, si je puis dire. En entrant dans l'endroit si redouté, je constate que le monde afflue peu ce matin, ce qui me permet de souffler.
Un problème en moi.
Une rangée d'armoires en acier recouvre le mur de droite et de gauche. Au centre, quelques tables, où certains élèves discutent, font office de lieux de pause. Et encore, j'ose espérer qu'ils font une pause. Nombreuses sont les rumeurs qui disent qu'il n'en est rien, et que derrière toute cette mascarade, se prépare des plans pour rendre la vie infernale dans l'internat. Ma fois, je n'ai rien contre un peu de divertissement, surtout si c'est pour embêter Véronique.
Véronique, encore elle.
Je secoue la tête au simple fait de penser son nom, et reprend du sérieux. Je partage mon casier avec Greg. Je le vois déjà fouiller dans les étagères, sortant les affaires qu'il lui faut pour la journée. Nos deux sacs sont suspendus à l'intérieur. Le mien est noir, avec des motifs de roseaux beiges qui le recouvrent comme un mur végétal.
En m'approchant, je m'aperçois que mon ami m'a déjà tout sorti. Je le remercie d'un hochement de tête et fourre mes livres et classeur dans mon sac.
Lucas a été rapide, lui, nous attend sagement au seuil de la porte, adossé contre le mur. Ses cheveux noirs lui recouvrent presque le visage, et je devine un regard malicieux dans ses yeux. Son air de personne simple le rend presque touchant, contrastant avec l'ambiance agitée de la salle. Le cœur lourd, vérifiant que je n'ai rien oublié, je réalise que je n'ai jamais vraiment cherché à faire connaissance avec Lucas. D'une certaine manière, il faut dire que l'occasion ne s'est jamais présenté, mais je me dis qu'il ne doit pas être un mauvais gars.
La sonnerie retentit dans les couloirs, qui se remplissent rapidement par des vagues d'élèves déchaînés. En quelques secondes, Greg et moi nous retrouvons seul dans la pièce, comme si une alerte venait juste d'être signalé. Le visage grave, les yeux pétrifiés, mon ami s'affole : d'habitude, nous sommes déjà devant la salle de classe, bien avance. Je ne cherche pas comprendre le pourquoi du comment, même si je me doute que nous avons sans doute perdu du temps au petit déjeuner. D'un côté, j'ai peur que Greg ne rejette la faute sur moi, ou pire encore.
Mais non. Au lieu de s'énerver, Greg se contente de soupirer, avant de fermer le zip de son sac blanc avec maîtrise. Puis, avant de s'élancer comme les autres, il me jette en regard noir, le visage tiré par des traits profonds. Un frisson me parcoure la chair, après avoir contempler la rage qui émanait de ses yeux.
Je sens que je vais en entendre parler encore longtemps.
Sans me précipiter, je suis la cadence que l'on m'impose, et m'éclipse dans le couloir. A peine ai-je sorti le bout de mon nez, que je tombe sur Lucas, qui, étonnamment, m'attendait dans le couloir. Son sourire rallume en moi la flamme de la paix.
- Qu'est ce qu'il se passe avec Greg ? m'interroge t-il, inquiet.
Je ne m'arrête pas, continuant ma route.
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Entre Deux Mondes
Ficção CientíficaJackson vit dans un internat reculé et lugubre, où les maîtres mots sont respect et travail. Bon élève et entouré d'amis, sa vie est des plus agréables, si l'on oublie ses cauchemars et visions tout aussi étranges que surprenants. De son coté, Lis...