Meilleur ennemi

Chapitre 58

Je cours chez moi, sans me préoccuper de quoi que ce soit.
Entre Matt le connard et Anne Styles qui nous a surpris, je ne suis rassuré.
Il faut que je les prévienne avant une tierce personne.

Je passe le portail et rentre dans le hall d'entrée. Dans cette baraque immense, j'essaye de savoir où ils peuvent être. Nous sommes en début de matinée, ils ne doivent pas être loin.
Je me dirige droit vers le bureau de mon père. Je commence par le plus dure. Avec ma mère ce sera plus facile. Je serre les poings. Je mets en route ma mise à mort.

Sans frapper, j'ouvre le lieu sacré. Mon père est derrière son bureau, et lit son journal. Il lève les yeux dans ma direction, surpris de me voir de si bonne heure.
Il fronce les sourcils en voyant ma dégaine. Je me suis habillé à la va-vite, mon visage est rouge à cause de ma course et du stress.

C'est la première fois que je le revois en face à face depuis l'incident du bal. C'est particulier. Je ne comptais pas lui parler avant longtemps. J'attendais que ce soit lui qui fasse le geste des retrouvailles, mais vu la situation urgente, je n'ai pas le choix.

Lui aussi est surpris de ma venue. Il voulait du temps. Trop tard. J'ai avancé le compte à rebours.

Déterminé, je lui annonce directement:

-Je dois te parler.

Il hoche la tête et me fait signe de m'asseoir en face de lui. Seulement, je ne le fais pas, je préfère être debout.
Je me sentirai mieux dans cette position, pour tout lui révéler. Je peux fuir en cas de besoin, je peux bouger si je ne trouve pas mes mots, je peux lui tourner le dos si j'ai trop honte. 

-Je t'écoute.

Il reste assis, me dévisageant. Comment commencer? Je ne vais pas lui balancer du but en blanc que je couche avec Styles. Il faut que j'utilise la bonne méthode.

-J'ai quelque chose d'important à te dire. Je veux que tu m'écoutes jusqu'au bout sans me couper. C'est important.

Mon père ne semble pas comprendre où je veux en venir, mais il me laisse continuer:

-Très bien. Je me tais.

-Parfait.

Je passe nerveusement ma main dans mes cheveux. Je suis stressé. Mon père s'en aperçoit.

-Ce n'est pas seulement parce que je trouvais la situation injuste que j'ai défendu Styles au bal.

Je prends une grande inspiration me donnant la force de lancer la machine.

-Il y a une autre raison.

C'est difficile. J'ai dû mal à regarder mon père.

-J'ai rencontré une personne qui me rend vraiment heureux. Elle m'a fait comprendre que je pouvais avoir des rêves et que je pouvais les atteindre. Elle m'a fait croire en moi et en ce que je représente. Elle m'a fait douté, mais surtout comprendre que j'étais différent de toi.

Mon père m'écoute sans rien rajouter, ne se rendant pas compte que ma révélation va lui faire l'effet d'un coup de poignard en plein cœur.

-J'étais persuadé qu'un jour, je deviendrais puissant. Je serais le seul à dominer la ville. Je me marierais, gagnerais beaucoup d'argent et profiterais de ma victoire. Mon seul but était de te rendre fier.

Mes yeux glissent vers la photo de famille sur son bureau. Elle date d'un Noël d'il y a dix ans. J'ouvrais mes cadeaux sous les yeux admiratifs et aimants de mes parents. Les temps ont changé.

-Comme je l'ai écrit dans la lettre, je ne crois plus au conflit. Je ne vais pas m'épancher là-dessus. Tu sais déjà tout.

Je vois mon papier posé sur son bureau. Ma lettre est chiffonnée, mais encore présente.