Vanille

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La joie des fêtes retombait doucement. Dans certaines familles, le sapin avait déjà perdu ses épines et d'autres tentaient tant bien que mal de résister aux températures qui remontaient lentement, mais sûrement. Dehors, la neige ne tenait plus au sol. Les quelques rares flocons qui se risquaient à quitter les cieux fondaient au simple contact du béton et des pavés givrés. Les pare-brise des voitures se voyaient chaque matin, recouverts d'une épaisse couche de glace, condamnant les propriétaires à sortir une bonne dizaine de minutes plus tôt, afin de faire tourner le moteur tout en grattant la pellicule indésirable. Les écoliers qui se précipitaient à traverser les trottoirs de la ville avançaient tête baissée, camouflés sous de grands parapluies, emmitouflés dans de larges écharpes chaudes et duveteuses. De l'extérieur, tout semblait mort. Mais Seoul n'avait jamais été si éveillée. Les commerces battaient leur plein, bien que les fêtes soient passées. Les étudiants bachotaient les examens à venir, et depuis son ouverture, Namjoon n'avait jamais eu tant de monde.

Voir ces jeunes adultes acheter des dizaines de livres qu'ils n'ouvriront peut-être même pas, simplement pour se donner bonne conscience le faisait doucement rire. Lui même n'avait jamais pris la peine de réviser quoi que ce soit. Mais peut-être que s'il s'était lancé dans des études supérieures, les choses auraient été différentes. Mais ça n'avait pas été le cas, alors il préférait ne pas ressasser ce qu'aurait été sa vie s'il n'avait pas rencontré Jieun. Sans elle, Wooju ne serait pas là, et quand bien même adolescent, il n'avait jamais imaginé son futur comme il l'était à présent, il ne regrettait pas. Peu importe les concessions qu'il a dû faire et qu'il fera sûrement encore, son fils passerait maintenant en priorité.

Pourtant, lorsqu'il se permettait d'y penser plus en profondeur, dans la noirceur de sa chambre et la douceur de ses doigts, il se disait que finalement ce n'était pas si mal. Les quatre dernières années n'avaient pas été des plus simples. Les petits boulots qu'il avait enchaînés n'étaient pas des plus plaisants. Du serveur dans le restaurant du coin au guichet du cinéma de Hongdae. Rien de vraiment pénible en soit, mais rien qu'il n'aimait non plus. Sans parler des salaires. Sans doute sans serait-il mieux sortis s'il n'avait pas mis tant d'argent de côté pour s'offrir la libraire, mais sans doute également que sans cela, il serait en train de croupir à la caisse d'une supérette quelconque. Ici au moins, il se plaisait. Et puis, finalement ce petit appartement n'était pas si mal que cela, bien suffisant pour eux deux. Tant que Wooju ne manquait de rien, alors tout allait bien.

Depuis qu'il avait ouvert ce matin-là, Namjoon courrait partout. Lentement mais sûrement il se faisait une place, un nom dans le quartier. Ce n'était pas pour lui déplaire. Mais même avec le poids en moins de son fils sur les épaules, il hésitait sincèrement à proposer un emploi dans les petites annonces du journal local. Entre les livraisons, les commandes, les ventes et les aller et retour à la poste, la fatigue se faisait sentir. Sans parler des fêtes. Si ces dernières étaient à présent passées, il m'était toujours un temps fou à s'en remettre, quand bien même il les passait seul avec l'enfant. Sa famille ne connaissait même pas l'existence de ce dernier. Du moins, si. Mais elle ne voulait pas entendre parler, comme elle ne voulait plus entendre parler de lui-même. Comme si avoir un enfant aussi jeune était une honte, une tare que l'on chercherait à dissimuler. Peu importe combien il aimait son pays, parfois il le trouvait bien en retard face à la mentalité des Occidentaux. Il n'y avait guère que sa petite sœur pour prendre de leurs nouvelles de temps à autre, sans pour autant lui rendre la moindre visite. Il était seul, depuis quatre ans maintenant.

Ses doigts couraient sur les touches de l'ordinateur, puis d'une voix claire et quelque peu enjouée, il annonça le montant de la course, s'activant par la suite à l'emballage du roman d'aventures dans un petit sac en papier kraft. Puis il salua sa cliente, et jeta un œil à la grande horloge murale. Quinze heures. Un doux sourire fleurit sur ses lèvres, Wooju ne devrait pas tarder à rentrer. Jimin était par ailleurs, un véritable ange. Sincèrement. S'il avait eu quelques craintes au départ, elles étaient à présent totalement infondées. L'étudiant avait une patience que lui même ne possédait pas. Bien que Namjoon soit d'un naturel très calme, vivre seul avec un enfant en bas âge lui avait souvent joué des tours. Combien de fois s'était-il vu craquer, sur le carrelage de sa salle de bain alors que dans son berceau Wooju pleurait sans qu'il ne parvienne à le calmer ? Encore maintenant, il en avait honte.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant