Menthe

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Le réveil fut particulièrement difficile pour Namjoon. La veille avait été quelque peu éreintante, à courir dans toute la boutique et après ses clients pour le début des soldes. Jamais encore il n'avait considéré son établissement comment trop étroit. Sans parler des étudiants qui commençaient à se presser autour des tables aménagées, dans l'espoir de rattraper le temps perdu sur les partiels. Toute cette foule lui ferait presque tourner la tête, et malheureusement le père de famille savait que ce n'était que le début. Aujourd'hui, en Corée du Sud, une boutique qui ne possédait pas de site internet pouvait d'ores et déjà se considérer comme en faillite. C'était un peu triste, pour une libraire ou un magasin de vidéo/cassette, mais c'était comme ça. Et Namjoon n'avait pas fait exception à la règle. Se coucher tard, pour préparer un nombre incroyable de commandes, puis se lever tôt pour s'occuper de son fils et ouvrir la librairie.

Son salon ne ressemblait plus à rien. De nombreux cartons postaux encore pliés jonchaient le sol, contre les murs les colis prêts à l'envoi attendaient patiemment le passage du facteur, ou de Jimin lorsque ce dernier avait le temps de les emmener de lui même au bureau le plus proche -d'ailleurs, il devait sincèrement penser à l'augmenter sous peu-. Heureusement que Wooju n'était plus un bébé, et qu'il savait regarder où il marchait. Comprenant par ailleurs son interdiction de toucher à quoi que ce soit ressemblant de près ou de loin à un emballage. Cette situation mettait le père de famille sur les nerfs, il devait bien l'avouer. Trop de travail, plus encore qu'à l'époque où il cumulait plusieurs petits jobs pour mettre de l'argent de côté et payer son loyer. Il ne trouvait plus un moment pour s'occuper convenablement de son fils et de sa chienne. Et il ne pouvait décemment pas demander plus de temps encore à l'étudiant qui lui en accordait bien plus que nécessaire. Namjoon avait simplement l'impression de se noyer.

L'horloge murale de la petite cuisine affichait six heures et demie du matin. Si tôt et pourtant déjà en retard sur son planning. Dans sa petite chambre d'enfant, son fils dormait encore à poings fermés. Il avait déjà sorti RapMon et, ce n'était la brise fraîche ni la rosée qui lui permirent de se réveiller convenablement. Au contraire, il avait l'impression d'avancer les yeux encore mi-clos. Assis sur la petite place restante du sofa, il tenait d'une main molle sa tasse de café noire et serrée -comme si la caféine pourrait encore arranger quoi que ce soit à son état-, fixant le vide sans réellement le voir. Il pourrait volontiers se rendormir là, si le vibreur de son téléphone ne le ramenait pas à la réalité, affichant le numéro de Min Yoongi. Le garçon l'avait ramené quelques semaines plutôt, lorsqu'il était trop ivre pour marcher correctement. Avec gentillesse, il s'était même assuré qu'il regagne bien son appartement et ne tombe pas dans les escaliers. La suite, il ne s'en souvenait plus très bien, mais le lendemain matin il avait retrouvé le numéro de téléphone, griffonné sur un bout de papier. Leur ticket de caisse, en réalité. La consommation d'alcool avait été impressionnante et Namjoon n'avait même pas été surpris de rendre le contenu de son estomac pendant vingt bonnes minutes. Il s'étonnait même de la note, il ne se souvenait pas avoir payé quoi que ce soit. Par la suite, il apprit que le pâtissier en avait laissé une bonne partie à Hoseok, simplement par principe.

Aujourd'hui, Namjoon admettait non sans mal qu'il s'était trompé sur le garçon aux cheveux menthe à l'eau. Il n'était pas si mauvais, particulièrement bougon et constamment entrain de se plaindre, mais loin de l'immonde personnage dont-il s'était fait l'idée au départ. Sa vision du jeune homme avait changé dès le lendemain de cette soirée, lorsqu'il avait réalisé que Yoongi aurait tout aussi bien pu le laisser tomber dans le caniveau du coin sans se soucier de ce qu'il adviendrait par la suite. Le premier message qu'ils échangèrent partit par ailleurs de là, un simple remerciement auquel son aîné avait répondu par une taquinerie qui pourrait s'apprêter à de la méchanceté. Mais avec le temps, le père de famille comprit que c'était simplement son fonctionnement, le sarcasme. Ils n'étaient pas proches, mais ils échangeaient régulièrement. L'habitude de recevoir un message à quatre heures du matin, lorsque le pâtissier se mettait au travail, auquel il répondait lorsque lui même se levait s'était doucement installée, sans raison apparente. Namjoon n'était même pas certain que si Yoongi n'initiait pas la discussion, lui-même le ferait. Il se réveillait, trouvait un message, et y répondait simplement. Rien de plus, rien de moins. Et ce matin fut comme à cette étrange habitude.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant