Litchi

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Le temps était pluvieux. De lourds nuages sombres allaient dans une course folle en direction de l'est, cachant le peu de clarté qu'il y avait encore en cette fin d'année. Une pluie torrentielle s'abattait sur la ville, inondant les rues et submergeant les parcs. Hors période de mousson, il était rare d'affronter ce genre de climat et, à l'extérieur, personne ne prenait le risque de sortir. Les boutiques étaient toutes plus ou moins closes, le fleuriste du coin avait remballé ses plantes et, même le zoo présent en périphérie avait décidé de rentrer ses animaux. Il n'y avait que les plus téméraires, les plus inconscients pour sortir à un moment pareil. Après tout, ce n'était probablement plus qu'une question de temps avant qu'un orage n'éclate.

Confortablement installé, à l'abri dans son appartement, Namjoon observait le monde extérieur. Désert, même les chats errants semblaient avoir trouvés refuge. Sous un carton, sous le porche d'une maison où près des bouches de métro. En ce début de soirée, les réverbères étaient allumés, illuminant tant bien que mal dans cette tempête grisâtre. Dehors, il devait faire un froid effroyable. Les températures commençaient à se rafraîchir depuis quelques semaines déjà mais, ce soir c'était sans doute pire que tout et, au fond le père de famille était bien content d'avoir des radiateurs fonctionnels. Certes, ils coûtaient une fortune mais ils étaient bien pratiques. Détournant les yeux de la petite fenêtre, il se remit à éplucher ses légumes.

Plus loin, dans le salon, raisonnait un air de Disney. Namjoon devait bien avouer qu'il ne le reconnaissait pas, sans doute trop récent pour lui mais ces fonds sonores étaient devenus tellement habituel pour lui, qu'il ne les entendait même plus vraiment. Le regard fixement posé sur la pomme de terre qu'il avait dans une main, et l'économe qui allait et venait sur la peau brunâtre du végétal, son esprit se mit à divaguer. Devant la télé se trouvait Wooju vêtu de son pyjama bleu ciel, probablement absorbé par son dessin animé, ou alors ne le regardant pas plus que cela, trop concentré sur ses crayons de couleur. Rampon ne devait probablement pas être loin, couchée sur le sofa neuf ou tout simplement sous la table à somnoler tout en gardant une oreille attentive au moindre fait et geste du bambin.

La conversation qu'il avait eue brièvement avec Yoongi quelques jours plus tôt lui revenait en tête de plus en plus régulièrement. Et, dans le fond , quand bien même était-ce difficile de l'avouer il savait pertinemment que son compagnon avait raison. Son fils était un petit garçon intelligent et, il y avait un moment maintenant qu'il avait compris que leur famille n'était pas comme les autres. Probablement le premier soir qu'il a passé chez son meilleur ami. Daeho avait un entourage tout ce qu'il y avait de plus classique. Une mère qui travaillait depuis la maison, un père dans les affaires qui ne rentrait que le soir. Rien de tout ce qu'ils étaient, eux. Il n'y aurait jamais Jieun à la sortie de l'école qui viendrait le récupérer avant de préparer le repas, ou lui qui rentrerait encore habillé d'un costard hors de prix après une longue journée au bureau. Non, ce n'était qu'eux deux, pas de deuxièmes parents, pas de figure maternelle. Rien que lui, avec ses doutes permanents, ses façons de faire parfois peu orthodoxe et son mode de pensée souvent trop axé sur le futur pour se contenter du présent.

Était-ce un mal ? Probablement pas. Après tout, ils avaient toujours survécu de cette façon quand bien même ils manquaient parfois de mourir d'une intoxication alimentaire. Heureusement que son fils était parfois un peu difficile sur la nourriture, son comportement avait évité bien des catastrophes, surtout à l'époque où il n'était qu'un bébé et que Namjoon s'efforçait tant bien que mal de cuisiner parce qu'il n'avait pas les moyens d'acheter ces petits pots que pourtant toutes les mamans s'arrachaient. Cependant il ne pouvait pas continuer à lui cacher qu'il avait bien une maman quelque part. Certes, il se garderait bien de lui parler de son abandon, des procédures judiciaires qui n'étaient toujours pas terminées quand bien même étaient-elles sur une bonne pente, mais il se devait de le faire. Le silence était la meilleure façon de créer chez Wooju un déséquilibre. Il avait toujours été vif d'esprit, peut-être trop et son imagination était débordante. Que s'imaginerait-il s'il ne prenait pas le temps de lui en parler ? S'il le laissait supposer mille et une choses ? Lorsqu'il grandirait, Yoongi avait raison, il lui en voudrait.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant