Amande

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« -Ne rentre pas trop tard !

-Promis, maman !

-Et pense à récupérer ton frère avant de rentrer ! »

Jimin ne prit pas le temps de répondre, que déjà il refermait la porte d'entrée derrière lui, une feuille roulée et plastifiée dont-il prenait soin de ne pas écraser dans la main droite. L'air frais de ce milieu de matinée lui arracha un sourire. Dans la petite allée recouverte de neige, quelques enfants visiblement en week-end s'amusaient avec une luge faite de vieilles palettes en bois. Le jeune homme se souvenait encore de ces hivers passés avec Jihyun, eux aussi s'amusaient ainsi dans cette même rue, isolée du reste de la ville. Les deux frères avaient grandi ici, à Hanok.

Originaire de Busan, sa famille avait quitté la province alors qu'il n'était âgé que de deux ans, pour venir s'installer ici dans ce petit quartier traditionnel loin de l'agitation de la ville. C'était calme, sans trop de voitures, avec un voisinage toujours souriant et amical. Ça sonnerait presque faux pour quelqu'un d'extérieur au secteur, mais pour lui qui n'avait connu que cet endroit, c'était reposant après une longue journée passée dans sa faculté.

Étudiant en psychologie, Jimin vivait encore chez ses parents du haut de ses vingt-et un an. Il avait la chance de vivre avec des parents ouverts d'esprits, qui n'avaient jamais rien imposé à leurs enfants malgré la difficulté de la vie coréenne. Son frère tout comme lui était libre de ses choix, tant qu'ils étaient raisonnables et qu'ils ne touchaient pas à l'alcool. L'aîné en était reconnaissant, combien de ses amis étaient à moitié dépressifs, écrasés par la pression ou la peur de l'échec ? Lui suivait sa voie par envie, par passion. La psychologie l'avait toujours impressionné et, tout jeune, il avait compris qu'aider et comprendre les gens deviendrait une priorité pour lui. Mauvais dans les matières scientifiques, ce domaine s'était apposé à lui comme une évidence. C'était un choix risqué, surtout ici. Probablement sans avenir, mais il s'en moquait. Du moment qu'il y croyait, il s'en sortirait. De toute façon il ne se voyait pas enfermé dans un bureau, à remplir des papiers toute la journée pour une tierce personne. Quant à Jihyun, leur mère lui avait transmis sa passion pour la cuisine, loin d'être à l'aise sur les bancs de l'école, il avait parlé à son aîné d'une envie d'apprentissage. Pour une quelconque raison, il était tellement terrifié d'en parler que Jimin avait du le faire à sa place, et tout c'était très bien passé.

« -Bonjour Hyung ! »

La voix fluette de SungHyun lui arracha un petit sourire. Son petit voisin de huit ans qu'il gardait parfois, les dimanches après-midi pour se faire un peu d'argent de poche, était à l'image du quartier. Toujours à dire bonjour avec beaucoup de respect, apportant de temps à autre des biscuits de son école primaire. Ses fossettes et ses petites dents manquantes çà et là, l'avaient toujours fait craquer. Jimin avait toujours eu un contact facile avec les plus jeunes, probablement parce qu'il avait lui-même veillé sur son cadet lorsque son père rentrait tard, et que sa mère était de garde à l'hôpital.

« -Bonjour, SungHyun, n'oublie pas de te couvrir, ou tu vas attraper froid. »

Accompagnant le geste à la parole, Jimin referma lui-même son blouson, en réajustant son écharpe en laine. Puis il lui fit un petit signe de la main, avant de reprendre la route, descendant la petite allée avec précaution. Il entendait la neige craquer sous ses chaussures, quelques chants de Noël lui parvenaient à quelques rues d'ici alors que madame Lee, une personne d'un certain âge, accrochait des guirlandes lumineuses sur sa clôture avec l'aide de son mari. Malgré le froid, les craquelures présentes sur ses lèvres et ses mains engourdies, il avait toujours aimé cette période de l'année. Sans trop savoir pourquoi, il la trouvait calme et reposante. Les couleurs lumineuses, les tons rouges et verts, la senteur du pain d'épice et les chocolats chauds à la cannelle. Ce qu'il aimait plus encore en cette période, c'était de pouvoir s'asseoir devant le feu de cheminée, son petit ordinateur sur les genoux, travaillant son roman à l'abri des regards lorsque tout le monde partait se coucher. Il y consacrait énormément de temps, depuis trois ans maintenant. Il se documentait, lisait énormément pour paraître le plus réaliste possible. Du moins autant qu'on pouvait l'être lorsqu'on écrivait de la fantasy.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant