𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗

Pistache

De la cuisine dans laquelle il se trouvait, Yoongi pouvait entendre quelques bribes de conversation provenant du salon se situant non loin. La voix douce et fluette de Joy se faisait entendre, bien vite suivie de celle plus grave et posée de Taehyung. De temps à autre, le pâtissier parvenait à distinguer celle plus rauque et brisée de son compagnon. Cela faisait bien une petite heure à présent qu'ils s'étaient tous retrouvés chez lui, tandis que son colocataire passait l'après-midi en compagnie de Jimin dans ce salon de thé qu'il ne connaissait que de nom. Dans d'autres circonstances, Yoongi aurait été plus qu'heureux de recevoir toutes ces personnes qu'il appréciait tant, mais aujourd'hui il ne parvenait pas à esquisser le moindre sourire quelque peu convainquant. Exceptionnellement, il avait pris un jour de congé et Namjoon avait fermé la librairie pour aujourd'hui, sa présence étant plus que nécessaire pour le bon déroulement de cette petite réunion improvisée.

Lorsque les biscuits saupoudrés d'éclats de pistache furent enfin déposés sur une assiette plate, Yoongi ne tarda pas à s'en munir et rejoignit le reste de ses camarades autour de la table, tentant tant bien que mal de reprendre le fil de la discussion.

« -Es-tu sûr de n'avoir aucune preuve du départ de Jieun ? Une déclaration sur l'honneur d'abandon, une lettre qu'elle t'aurait laissée, une attestation auprès de la mairie ? »

Joy était assise en face du père de famille, un stylo qu'elle faisait tourner entre ses doigts graciles et une feuille de papier déjà bien noircie des déclarations de Namjoon déposées non loin. Ses cheveux étaient remontés en une queue de cheval soignée et sur sa cuisse reposait l'une des mains de Taehyung. Le père de famille quant à lui, ne parvenait pas à calmer les tressautements incessants de sa jambe tandis que la peau morte de ses ongles recommençaient à saigner ça et là, vestige des derniers jours de stress. Bien plus pudique face à ce qu'il éprouvait pour son cadet, Yoongi se contenta de lui tendre l'une de ses pâtisseries avec un petit sourire qu'il souhaitait réconfortant sur les lèvres, bien qu'au fond il savait que celui-ci ne devait être que bien fade. Alors que le père de famille commençait à secouer la tête, il s'arrêta dans ses mouvements avant d'ouvrir la bouche de manière plus ou moins hésitante.

« -Non, rien de tout ça. Il y a bien un ancien SMS qu'elle m'avait envoyé quelques jours après sa sortie de la maternité mais rien de plus. Je crois qu'il est toujours dans mon ancien téléphone.

-Et est-ce qu'elle a changé de numéro depuis ces quatre dernières années ?

-Pas à ma connaissance non..

-Alors, transfère-le-moi dès que tu le pourras. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est toujours une pièce nécessaire à ajouter au dossier. »

Du coin de l'oeil, Yoongi vit Namjoon répondre par un simple hochement de tête. Les derniers jours avaient été particulièrement rudes pour le père de famille et par conséquent pour lui également. Namjoon n'était pas lui même, se voit devenait plus compliqué encore que ça ne l'était déjà et, le pâtissier se trouvait d'une façon ou d'une autre mêlé à tout cela, bouffé par l'inquiétude. Certes il avait toujours clamé haut et fort avoir horreur des enfants, mais là c'était différent, il s'agissait de Wooju, du fils de son compagnon. Ce gamin était un amour -à moins que ce ne soit parce qu'il était amoureux de son géniteur?-, intelligent pour son âge, bien que particulièrement silencieux. Et Yoongi ne parlait de lui qu'après l'avoir croisé une dizaine de fois, jamais il ne s'était impliqué dans la vie de l'enfant. C'était trop tôt, et pour le moment lui même n'en avait pas le désir.

Toujours était-il que les choses devenaient compliquées à gérer, et que remuer le couteau dans la plaie comme ils le faisaient depuis plus d'une heure maintenant devait être difficilement supportable pour Namjoon. Seulement, ils n'avaient pas d'autre choix, pour une bonne défense, il fallait de bons appuis et, avec tout le respect que le jeune homme avait pour Joy, ils partaient déjà en se tirant une balle dans le pied en choisissant la demoiselle comme avocate.