Matcha

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Pour une raison tout à fait obscure à mes yeux, ce chapitre a été un enfer à écrire. Probablement parce que j'ai été coupé dans mon élan avec les bacs blancs etc.. Mais toujours est-il que je m'y suis reprise à trois fois et qu'il ne me plait toujours pas totalement. Néanmoins vous commencez à avoir l'habitude et à savoir que je suis sans doute bien trop dure avec moi même. 

Taehyung était assis derrière son bureau, collant des points de couleurs sur les créations des créatures jouant un peu plus loin. Sous la main, une plaquette de pastilles vertes déjà bien entamée tandis qu'une autre de couleur rouge était à peine commencée. Le jeune homme avait bien du mal avec le concept de notation chez les tous petits, mais il n'avait pas vraiment le choix. Alors peut-être était-il plus souple qu'il ne le devrait sur les coloris des autocollants. Pour être honnête, il ne voyait pas vraiment l'intérêt de noter, de classer des coloriages si ce n'était pour rendre quelques bambins tristes devant un rond orange, voir un peu plus foncé dans le pire des cas. Ce système n'était, de son point de vue qu'un caprice de l'État pour catégoriser les gamins selon un degré d'intelligence. Décourager les plus maladroits, placer sur un piédestal les quelques rares chanceux possédant une quelconque facilité intellectuelle. Facilité oui, parce qu'on ne pouvait décemment pas parler de travail à cet âge. Savoir colorier sans dépasser les épaisses bandes noires... Ça ne révélait rien si ce n'était peut-être qu'une future passion pour le dessin.

Jetant de temps à autre un œil sur les quelques rares bambins présents, il sourit. Contrairement à ses camarades de promotion, le jeune homme aimait être chargé des garderies, tout particulièrement celles du matin. Les enfants n'étaient pas nombreux, toujours plus calmes qu'en journée et le contact était bien plus facile, presque privilégié. Le mardi par exemple, ils n'étaient que cinq, ce qui rendait la pièce étonnamment silencieuse si on mettait de côté les bruitages électroniques de la marchande à piles, et les rires s'élevant. Pas de bagarre pour une poupée, pas de pleurs pour une petite bousculade. Il n'y avait guère que le petit Wooju pour garder les lèvres closes, à genoux sur les tapis matelassés, jouant avec son camion de pompier. Ce garçon, aux yeux du futur professeur, était particulier. Il était rare qu'un enfant de son âge soit si calme, si timide. Parfois, il avait l'impression de déceler de la crainte dans les prunelles noisette du petit bonhomme. Cette peur surgissait généralement lorsqu'il se retrouvait comme pris au piège au milieu des jeunes l'entourant. Il arrivait également que ce sentiment normalement inconnu à cette période de la vie surgisse lorsque Madame Choi haussait le ton pour ramener le silence. De plus, il y avait un point d'ombre autour de Wooju ; son père. Taehyung avait toujours cette conversation en travers de la gorge. S'il savait faire la part des choses, différencier le père et le fils, les mots durs et secs tournaient encore dans son esprit lorsqu'il s'adressait à la progéniture de cet homme bien trop jeune à son goût pour assumer un tel rôle. Jugeait-il ? Ce n'était pas son genre, mais cette fois, oui. Est-ce que ça signifiait qu'il se comporterait différemment ? Bien sûr que non. Disons plutôt qu'il lui portait peut-être plus d'attention que nécessaire et qu'un millier de questions naissaient lorsqu'il posait ses yeux sur l'enfant.

Se concentrant de nouveau sur les chefs-d'œuvre douteux et sur ses pastilles, Taehyung pouffa légèrement en contemplant la feuille qui se trouvait sous ses yeux. Ce n'était pas moqueur, il ne se le permettrait pas. L'enfant ayant rendu la création qui s'étendait devant lui, avait pris soin de ne pas colorier l'intérieur, mais l'extérieur des contours représentant une grande maison à l'architecture traditionnelle. L'aplat de couleurs était étrangement bien réalisé. Certes il y avait quelques coups de crayon maladroits qui ne se fondaient pas parfaitement ; mais le reste était étalé de façon drôlement uniforme. Un tout petit savait-il vraiment faire un fondu entre le ciel et la terre ? Retournant le papier, le futur enseignant put lire en une écriture précaire et disproportionnée Nam Daeho. C'était donc la production de ce garçon surexcité et difficile à maintenir. Il n'y avait guère que le matin, en garderie que le garçon se tenait particulièrement tranquille. Aujourd'hui par exemple il était assis à une table, près de lui un bac de feutres et de crayons remplit. Ses yeux étaient bouffis de sommeil et pourtant, ses jambes battaient avec entrain sous sa chaise. Légèrement hyperactif mais particulièrement attachant. À contrecœur et par égalité à l'égard des autres gamins, Taehyung fut contraint de coller une pastille orangée. Puis, tout de suite après, vint le dessin de Wooju. La différence était tout bonnement frappante. L'enfant s'était appliqué à ne pas déborder du cadre, tout en choisissant les mêmes couleurs que son petit Daeho : le vert et le bleu. Contrairement à son camarade, ça semblait plus brouillon et moins appliqué. De plus, il était étrange d'associer ces deux teintes dans les fondations d'une maison, même sur papier. Néanmoins il ne s'agissait que d'un enfant de quatre ans. Ce genre de questions ne se posaient pas, alors, se munissant d'une pastille de couleur verte, il apposa cette dernière sur le coin de la feuille.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant