𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗

Dulce de leche

Il y avait une chaleur étouffante dans la petite salle de danse. La musique s'apaisait peu à peu et, rapidement il n'y avait plus que les souffles chaotiques des danseurs qui s'élevaient dans la pièce. Hoseok observait son reflet dans le miroir parfaitement nettoyé mais rendu légèrement brumeux à cause de la buée causée par leurs respirations désordonnées. Les pointes de ses cheveux nouvellement bruns étaient tout humides de sueur, cette dernière perlant en quelques gouttes sur son front et le long de sa nuque. Tout comme le reste de ses collègues, le danseur maintint sa position encore quelques secondes avant de finalement relâcher ses membres au soin de la voix de leur chorégraphe. Sans plus attendre et comme bon nombre des personnes présentes, le jeune homme se laissa tomber au sol dans un soupir douloureux.

Pour être tout à fait honnête, il commençait sincèrement à fatiguer. Ses muscles le tiraillaient plus qu'à l'accoutumée, il avait l'impression que ses jambes s'embrasaient au moindre de ses mouvements et, peut-être se l'imaginait-il mais il peinait à tenir debout. Pourtant, sa tête ne lui tournait pas, il avait encore parfaitement conscience de son environnement et il avait mangé quelques heures plus tôt, mais il n'était pas certain de supporter son propre poids encore longtemps. Des heures maintenant, qu'ils s'entraînaient tous sans relâche et, comme bien souvent il n'avait aucune idée de quand est-ce que les répétitions toucheraient à leurs fins. Dehors, il faisait déjà nuit noire et l'horloge murale indiquait déjà vingt-deux heures. Jamais Hoseok ne se plaindrait de ce que la danse pouvait lui apporter, mais il était vrai que parfois, lors de rares occasions comme ce dîner qu'il n'avait eu d'autres choix que d'annuler en compagnie de Jimin, sa vie d'avant lui manquait. Enfin, non, ce n'était pas totalement vrai. Le temps libre qu'il avait autrefois lui manquait, là était toute la différence.

Allongé sur le parquet de la salle de danse, Hoseok tentait tant bien que mal de récupérer une respiration convenable, une main sur son ventre, son avant-bras posé sur son front tandis qu'il observait le plafond avec grand intérêt. Autour de lui, ses collègues discutaient de tout, de rien, avec plus ou moins d'entrain. Chacun rêvait de regagner son chez-soi et, le danseur quant à lui ne parvenait pas à se sortir la tête de la chorégraphie. Si autrefois l'on pouvait lui reprocher de ne penser à rien, de ne se préoccuper que de peu de choses, aujourd'hui l'on pouvait pointer du doigt cette fâcheuse manie qu'il avait de ne penser qu'à la danse. Elle passait avant tous et tout le monde. Parfois, lorsqu'il avait des soubresauts de lucidité, quittant le rêve éveillé qu'était à présent sa vie, il se souvenait de son entourage, de son couple et il prenait peur. Un jour viendra où il devra probablement faire un choix, celui d'abandonner son rêve ou les siens. L'un et l'autre n'étaient pas compatibles, lorsque l'on entrait dans une compagnie on ne vivait plus que pour elle et, s'il avait toujours été conscient de cela, jamais il n'avait imaginé que cela serait aussi difficile. Fermant un instant les yeux, il se laissa bercer par la douce mélodie qui raisonnait en fond sonore. Il ne voulait pas penser à tout cela, pas maintenant, sans doute jamais ? Il était plus simple de fuir ses problèmes plutôt que de les affronter et, c'était toujours ainsi qu'il avait fonctionné jusqu'à présent.

« -Je pense qu'il est temps de s'arrêter là. Bon travail tout le monde, je vous attends demain à onze heures, faites attention à vous ! »

La voix de leur chorégraphe résonna et enfin, des soupirs de soulagement, des remerciements à son égard et le bruit de pas traînant sur le sol en direction des vestiaires. Il fallut quelques secondes supplémentaires à Hoseok pour se redresser, faire rouler les muscles endoloris de sa nuque avant finalement récupérer ses affaires. Son sac traînait dans un coin de la pièce, sa serviette reposait sur le banc et sa bouteille d'eau rencontra finalement la poubelle pleine à craquer de ses semblables. Fouillant dans la poche avant, le danseur finit par trouver son téléphone portable où se trouvait un appel en absence en provenance de son petit-ami, suivi d'un message lui souhaitant un bon entraînement et une bonne nuit. Ses dents vinrent rencontrer la chair tendre de sa lèvre inférieure et bien vite, ses doigts s'activèrent sur l'écran tactile. C'était dans ces rares moments, qui pourtant devenaient de plus en plus fréquents, que le danseur se demandait à quoi ressemblerait son avenir avec le rouquin. À l'horizon, il ne voyait aucune issue se dessiner entre eux deux et, lorsqu'il s'autorisait à y penser, ça l'effrayait. Néanmoins, cette fois encore il préféra mettre ses craintes de côté et alors qu'il rangeait le cellulaire à l'arrière de son jogging, hissant son sac sur son épaule.