Praline

1.3K 190 64
                                    

Il était difficile pour Namjoon de réellement dater la dernière fois qu'il avait passé l'une de ces agréables soirées avec son fils, et uniquement son fils. Ces week-ends où il laissait l'enfant gambader dans le salon avec ses peluches et autres bonshommes en plastiques, ou regarder un dessin animé pendant que lui gardait un œil sur le bambin tout en gérant ses comptes et autres commandes ne comptaient absolument pas. Non, le père de famille pensait à ce qu'ils vivaient actuellement, lui devant la plaque à induction, tentant plus ou moins de faire des crêpes tout en écoutant son petit garçon lui raconter les dernières bêtises de Daeho, ou encore ce qu'il avait fait cette semaine à l'école. Honnêtement il ne s'en souvenait pas et cela lui faisait un petit pincement au cœur. Sans doute que Wooju était trop jeune pour en avoir conscience, encore que le bambin était particulièrement intelligent pour son âge et que ce genre de petites habitudes oubliées devaient quelque peu le chambouler. C'était uniquement, et entièrement de la faute du père de famille, ce dernier en prenait lentement conscience. En fait, cela l'avait frappé lorsqu'il avait entendu son fils rire en racontant ces péripéties dans la cour de l'école. À ce moment-là, cela l'avait comme frappé, il s'était demandé à quand remontait la dernière fois qu'il l'avait entendu si joyeux.

Tandis qu'il retournait une crêpe vanillée à l'aide de sa spatule en bois, Namjoon ne put s'empêcher de se sentir particulièrement coupable. Cette librairie il en avait tant rêvé, aujourd'hui elle était là entre ses mains mais à quel prix ? En une petite année à peine, Wooju avait tant grandis sans qu'il ne le voit venir. Son fils n'avait plus rien à voir avec l'enfant renfermé sur lui même, apeuré à la moindre petite nouvelle chose. Il s'ouvrait à l'inconnu, avait un premier ami avec qui il parlait, jouait et s'amusait. Il n'était plus seul, avec ses peluches et ses crayons de couleur avec lesquels il se créait des histoires toutes plus folles les unes que les autres. Sa seule compagnie n'était plus Rapmon et, même si de ce que Jimin lui racontait des sorties au parc, la chienne n'était plus sa seule partenaire de jeu après l'école. Cette dernière était d'ailleurs couchée aux pieds du garçonnet, mâchouillant l'un des nombreux jouets avec plus ou moins d'enthousiasme. Tout bonnement, Wooju évoluait et il avait l'impression de louper cela au détriment d'un besoin matériel presque obsessionnel.

Des années durant, depuis l'arrivée du nourrisson dans sa vie pour être honnête, Namjoon n'avait plus connu la tranquillité financière. Il enchaînait les petits boulots plus déplaisants les uns que les autres, s'efforçait comme il le pouvait de fournir le minimum vital aux soins d'un petit être comme le bébé qu'il avait sur les bras mais jamais dans plus grands des conforts. Il avait été seul, rejeté par ses parents et incompris de sa petite sœur qui commençait à peine à reprendre contact avec lui maintenant qu'elle avait grandi. Combien de repas, avait-il sauté en fin de mois pour permettre à Wooju d'avoir de nouveaux vêtements, quelques peluches et autres livres ? Il ne s'en souvenait pas vraiment, mais quand bien même il chérissait son fils plus que tout et que, pas un seul instant il ne regretta sa présence dans sa vie, ce n'était définitivement pas les années les plus tranquilles de sa vie. Il regrettait toujours de ne pas avoir pu fournir plus au garçonnet, alors à présent qu'il était capable de gérer convenablement son argent, il se tuait à la boutique pour lui offrir le plus possible, comme si le confort matériel assurerait la joie au petit garçon. C'était d'un ridicule, et Namjoon commençait à en prendre conscience. La seule chose dont Wooju avait besoin actuellement était de la présence de son père, pas de celle substituable de Jimin. Le père de famille aimait profondément l'étudiant, il était devenu à ses yeux un véritable ami mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu jaloux. Il avait raté tant de choses dans la vie de son fils que l'étudiant avait eu la chance de voir et il se sentirait presque pathétique de penser de la sorte. Après tout, il avait fait des choix et aujourd'hui il en payait les conséquences.

𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant