𝙼𝚞𝚏𝚏𝚒𝚗

Miel

Namjoon aurait potentiellement dû s'y attendre. Durant les vacances d'été, la boutique tournait bien moins qu'avant. Les étudiants n'avaient pas besoin de manuels, les parents partaient en vacances avec leurs enfants, il n'y avait guère que quelques passionnés de lecture pour venir lui acheter un ou deux bouquins. Une dizaine de clients à la journée, tout au plus. En soi, ça n'était pas plus mal. Il en avait fini avec ces commandes à n'en plus finir et ainsi il pouvait passer un peu plus de temps avec son fils. Wooju en était content, de ce que pouvait en constater le père de famille. Son petit garçon avait tant évolué en si peu de temps, qu'il avait l'impression d'avoir raté une période de sa vie. Enfin qu'importe, aujourd'hui ce n'était ni son fils qui le préoccupait tant, ni son job à la libraire. Bien entendu, il l'avait ouverte comme chaque jour, trier ses rayons et faxer les nouveaux arrivages, mais il était pour ainsi dire, ailleurs.

Yoongi l'avait embrassé, sans prévenir et depuis ils n'en avaient pas reparlé. En fait, ils n'avaient pas parlé du tout. Après cet échange pour le moins surprenant, ils avaient simplement terminé leur gâteau puis le pâtissier était reparti, sans la moindre explication. Est-ce qu'il avait la moindre idée de ce que représentait ce baiser ? Pas le moins du monde, et pour être honnête, il ne parvenait pas à comprendre ce qui avait bien pu passer par la tête du jeune homme, ou même par la sienne lorsqu'il ne l'avait pas repoussé. Là était sans aucun doute le plus surprenant dans cette histoire, pas un instant il n'avait pensé à rompre ce qu'ils partageaient au milieu de sa cuisine. Ce n'était pas très clair dans son esprit, mais Namjoon était presque certain d'y avoir répondu. C'était sans doute pour cela que le père de famille fixait avec plus ou moins d'insistance l'horloge murale face à la caisse, attendant avec plus d'impatience qu'à son habitude l'arrivée de Jimin. Non loin de lui reposait un thé au miel encore fumant.

Alors en attendant, pour ne pas penser à tout cela, Namjoon tentait de se concentrer sur autre chose et en l'occurrence sur son fils. Wooju, comme bien souvent lorsqu'il était seul, était assis à l'une des tables contre la fenêtre, la tête penchée vers l'avant tandis qu'il dessinait bien gentiment sur une feuille de papier. Le libraire se souvenait vaguement d'une conversation qu'il avait eue avec Taehyung au début de l'année, lorsque leurs relations étaient encore un peu houleuses -pas que ça se soit vraiment arrangé, mais disons que les choses étaient plus calmes depuis qu'il n'était plus le professeur de son fils-, ce dernier lui avait fait part des quelques particularités du petit garçon. Wooju avait toujours été un enfant à part, mais comme beaucoup d'autres, du moins c'est ce que pensait Namjoon. Aujourd'hui, il semblait plus ouvert, plus souriant et n'était-ce pas un pas en avant ? Jimin avait sans doute raison, le père de famille avait été trop protecteur envers son petit garçon, c'était probablement cela qui avait participé à la timidité presque maladive de l'enfant, alors le voir s'exprimer avec plus d'aisance, c'était presque comme une victoire personnelle, quand bien même il n'y était au fond pas pour grand-chose. L'étudiant lui avait tenu la main sur les trois quarts du chemin.

Une énième fois, le libraire jeta un coup d'œil à la pendule circulaire. Que faisait Jimin ? Ne devrait-il pas être déjà là ? Non pas que le monde présent dans le petit commerce l'empêchait de surveiller son fils, mais il ne pouvait donc clairement pas se plonger dans ses papiers. Si seulement le souci n'était que Wooju. Un soupir discret lui échappa tandis qu'une main nerveuse venait balayer ses mèches blanches. Pourquoi Yoongi ne voulait-il pas quitter son esprit ? Était-il lui même en colère, ou bien contre le pâtissier qui l'avait finalement prit par surprise ? Telle était la question. Alors même qu'il pensait ces mots, la porte vitrée s'ouvrit pour laisser place à l'étudiant, vêtu plus ou moins légèrement et la mine plus ou moins sombre. Les mains ancrées bien profondément dans les poches de son jean, Namjoon se dit que c'était bien la première fois qu'il le voyait ainsi. Presque éteint, à bien y réfléchir. Wooju, bien loin des préoccupations des deux adultes, quitta sa chaise, son feutre encore dans les mains alors qu'il venait encercler les jambes de l'étudiant de ses deux petits bras. Son fils était toujours heureux de retrouver son baby-sitter après un week-end passé sans ne serait-ce que l'avoir croisé.